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Le « pleureur » de Fakhfakh

Pleurer, quoique pas à chaudes larmes, le ministre tunisien des Finances Nizar Yaiche l’avait fait, mardi 9 juin 2020, devant les députés de la commission des finances. Déjà dans le couloir menant à la salle de la commission, il s’adressait à Iyadh Elloumi pour lui reprocher des mots durs proférés  à son propos sur un plateau TV. Ce à quoi le député a rétorqué que ce n’était rien par rapport à ce qu’il allait dire dans la commission. Suivent ensuite des accrochages verbaux dans la commission, notamment avec le député Mongi Rahoui dont les mots auraient été durs, et auxquels Elloumi aurait vite fait d’emboîter les pas.
Pas encore bien habitué à l’atmosphère électrique de telles réunions, et peut-être blessé dans son amour-propre de cadre qui avait fait sacrifice de beaucoup de choses, pour apporter sa propre pierre au nouvel édifice, le ministre en avait eu carrément la larme à l’œil. Les députés qui ne rapporteront pas cet « épisode émotion », ont plutôt fait le lien entre les petites larmes et ses propos sur la situation économique et surtout financière du pays.

Pleureur, jusqu’à gifler ses plus proches et oublier le sens de l’Etat !

De cette situation, toujours qualifiée de très difficile, même au moment où le trésor de l’Etat prenait réception du chèque du FMI, de l’Italie et de différentes autres parties, le ministre tunisien des Finances en avait parlé depuis sa première apparition sur le canapé vert du banc du gouvernement à l’ARP.

Il avait alors, en mars dernier, expliqué cette situation difficile par la manière dont se faisait le budget de l’Etat. Etant nouveau au ministère des Finances et dans les finances tout court, il accusait, sans le dire, son prédécesseur. C’étaient, pourtant, les mêmes normes comptables qu’appliquait son chef de gouvernement, Elyes Fakhfakh, lorsqu’il était ministre des Finances du 19 décembre 2012 au 29 janvier 2014, et aurait donc lui-même fabriqué au moins un budget selon les normes qu’il dénonçait, laissant supposer que certains chiffres du budget fait par l’ancienne Administration auraient été cachés ou quelque chose d’autre. Il n’y a peut-être aucun lien, mais le 10 avril 2020, le FMI mettait fin au MEDC (Mécanisme Elargi de Crédit), n’en déboursait pas la dernière tranche, et le remplaçait par l’IFR (Instrument de Financement Rapide) qui n’était qu’un crédit garanti par la quote-part de la Tunisie en droits de tirage spéciaux (DTS).

Cinq jours auparavant, l’ARP qui réagissait à ces pleurs, accordait à son patron délégation de pouvoir législatif, et lui permettra de prendre un certain nombre de mesures pour mobiliser les ressources de toutes parts, sous couvert de la lutte contre le Covid-19.
Entretemps, fidèle à sa mission de « pleureur » (généralement, personne engagée pour feindre le chagrin lors de funérailles, afin de faire paraître plus important l’hommage rendu au défunt, selon Wikipédia) officiel du gouvernement Fakhfakh, le ministre des Finances continuait de pleurer le peu de moyens du gouvernement et la très difficile situation économique et financière de la Tunisie !

Samedi 13 juin 2020 sur Mosaïque Fm,  le ministre des Finances de Fakhfakh remettait le couvercle et en ajoutait même une couche. « Il y a des difficultés très grandes dans les finances publiques tunisiennes, comme je l’avais dit à plusieurs reprises. Nous sortirons prochainement pour révéler les véritables chiffres du nouveau déficit budgétaire, et notre vision pour les mobiliser (…) », avait-il déclaré, mettant cette fois en doute les chiffres des « finances publiques » comme il le précisait.

Pleureur, jusqu’à en perdre le sens de l’Etat !

Le ministre n’a pas jugé nécessaire, malgré la gravité de l’accusation, de dire qui avait fabriqué les non-véritables chiffres. Et pourtant, son actuel chef de cabinet présidait jusqu’à tout récemment le comité général de la gestion du budget (CGGB), formé de 12 hauts cadres du ministère des Finances.

L’actuel secrétaire général du gouvernement était chef de cabinet du chef de l’ancien ministre des Finances que l’actuel attaquait en mars dernier, et un autre de ses conseillers était secrétaire  général du ministère des Finances. Seraient-ils eux qui seraient les fabricants des chiffres que le ministre Yaiche dénonçait samedi en promettant de « révéler les véritables chiffres » ?

Que pensent-ils, eux et tous les cadres du ministère et les 12 membres du comité du budget ? Se laisseraient-ils accuser sans réagir ? Et les bailleurs de fonds ? Ne lisent-ils pas ce que dit publiquement le ministre tunisien des Finances ? Sous  quel visage ce même ministre rencontrera-t-il désormais un ministre qui perd la notion d’Etat, juste pour régler des comptes, ou juste pour fournir au gouvernement une excuse pour soutirer toujours plus d’argent à ses citoyens ? Qui croira les nouveaux chiffres du nouveau ministre, qui affirme haut et fort que le même Etat qu’il représente avait donné des chiffres « non-véritables » selon ses propres propos ?

Faire le pleureur, jusqu’à en perdre le sens de l’intérêt de l’Etat

Ce même ministre des mêmes finances se prépare pourtant à demander plus de crédit au FMI, alors qu’il disait, samedi aussi sur Shems Fm, qu’il ne recourra plus aux dettes de l’extérieur. Il avait certainement oublié avoir déclaré quelque temps auparavant sur Mosaïque Fm, que « avec le FMI, nous avons terminé le IFR, nous avons entamé un ensemble de Workshops avec le Fonds, pour comprendre et évaluer les deux programmes précédents, et nous sommes d’accord que le nouveau programme obéira aux visions du nouveau gouvernement, où le point de départ sera le programme social et économique du nouveau gouvernement, qui sera notre document de discussion avec le FMI » !

Qu’est-ce qui est plus important pour un Etat au bord de la faillite, du moins selon les pleureurs ? De révéler les « faux chiffres » et ébranler ce qui reste de la confiance interne et externe dans les possibilités de rebond de cette  économie, ou de colmater les brèches d’une économie qui a été plus spoliée durant ladite révolution, que jamais de toute son histoire ? On se le demande !

Ce n’est pas une cabale contre le ministre des Finances, ni contre son patron. Ce sont juste des constatations que nous faisons en lanceurs d’alertes sur le danger de certaines déclarations de présumés hauts responsables, et sur lesquelles le ministre des Finances ne veut ni s’expliquer, ni en parler, Nizar Yaiche ayant toujours refusé de nous parler, et ce à la suite d’un article où nous le critiquions. Et ce n’est pas la seule chose dont il ne parlait pas, comme de la longue liste d’aides et de crédits reçus, et dont personne ne sait où ils ont été dépensés !

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