AccueilInterview« L'agri-Tech Tunisienne vecteur de développement Sud-Sud »

« L’agri-Tech Tunisienne vecteur de développement Sud-Sud »

Le projet « Agri-tech Tunisia » promeut le slogan « Ensemble, pour une Afrique gagnante » en soutenant un développement Sud-Sud à travers l’internationalisation de startups high-tech tunisiennes qui répondent aux besoins des agriculteurs de l’Afrique de l’Ouest. Ce projet d’intégration sous-régional win-win permet à la partie tunisienne, désormais établie dans le secteur de l’agri-tech, de mettre à la disposition des acteurs du secteur agricole ses solutions innovantes et adaptées pour faire face aux problématiques de production, de résilience face aux changements climatiques, ou encore de normes sanitaires et de traçabilité vers les marchés internationaux. Le Sénégal sera la première étape du périple ouest-africain d’« Agri-tech Tunisia ».

Walid Gaddas, chef du projet et DG de STECIA International, nous parle du potentiel que représente ce partenariat dans un esprit gagnant-gagnant pour toutes les parties. Le projet « Agri-Tech Tunisia » est soutenu par le programme Innov’i, qui est financé par l‘Union Européenne et mis en œuvre par Expertise France.

A.M. – L’agri-tech est une niche d’innovation et représente un secteur d’avenir pour le continent africain. Parlez-nous de l’apport stratégique de ce projet.

W.G – Effectivement, dans ce domaine les mots clés sont « innovation », « avenir » et « stratégique ». Donc si je devais synthétiser en 3 composantes essentielles, je dirais d’abord que la Tunisie, pays de la « Start-up Act » où l’écosystème entrepreneurial est foisonnant, est une source de solutions Agri-tech de grande qualité et un pays partenaire pour une Afrique gagnante dans cette optique de développement Sud-Sud. C’est dans ce cadre que l’internationalisation des innovations tunisiennes pour répondre aux besoins des agriculteurs et entreprises africaines dans le domaine de l’agriculture de manière générale, représente une collaboration constructive et complémentaire. D’un côté, des start-ups exportent leurs savoir-faire et des solutions technologiques adaptées, et de l’autre côté, des producteurs ouest-africains qui améliorent leur compétitivité sur le marché local et à l’international par l’augmentation de leur production et l’amélioration de la qualité des produits tout en réduisant leurs coûts, et en préservant les ressources naturelles. 

Le deuxième apport essentiel de ce projet est le positionnement de la Tunisie dans ce secteur qui est considéré comme stratégique selon différentes études de la FAO[1] ou de l’OCDE[2]. Prenons par exemple le dernier rapport du Fonds International pour le Développement Agricole (FIDA) sur « L’avenir de l’agriculture au Sénégal : 2030-2063 », vu que c’est le premier pays visé par notre projet. Dans ce pays où la population va doubler d’ici 2050 et quadrupler d’ici 2100, un des principaux défis de l’agriculture est la croissance quasi-linéaire des besoins de la population en produits agricoles alors que les superficies agricoles ne sont pas extensibles, ce qui signifie que si les rendements agricoles restent au niveau actuel et la production ne pourra plus répondre aux besoins. Il faut donc, toujours selon le rapport, augmenter les investissements dans le secteur agricole (aménagements, infrastructures, recherche, conseil et formation, et surtout développer les innovations technologiques). Nous retrouvons ce schéma dans quasiment tous les pays du continent.

Enfin, si nous nous positionnons à un niveau plus macro, non seulement le projet « Agri-Tech Tunisia » répond aux besoins de sécurité alimentaire, ou d’adaptation au changement climatique avec des solutions innovantes, et j’insiste, pas forcément coûteuses, mais le projet s’intègre aussi parfaitement dans une perspective de contribution à la croissance économique que ce soit nationale, ou sous-régionale dans un premier temps. Du côté de la Tunisie, il s’agit en premier lieu de création d’emplois à très forte valeur ajoutée pour une population jeune, avec un excellent niveau d’éducation et très dynamique. Bien entendu, on parle ici d’enjeux stratégiques pour la Tunisie en offrant un espace de développement pour ces jeunes qui ne chercheront plus à fuir le territoire national vu l’accessibilité des marchés et donc les opportunités d’émancipation et de soutenabilité professionnelle. Et pour rester sur l’exemple du Sénégal, booster la production permettra de contribuer à une dynamique d’échanges, de la Tunisie vers le Sénégal mais aussi du Sénégal vers ses pays voisins africains de l’Ouest et du Nord, l’Europe, les Amériques et ainsi de suite. Le phénomène de croissance ne peut que suivre avec une approche « gagnant-gagnant ».

A.M. – Les projets de soutien à l’environnement entrepreneurial sont désormais nombreux en Tunisie. Comment allez-vous procéder, qu’est-ce qui vous démarque ?

