AccueilLa UNELa Tunisie, un boulevard pour les migrants ouest-africains

La Tunisie, un boulevard pour les migrants ouest-africains

Ce n’est pas un empêchement absolu mais une tare qui pourrait devenir rédhibitoire. L’accord signé entre l’Union européenne et la Tunisie sur la migration irrégulière peine à suivre la trajectoire qui lui a été tracée avec une remontée spectaculaire de flux de migrants qui se déversent à Lampedusa et les dysfonctionnements, techniques et d’un autre ordre, qui entachent de plus en plus un pacte dont les déterminants n’ont pas été correctement élaborés voire même omis d’être stipulés.

Les parties cocontractantes n’ont pas mis le doigt sur la véritable raison pour laquelle des dizaines de milliers de migrants sont capables de risquer leur vie en effectuant cette dangereuse traversée, et le fait qu’il est très facile pour les migrants d’Afrique de l’Ouest d’entrer en Tunisie n’a été mentionné nulle part, relève le think tank Clingendael, basé à la Haye .

Or, s’empresse-t-il d’ajouter, il s’agit là d’un élément clé de l’histoire. La porte de la Tunisie, et donc de l’Europe, est grande ouverte, et c’est précisément sur ce point que l’UE n’a pas réussi à conclure le moindre accord avec le gouvernement tunisien. Si l’UE a l’intention de passer d’autres accords sur l’immigration avec d’autres pays africains, celui scellé avec la Tunisie est un très mauvais exemple, car le président tunisien Kais Saied n’a pris aucun engagement en ce sens.

C’est pourtant l’objectif primordial des accords conclus entre la présidente de la Commission européenne, Mme Von der Leyen, les premiers ministres italien et néerlandais, Meloni et Rutte, et le gouvernement tunisien.

Les trafiquants d’êtres humains

Pendant de nombreuses années, pas plus de deux mille migrants par an ont voyagé de la Tunisie vers l’Italie. Les raisons pour lesquelles les migrants originaires des pays d’Afrique de l’Ouest préféraient passer par la Libye étaient en fait difficiles à comprendre. Après tout, la traversée du désert était dangereuse, les risques de se retrouver dans un centre de détention libyen étaient bien réels et les trafiquants d’êtres humains devaient être payés des milliers de dollars pour cette dangereuse traversée maritime. La Tunisie offre un itinéraire alternatif, mais elle n’est guère utilisée, notamment parce qu’aucun réseau de trafiquants n’y opère. Que se passe-t-il donc ? La question vaut d’être posée et le groupe de réflexion néerlandais répond en faisant observer que les résidents des pays d’Afrique de l’Ouest n’ont pas besoin de visa pour se rendre en Tunisie. Jusqu’à récemment, cette règle s’appliquait aux séjours d’une durée maximale de 90 jours, mais elle a été étendue à 180 jours au printemps de cette année. Cela a rendu le voyage de la Côte d’Ivoire à la Tunisie relativement facile. La compagnie aérienne Tunisair dessert de nombreuses destinations en Afrique de l’Ouest et un billet aller-retour coûte environ 800 euros.

Bien plus, à l’arrivée à l’aéroport international de Tunis-Carthage, le passeport de l’arrivant est tamponné sans qu’aucune question ne lui soit posée sur l’objet de son voyage. Ila pourra alors tomber directement dans les bras des trafiquants d’êtres humains, ou continuer vers le sud de la Tunisie pour organiser une traversée vers Lampedusa, île italienne est située à moins de 200 kilomètres de l’île de Sicile.

Cette île italienne se trouve à moins de 200 kilomètres de la ville portuaire tunisienne de Sfax, d’où partent la plupart des bateaux. Il s’agit de la liaison la plus courte vers l’Europe et, comparée aux itinéraires passant par la Libye, elle n’est certainement pas la plus coûteuse ni la plus dangereuse.

Jusqu’à la fin du mois d’août, 225 000 migrants sont entrés illégalement en Europe. Un sur trois est parti de Tunisie. Cela souligne l’importance de conclure des accords efficaces sur la migration avec le gouvernement tunisien. Le nombre total de départs de Tunisie s’élève à environ 75 000, la plupart provenant de pays d’Afrique de l’Ouest tels que la Côte d’Ivoire et la Guinée. Ces migrants sont principalement motivés par des raisons économiques. Environ 10 000 migrants sont des ressortissants tunisiens, ce qui signifie que la situation socio-économique difficile en Tunisie n’a pas encore déclenché d’exode vers l’Europe, même si le nombre de migrants augmente. Mais l’accent doit être mis sur la lutte contre la migration irrégulière en provenance des pays d’Afrique de l’Ouest.

Contrôle des frontières

Si tel est bien l’objectif, estime Clingendael, il est essentiel de conclure des accords clairs à cet effet avec le gouvernement tunisien. Celui-ci devra modifier sa politique en matière de visas et n’accorder l’entrée qu’aux résidents des pays d’Afrique de l’Ouest qui se rendent en Tunisie pour y travailler ou y étudier. Sans ces changements, il ne peut y avoir de contrôle efficace des frontières, et donc aucun moyen d’endiguer la vague. Il est clair que les autorités tunisiennes n’ont actuellement pas les moyens de surveiller correctement les frontières maritimes du pays, et les résultats d’un meilleur équipement et d’une collaboration plus étroite entre les garde-côtes tunisiens et l’UE peuvent prendre plusieurs années à se matérialiser – comme l’a constaté le gouvernement italien dans sa collaboration avec les garde-côtes libyens.

Les rapports sur les migrants jetés à la frontière avec la Libye, sans eau ni nourriture, sont déchirants. Les tensions croissantes entre les migrants et la population tunisienne sont également préoccupantes, ajoute le think tank. Cependant, cette situation est due en partie à l’afflux massif et incontrôlé de migrants en provenance d’Afrique de l’Ouest, avec leur espoir (infondé) d’une vie meilleure en Europe. Si l’on veut vraiment réduire les tensions en Tunisie et la pression croissante sur le système d’asile européen, il faut donner de meilleures perspectives aux jeunes populations des pays d’Afrique de l’Ouest et de Tunisie, et endiguer efficacement la migration irrégulière. Pour ce faire, il convient de combiner les mesures relatives aux visas avec des possibilités accrues d’immigration légale. Si l’on n’y parvient pas, ce sont des milliers de personnes qui en pâtiront, prévient Clingendael.

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