Plutôt occasionnelles dans le paysage tunisien, les réserves envers la politique monétaire suivie par la Banque centrale de Tunisie, se sont multipliées, ces dernières semaines, virant franchement aux attaques systématiques et à une remise en cause de l’efficacité économique de son indépendance dans le contexte actuel.
Ces critiques ont été nourries plus particulièrement par l’échec du relèvement du taux directeur à contenir l’inflation galopante dans le pays, tout en pénalisant l’investissement et la production.
L’économiste Sadok Zerelli , dans un article de presse bien documenté publié le 27 janvier 2023, a critiqué ouvertement la démarche, la qualifiant de « politique de fuite en avant de la BCT».
Pire, a-t-il noté, cette politique a accéléré l’inflation en obligeant les entreprises à répercuter sur leur prix de vente l’augmentation de leurs coûts de financement , sans parler de l’effet d’éviction sur les investissements qui a aggravé la récession économique et augmenté le chômage ».
Après avoir rappelé les fameuses déclarations de l’ancien ambassadeur de l’Union européenne, Patrice Bergamini, en 2019, il a affirmé que l’Etat est le gros perdant de la politique monétaire suivie par la BCT. L’économiste pointe du doigt la souscription massive des banques aux emprunts obligataires lancés par l’Etat pour financer le budget, obligations que le relèvement du taux directeur contribue à renchérir au fil des ans.
Cependant, il faut reconnaître que la BCT est opposée ou du moins s’est dit souvent opposée par la bouche de son gouverneur, au recours à cet endettement intérieur de l’Etat auprès de banques pour financer son budget.
Néanmoins, les mises en garde, à ce sujet, de la part des experts économiques de tous les horizons, sont anciennes et ne datent pas d’aujourd’hui. Ainsi, en 2020, déjà, un l’enseignant universitaire au Canada, Mokhtar Lâamari, a critiqué ce franchissement d’espèce de la profession bancaire qui se convertit en investisseur en bons du trésor.
Les banques, a-t-il noté, font un business juteux là-dessus en siphonnant les liquidités sur la place, tarissant le financement des entreprises, d’autant que l’épargne a beaucoup baissé. C’est devenu comme une martingale.
Pour Lâamari, cette situation permet aux banques de marger confortablement sur les avances au trésor, leur garantissant une rentabilité élevée. Cela fait qu’elles se détournent des appels des entreprises, grevant la croissance dans le pays.
Sphère économique réelle
Au même moment, les entreprises peinent à accéder aux financements bancaires. Mais pas toutes, les banques sont accusées d’appliquer une sélectivité sévère en matière d’octroi du crédit.
Les experts reprochent à la BCT, sous l’égide de son gouverneur Marouane Absassi, son dogmatisme qui la pousse à s’attacher aux recettes théoriques au détriment de la sphère économique réelle prévalant en Tunisie. Ce qui réussit dans les pays hautement industrialisés en Occident ne réussit pas forcément en Tunisie.
Marouane Abassi ne le cache pas. Le 10 février dernier, devant le Club des dirigeants des banques d’Afrique, il a confirmé que « la BCT s’est fixée comme objectifs la totale conformité avec les standards bâlois et les normes comptables Ifrs en 2023 (International financial reporting standards)».
Pour sa part, Nadia Gamba, vice-gouverneur de la BCT, a affirmé , lors d’un colloque tenu à Tunis, le 25 mai 2022, que les schémas classiques de financement axés quasi exclusivement sur l’endettement bancaire ont atteint leurs limites et que, d’autre part, les entreprises sont, pour la plupart, des entités familiales sous capitalisées, souffrant d’un déficit de gouvernance et de transparence entravant leur accès au marché financier (la Bourse).
Cependant, le plus significatif, du moins pour le cas de la Tunisie, est que le mécontentement s’est étendu à une bonne partie de l’élite politique influente du moment.
Dans des déclarations le 9 mai 2023, à une radio locale, le député indépendant à la nouvelle ARP, Bilel Mechri, a estimé que « la politique de la BCT a causé la paupérisation et la marginalisation de la grande proportion du peuple tunisien, et que le mieux est de la placer sous la tutelle directe de l’Etat ». Récemment encore, un activiste de la mouvance du 25 juillet a accusé la commission des analyses financières de la BCT de favoriser la dissémination de la corruption.
Pour sa part, le dirigeant au Parti des patriotes démocrates unifié, a souligné, à la même radio locale, que « ceux qu’on appelle aujourd’hui acteurs économiques ne sont que des lobbies économiques et financiers qui déterminent et façonnent les politiques publiques de l’Etat ».
Aussi, beaucoup s’attendent à des bras de fer très sérieux entre tous ces protagonistes qui, contrairement à ce qui se dit, semblent être prêts à jouer leur rôle jusqu’au bout.
S.B.H
Merci pour cet article qui met en lumière les réserves et les critiques envers la politique monétaire de la Banque centrale de Tunisie. Il semble y avoir un débat sur l’efficacité économique de son indépendance, notamment en ce qui concerne le relèvement du taux directeur et ses conséquences sur l’inflation, l’investissement et la production.
Il est intéressant de voir que ces critiques proviennent non seulement d’économistes, mais aussi de membres de l’élite politique. Les débats sur le rôle de la BCT et son impact sur l’économie réelle sont importants pour le développement de la Tunisie.
Il sera intéressant de suivre l’évolution de cette situation et de voir si des actions concrètes seront prises pour répondre aux préoccupations soulevées. Merci pour cet éclairage sur un sujet économique crucial pour le pays.