AccueilLa UNELa France n'en ferait-elle un peu trop avec la Tunisie ?

La France n’en ferait-elle un peu trop avec la Tunisie ?

C’est désormais une habitude installée chez les journalistes tunisiens : ne jamais complètement croire ce que disent les communiqués du palais de Carthage. Il faut, à chacune des audiences du chef de tout l’Etat tunisien, et à chacun de ses entretiens téléphoniques avec des chefs d’Etat ou des responsables étrangers, aller chercher leurs propres communiqués ou leurs traductions, pour avoir un bout de la vérité de ce qui a été dit. C’est le cas pour la France, l’Allemagne et les USA. Et d’ailleurs, ces responsables étrangers veillent désormais à publier leurs propres communiqués, car ne faisant pas confiance à ceux de Carthage. Dernier en date, celui de l’Élysée comparé à celui de la présidence tunisienne, à l’issue de l’entretien téléphonique Saied/Macron.

–        La France jouerait-elle à mettre en danger le tourisme tunisien ?

On s’interrogeait sur  le pourquoi de son silence, alors que sortaient déjà les réactions réprobatrices du Maroc et de l’Algérie, Kais Saïed a enfin parlé. Première réaction officielle en effet, samedi 2 octobre 2021, de la Tunisie à la décision officielle française de réduire drastiquement le nombre des visas de voyage pour la France, et partant pour l’Europe, aux Tunisiens. Ce jour-là, le président tunisien Kais Saïed avait un entretien téléphonique avec son homologue français Emmanuel Macron, et jouait son rôle de 1er diplomate du pays, et de président de la République soucieux des intérêts de ses concitoyens où qu’ils soient.

Pensant certainement au classement renouvelé le 23 septembre par la France, de la Tunisie sur la liste rouge des voyages à l’étranger pour ses concitoyens, le chef de l’Etat tunisien lui faisait remarquer « l’amélioration remarquable de la situation sanitaire en Tunisie grâce aux efforts déployés par la Tunisie au niveau international et le soutien des pays frères et amis, qui ont permis la maîtrise de la pandémie de Covid-19 ».

La dernière mise à jour française de la liste rouge était, en effet, entrée en vigueur le 23 septembre 2021. Huit pays qui étaient classés en rouge rejoignent la liste orange, et ce ne sont pas des pays qui enregistrent désormais zéro nouvelle infection, comme en ce 28 septembre 2021.

Dans les 24 pays classés rouges au 10 septembre 2021, « le virus circule activement et la présence de variants, est préoccupante », disent les sources françaises, et on y trouve pourtant la Tunisie, au même titre par exemple que la Turquie qui enregistrait, le 13 septembre, 24.613 nouveau cas, ou encore l’Iran qui signait 14.526 nouveaux cas, le 1er octobre. Le 1er octobre, le ministère de la Santé a annoncé un taux de positivité de seulement de 2,84 %. Et pourtant la Tunisie était toujours au rouge.

–        Le visa pour faire le « bon Zemmour »

Plus important, « le Président de la République [tunisien] a exprimé ses regrets quant à la décision de réduire le nombre de visas accordés aux Tunisiens souhaitant s’installer en France ». Et c’est suite à ce coup de fil que le président Emmanuel Macron décide de prendre un peu de distance par rapport les théories racistes de son concurrent pour l’Elysée Éric Zemmour, pour indiquer à Saïed que « cette mesure est sujette à révision ». On ne sait pas ce qui avait alors poussé Emanuel Macron à faire cette promesse (et à quel prix), pour Kais Saïed, et non au Roi du Maroc ou à Abdelmadjid Tebboune, ou aurait-il compris que le chantage aux visas avait peu de chance de marcher avec Saïed qui lui semblerait le plus vulnérable dans la crise constitutionnelle et politique où la Tunisie se débat ?

Le président de la République a également soulevé avec Macron la question de la migration irrégulière, nœud gordien de la guerre électorale, en France comme dans d’autres pays de l’Europe à l’image de l’Italie. Et de nouveau, le chef de l’Etat tunisien insiste sur le fait que cette question « ne peut être abordée que sur la base d’une nouvelle vision », soulignant que « la recherche d’une solution à ce phénomène sera consacrée après la formation du nouveau gouvernement tunisien ». La pression sur une Tunisie devenue refuge d’immigrés clandestins malgré elle et malgré le peu de ses moyens financiers, est internationale par des pays qui en font chantage sur la Tunisie, et nationale. Hier encore, une déclaration a été publiée par un groupe de huit associations et organisations nationales et internationales dénonçant le refoulement d’un groupe de personnes d’origine subsaharienne à la frontière libyenne par les autorités tunisiennes ». Des associations qui ne font rien pour sédentariser les clandestins dans leurs pays d’origine par le développement et la création d’emplois, et qui trouvent que « la procédure de refoulement arbitraire menée par les autorités tunisiennes n’est pas conforme au droit international et viole le principe de non-refoulement; elle met également gravement en péril la sécurité des personnes, dont beaucoup en état de grande vulnérabilité, qui sont expulsées vers un État qui ne peut en aucun cas être considéré comme un pays sûr vers lequel renvoyer des migrants ».

Pourquoi ces associations n’ont-elles pas envoyé le même message à des pays européens où l’immigration devient un enjeu politicien et de campagnes électorales, sinon un enjeu économique par l’immigration choisie qui entraîne le renvoi forcé à tous ceux qui ne correspondraient pas à leurs critères ?

–        Saïed a promis un Dialogue à Macron

De la question migratoire, on ne trouve que deux lignes en fin de communiqué de l’Elysée. Mais rien, absolument rien, sur la question des visas qu’on retrouve pourtant dans le Read-out tunisien du coup de téléphone des deux hommes. C’est comme si la présidence de la République française ne voulait pas se mouiller devant les électeurs de Macron et le reste de la communauté européenne.

Il y a lieu en effet de remarquer cette divergence entre les communiqués des deux présidences. Chacun d’elles  dit ce qu’elle veut et ce qu’elle veut faire dire à l’autre ce qu’elle veut qu’elle dise. Kais Saïed a ainsi passé les deux messages dont on parlait plus haut, et surtout révélé que Macron a promis de revoir la restriction des visas. Mais c’est Macron qui a fait le plus gros coup.

Le chef de l’Etat tunisien avait toujours dit refuser tout dialogue, et ne jamais céder aux pressions extérieures. Clou du communiqué de l’Elysée, « Kais Saïed a indiqué que le gouvernement serait formé dans les prochains jours et qu’un dialogue national serait lancé dans la foulée ». Le gouvernement, on l’attend toujours ce dimanche 3 octobre 2021. Le dialogue, il n’est pas précisé avec qui, et nous pensons qu’on l’attendra beaucoup plus longtemps que le gouvernement.

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