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La carte de la dernière chance pour la démocratie tunisienne

C’est la carte de la dernière chance pour la démocratie tunisienne. Dans une semaine, le pays où le printemps arabe de 2011 a fleuri aura ce qui pourrait être la dernière occasion d’empêcher son président d’institutionnaliser une nouvelle dictature.

Le 25 juillet, exactement un an après que Kais Saied a limogé le gouvernement, suspendu le parlement et s’est arrogé l’autorité absolue, les Tunisiens se prononceront par référendum sur une nouvelle constitution qui scellerait le contrôle total du président sur leur pays. Comme l’a écrit Zaid al-Ali, l’éminent spécialiste des constitutions dans le monde arabe, dans le Washington Post, « le  projet ressemble beaucoup à la constitution de 1959, qui a posé le cadre permettant à la Tunisie d’être gouvernée comme une autocratie pendant un demi-siècle, jusqu’à la rupture qui a conduit aux soulèvements de 2011. »

L’issue du référendum ne fera peut-être pas les gros titres internationaux qui ont accompagné ces soulèvements. Mais il sera suivi de près dans d’autres pays arabes, en particulier en Irak et en Libye, où les poussées démocratiques s’amenuisent à mesure que les partis politiques se révèlent, tout comme en Tunisie, incapables d’assurer une bonne gouvernance. Le vote sera également suivi avec intérêt en Algérie et au Soudan, où les soulèvements pro-démocratiques des deux dernières années s’étiolent sous la pression soutenue des élites bien établies, prévoit le chroniqueur d’opinion  Bobby Ghosh, dans une tribune libre sur les colonnes de Bloomberg, reprise par le Washington Post  . 

Alors que la minuscule nation méditerranéenne a jadis suscité des aspirations dans tout le monde arabe en éjectant son tyran, un vote en faveur du retour au pouvoir d’un seul homme porterait un coup dur aux mouvements démocratiques dans tout le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, ajoute-t-il, soulignant que le président tunisien a mis le doigt sur la balance pour que les choses aillent dans son sens. Il s’est ingéré dans la rédaction de la constitution elle-même. Le président de la commission dédiée à cette tâche a démissionné en signe de protestation. Saied a emprisonné des opposants, muselé les médias et étendu son autorité sur le système judiciaire. En mai, il a nommé une nouvelle commission électorale dont un membre a déjà démissionné.

Saied espère tirer parti du désespoir que suscite la démocratie dans le pays et de l’apathie à l’étranger. Il s’est emparé du pouvoir au moment où les Tunisiens perdaient l’espoir que leur gouvernement dysfonctionnel et leur parlement bloqué seraient capables de dépasser les petites querelles politiques pour s’attaquer à des problèmes économiques profondément ancrés. Beaucoup espéraient que le président, qui n’était lié à aucune faction politique, serait en mesure de le faire.

Les Tunisiens seuls face à un autocrate

La réaction initialement positive de nombreux Tunisiens au coup d’État a permis à la communauté internationale de se décharger de toute responsabilité pour protéger les institutions démocratiques que Saied sapait. Les Nations unies se sont  bornées à se désoler ; les États-Unis et les pays  européens ont faiblement agité un doigt désapprobateur. La France, qui exerce une influence considérable sur les affaires tunisiennes en raison de son histoire coloniale et de ses liens commerciaux, a traité l’autocrate avec des gants.

Il n’a pas fallu longtemps aux Tunisiens pour se rendre compte que Saied était moins intéressé par la résolution de leurs problèmes que par la consolidation de son pouvoir. Leurs espoirs de l’automne dernier se sont transformés en ennui au printemps dernier, lorsque peu d’entre eux ont pris la peine de participer à un sondage en ligne qui devait servir de base à la nouvelle constitution. La participation aux élections municipales de mars était encore plus faible qu’en 2018 – ce qui met à mal l’affirmation du président selon laquelle la démocratie directe, centrée sur les élections locales, convient mieux au pays que le système parlementaire inscrit dans la constitution actuelle.

Mais la communauté internationale n’est pas descendue de la barrière : L’administration Biden, par exemple, n’a exprimé qu’une légère inquiétude quant à l’appropriation systématique de l’autorité par Saied au cours de l’année écoulée. Des mesures plus sévères, telles que des sanctions ciblées contre le président et ses complices, n’ont même pas été envisagées.

Les Tunisiens sont donc seuls face à un autocrate, tout comme en 2011. Cette fois, ils n’auront peut-être pas besoin de descendre dans la rue, même si des manifestations éparses ont eu lieu ces derniers jours. Le référendum leur donne une chance de battre Saied dans les urnes. Bien qu’il bénéficie du soutien des forces armées, les généraux ont toujours cédé à la pression de l’opinion publique. Un rejet massif de sa constitution ne laissera pas d’autre choix au président que de redonner le pouvoir au Parlement.

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