W.G. – Dans le secteur agricole, nous parlons de toute la chaîne de valeur « de la fourche à la fourchette », le projet « Agri-Tech Tunisia » suit le même principe « de la solution au contrat ». Nous proposons un résultat concret pour un impact effectif avec la signature d’un contrat en bout de parcours. Un de nos indicateurs de résultats auprès de nos partenaires mais aussi selon nos propres standards, est le nombre de contrats signés, et non pas juste le nombre de rencontres faites.

Donc à partir du moment où une start-up tunisienne qui a développé une solution innovante et qui est déjà opérationnelle et commercialisable, nous l’accompagnons, en termes de formation et coaching, et la mettons en contact avec des partenaires potentiels puis l’accompagnons jusqu’à la signature du contrat de vente dans le cadre du marché d’exportation de sa solution.  

Mais pour arriver au contrat, il y a tout un travail qui se fait en amont dans le cadre du projet, autant du côté tunisien que du côté sénégalais. Nous sommes d’ailleurs actuellement en pleine campagne d’inscriptions des start-ups tunisiennes qui va se dérouler jusqu’au 28 juillet. Simultanément, nous avons entamé l’élaboration d’une étude du marché sénégalais de l’agri-tech, pour nous aider à faire une sélection informée des futurs 5 bénéficiaires les plus à même de répondre aux besoins des agriculteurs au Sénégal. Bien entendu cette étude va aussi servir de source d’information aux start-ups pour qu’elles soient plus avisées des contraintes locales, des attentes à considérer et des adaptations nécessaires à intégrer dans leurs offres high-tech.

Au-delà de l’étude, et en seconde phase du projet, nous collaborons avec des partenaires sénégalais, à travers une vaste campagne de communication, pour l’identification d’une centaine d’entreprises agricoles et agroalimentaire, dont une quarantaine seront retenues, sur la base de leur intérêt dans l’acquisition des solutions tunisiennes.  Pour conclure, la troisième phase du projet consiste en un grand évènement qui sera organisé à Dakar, le 22 mars 2022, où nous nous déplacerons avec nos start-ups pour des rencontres ciblées B2B et B2C, et ce afin de sceller les partenariats entre institutions et des accords commerciaux entre les différents acteurs économiques.

A.M. – Vous commencez par le Sénégal, aux avantages clairs de stabilité politique, de croissance économique avec un intérêt particulier pour le développement du secteur agricole sans parler de la proximité aérienne ou de l’usage commun de la langue française. Quid des autres pays de la sous-région et au-delà ?

Effectivement pour ce début au Sénégal, et j’aimerais ajouter qu’au-delà des chiffres, nous avons des relations privilégiées avec le pays de Senghor depuis l’époque de Bourguiba. D’ailleurs une autre des raisons de notre engagement chez nos amis sénégalais est la notoriété de la Tunisie et l’appréciation commune entre les peuples de nos deux nations. Donc pour toutes ces bonnes raisons, nous comptons intégrer le marché d’Afrique de l’Ouest en commençant par le Sénégal, puis un élargissement de nos activités vers les pays francophones et ensuite anglophones. Dans ce sens, nous avons lancé un petit sondage sur notre page LinkedIn pour demander à notre public cible quels seraient les pays qui les intéresseraient le plus pour leur internationalisation. Entre temps, nous restons aussi à l’écoute et nous nous engageons de manière active dans des partenariats qui permettraient d’étendre le potentiel de développement géographique du projet.

Mais si on revient aux études du secteur agricole pour notre continent, nous constatons, selon la FAO par exemple, que l’augmentation de la population africaine va atteindre 2 milliards de personnes d’ici 2050. Pour nourrir cette population, la production alimentaire devra augmenter de 70%. La digitalisation de l’agriculture à travers les agri-tech est une des solutions les plus efficaces pour répondre à ce défi. De nombreux gouvernements africains avec l’appui des bailleurs de fonds internationaux sont en train d’élaborer des stratégies pour développer l’utilisation de ces technologies. C’est donc le moment adéquat pour les start-ups tunisiennes de se positionner sur ces marchés en plein essor.

L’agri-tech est certes une niche, mais elle a un très fort potentiel de développement pour booster la croissance au niveau continental. Selon la dernière étude conjointe de la FAO et de l’OCDE sur « Les perspectives agricoles 2020-2029 » de l’Afrique sub-saharienne, une amélioration du commerce intra-régional est cruciale notamment avec l’entrée en vigueur de la ZLECAF (Zone de libre Échange Continentale Africaine). Les tarifs douaniers seront réduits à 0 pour 97% des produits originaires des pays signataires d’ici 2030 et selon les estimations de la Commission Africaine auprès des Nations Unies, cet accord permettra d’accroître le commerce intra-africain dans le secteur de l’agri-food et de l’agriculture de 20 à 35%, soit un équivalent de USD 10 à 17 milliards. « Agri-Tech Tunisia » est un projet totalement en adéquation avec les besoins présents et futurs du continent et adaptable aux besoins précis selon les différents contextes.


[1] Organisation Mondiale de l’Agriculture et de l’Alimentation

[2] Organisation de Coopération et de Développement Economiques

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