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La sébile dans une main, et l’impertinence dans l’autre

Il ne fait plus aucun doute, chez nous comme ailleurs, que la Tunisie fait depuis 2012 la manche. Le peu de ses moyens laissés par l’ancien régime de « Zaba », comme les 3 Mds DT de la vente d’une partie de TT, ont été dilapidés en dépenses de compensation diverses et avariées, pour tous et pour tout, méritants et incompétents. Faire désormais les cent pas dans les dédales de justice, en prétendant devoir reprendre les milliards dits spoliés, ne nourrit pas un peuple. Cela demande même plus d’argent.

Crier au complot, faire du populisme politico-économique sans réelle perspectives financières, et prétendre que l’Etat ne manque pas de ressources, c’est être quotidiennement démenti par un dur « real-économique », fait de pénuries et de coupes budgétaires annuelles dans le titre un pour payer les seuls salaires et retraites de la fonction publique.

Maintenu sous Etat-providence dans une économie de marché, cela plaît à une certaine frange de la population tunisienne, et cela réconforte un Exécutif pour lequel la priorité est politique, avec même une population atteinte du syndrome de Stockholm qui lui trouve des excuses.

2022 aura finalement coûté plus de 60,8 Mds DT aux Tunisiens, qui n’en voient que peu de trace dans l’investissement créateur d’emplois pour leurs enfants. La plus grande part est allée en consommation (salaires, et compensations diverses), et peu ou prou pour la création de valeur ajoutée. Au contraire, les dépenses d’investissement baissent chaque année encore plus, et sont parfois même détournées vers d’autres rubriques de dépenses.

Que l’on fasse du développement à crédit, cela n’est pas une nouveauté. Les USA le font qui sont, du reste, le plus grand débiteur de la Chine, le 1er endetté du monde dans l’absolu (18 286 Mds USD) et la Chine en 15ème position mondiale avec 1 437 Mds USD. Toujours faut-il que la dette ne soit pas insoutenable.

Or, Le taux d’endettement de la Tunisie s’élève déjà à 78,5% du PIB atteignant 109,620 Mds DT à fin août 2022, selon les données du ministère des Finances, qui précise dans la LF corrigée de 2022, que le volume de la dette publique enregistré à fin septembre 2022 s’élève à 110, 187 Mds DT, répartis entre une dette intérieure de 43, 928 Mds DT et une dette extérieure à 66, 259 Mds DT, plaçant la Tunisie à la 10ème place en Afrique. 

La Tunisie a-t-elle pour autant une autre alternative que celle de s’endetter encore, en espérant redémarrer ses principaux moteurs de développement ?

  • L’endettement à la manière Saïed

La Tunisie de l’après dite-révolution essaie de s’endetter en appui à son budget et  pour éponger son déficit récurrent et galopant. La Tunisie de tous les chefs de gouvernement de l’après 2011 y a jusque-là toujours échoué. Youssef Chahed s’y était essayé, et Elyes Fakhfakh finit par retirer le dossier de la Tunisie chez le FMI. Hichem Mechichi représente un nouveau dossier qui est rejeté avant d’être lui-même remercié par l’actuel chef de tout l’Etat.

Ce dernier commence par formuler de sérieuses critiques à propos du budget d’Etat mis au point par la nouvelle cheffe de gouvernement, Nejla Bouden, désignée par Saïed en remplacement de Mechichi. Entretemps, le président de la République a développé une stratégie de gestion des affaires économiques de l’Etat dont il devient le 25 juillet 2021 l’unique chef, basée sur le refus de tout recours à l’étranger sous couvert de la souveraineté. Une logique qui lui vaut la sympathie et le soutien de tous ceux qui refusent l’accord négocié par Nejla Bouden avec Kristalina Georgieva, dans le silence du Palais.

Et c’est ainsi que depuis juillet 2021, c’est la cheffe du gouvernement qui négocie. Mais c’est le chef de tout l’Etat qui décide. C’est elle qui tend la sébile. Mais c’est lui qui édicte les conditions d’acceptation ou non de l’aumône du bailleur de fonds. Et pour épicer le jeu, Saïed entreprend de manier l’impertinence avec tous ceux qui chahuteraient son propre agenda politique.

L’aumônier, par ailleurs Vicaire du village du monde, a ses conditions, notamment politiques, et voudrait vérifier et contrôler l’utilisation de l’aumône. Le mendiant voudrait de son côté qu’on lui donne simplement le crédit qu’il demande, tout en le laissant libre d’en disposer et surtout de ne pas intervenir dans sa stratégie, politique et économique. Et c’est là que se retrouve le goulot d’étranglement.

Pour des raisons que la presse ignore, le FMI avait essayé d’éviter les écueils à la négociation. Pour ce faire, il envoie Jihad Azour rencontrer Kais Saïed à Carthage, d’où il était sorti manifestement satisfait et les négociations engagent le dernier quart d’heure à l’occasion du « Spring Meetings » BM-FMI, et se terminent quelques mois plus tard par l’obtention du SLA (Staff Level Agreement).

  • Et maintenant ?

Le gouvernement le croyait clé de sésame pour les coffres des bailleurs de fonds. Le FMI en voulait un moyen de tester l’opérabilité du plan de réformes. Et entre les deux, le refus du chef de tout l’Exécutif qu’on chahute son programme politique. Ce dernier ne devrait pas se terminer avant février ou avril prochains, en tout cas après les élections de la seconde chambre du prochain Parlement par les conseils régionaux à mettre en place après les résultats définitifs des législatives anticipées.

Intervint alors l’invitation américaine à Kais Saïed pour le sommet afro-américain, qu’il ne pouvait refuser après avoir assisté à la version chinoise du même évènement. Le chef de tout l’Etat tunisien en est rentré « déçu et bredouille ». Il avait alors rejeté, sur un ton de défi, toutes les critiques américaines sur sa gestion politique, élément déterminant pour le dossier économique, et adopte par conséquent l’impertinence comme réponse à ses critiques. L’attitude présidentielle plaît à ses soutiens, mais finira certainement par rendre plus incertaines les chances d’une conclusion d’accord. Cela, d’autant que le FMI demanderait désormais (cela n’a certes jamais été confirmé), que ce soit Saïed qui le signerait.

Et nous pensons que les résultats, même préliminaires, d’un taux de participation de moins de 10 % et d’une abstention massive aux législatives anticipées, n’arrangeront pas les choses pour le dossier du crédit des 1,9 Mds USD. Un dossier où le poids, des Européens qui en ont boycotté le contrôle, et des Américains qui en critiquent tout le contenu, est grand.

La fenêtre temporelle de ce crédit se réduisant à vue d’œil pour la Tunisie de Kais Saïed, nous pensons qu’il ne lui restera que le recours forcé au financement par la BCT. Une approche qui battra en brèche l’indépendance de l’artisan de la politique monétaire en Tunisie. Une indépendance à laquelle tient essentiellement le FMI, et dont la perte refermera encore plus la fenêtre temporelle de l’accord pour son crédit, et de tout accord avec le reste des bilatéraux, qui ont toujours lié leurs accords à celui du FMI. On n’est pas sorti de l’auberge!

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