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Les chiffres déroutants des entreprises cotées en Bourse

La question devient de plus en plus insistante à chaque publication des indicateurs des sociétés cotées sur la Bourse de Tunis, qui restent un miroir assez indicatif de l’évolution de la situation économique « réelle » du pays malgré le petit échantillonnage qui la compose.

La question est de comprendre comment les revenus de ces entreprises peuvent-ils être toujours en hausse, malgré tout ce qui se dit, à l’étranger et à l’intérieur du pays, de la situation économique en Tunisie, qui est pour le moins flottante ?

  • 16 Mds de revenus pour 55 cotées

Pour la BCT dans le dernier communiqué de son conseil d’administration, par exemple, « les derniers indicateurs conjoncturels disponibles se sont relativement améliorés », le déficit courant s’est amélioré de 5 points de base, l’inflation a reculé, et tout va bien dans une Tunisie qui démontre une capacité à la résilience.

 « La reprise économique de la Tunisie a ralenti au premier semestre de 2023, le pays restant aux prises avec une sécheresse persistante, des défis de financement externe, l’accroissement de la dette domestique d’importantes entreprises publiques, et des obstacles réglementaires », dit par contre la Banque mondiale. Entretemps et à fin septembre dernier, les revenus d’au moins 79 des sociétés cotées cumulaient plus de 16 Milliards DT, dont 55 affichaient des chiffres en croissance même de 5,7 % par rapport aux 9 premiers mois de l’exercice 2022, et seules 24 enregistraient des baisses de revenus, dont le plus important (-55,2 %) était l’immobilière Essoukna !

  • Presque 5 Milliards DT de PNB en 9 mois pour les banques

Entretemps, dit un rapport de la BVMT, pour le secteur bancaire(ar), le produit net bancaire (PNB) cumulé des 12 banques cotées a atteint 4, 942 Mds DT durant les 9 premiers mois de l’année 2023, contre 4, 521 Mds DT sur la même période de l’année 2022, soit une progression de 9,3%.

De son côté, le revenu net de leasing cumulé des 7 sociétés de leasing cotées a augmenté de 7,3% durant cette période par rapport à la période similaire en 2022, pour atteindre 382 MDT contre 355 MDT.

Le secteur financier a notamment profité de l’augmentation de l’activité des 6 compagnies d’assurances cotées qui ont émis des primes pour un montant global de 1, 045 Mds DT contre 995 MDT, soit une évolution de 5%. Dans son ensemble, le secteur financier a progressé de 8,5% durant les 9 premiers mois de l’année 2023, avec un revenu global de 6, 398 Mds DT contre 5, 895 Mds DT durant la même période l’année 2022.

  • 3,6 Mds DT pour les cotées de la consommation qui vont tout aussi bien

Dans le secteur des Biens de Consommation, le revenu global des deux grands groupes opérant dans l’agroalimentaire (Poulina Group Holding et la SFBT) a progressé de 2,8% pour atteindre 3, 641 Mds DT contre 3, 543 Mds DT durant la même période de l’année 2022.

Par contre, le chiffre d’affaires global cumulé des quatre concessionnaires automobiles a augmenté de 16,0% au 30 septembre 2023 pour se situer à 857 MDT contre 739 MDT durant la même période de l’exercice 2022. Une situation, celle des concessionnaires, où la seule fausse note, hors UADH qui est dans une situation différente, est la STA du groupe de l’homme d’affaires du BTP Nouri Chaabane, dont les revenus ont baissé de 45,7% !

Dans le secteur des Services aux Consommateurs, le chiffre d’affaires global de deux enseignes de la grande distribution cotées en Bourse s’est amélioré durant les 9 premiers mois de l’année 2023 par rapport à la même période en 2022, pour atteindre 1 233MD contre 1 144MD, soit une évolution de 7,8%. En général, sept secteurs (sur un total de neuf) ont réalisé des performances positives, Les meilleures performances reviennent au secteur Santé avec 39,6% et au secteur Services aux Consommateurs avec 9,3%.

  • Comment font-elles ? Hachemi Alya explique

Comment font donc toutes ces bénéficiaires, d’abord pour le rester, et ensuite pour en faire toujours plus ? Pour l’économiste de renom Hachemi Alaya qui estime que « il n’y a pas de mystère »,  l’explication réside dans le fait que « les entreprises tunisiennes, y compris les banques, ont profité ces dernières années de l’inflation, et l’anticipent même pour ajuster leurs prix à la hausse, et même de les augmenter, au-delà de la hausse de leurs coûts, et augmentent ainsi leurs chiffres d’affaires ». Un raisonnement qui se tient lorsqu’on remarque que les prix en Tunisie ne baissent jamais, et tout au plus augmentent lentement, mais en continu dans le temps. Et c’est ce qui explique, selon l’éminent économiste, « la résilience de l’inflation, alors que les prix à l’étranger ont baissé, et sont même négatifs. Et le résultat est que les entreprises tunisiennes, y compris les banques, réalisent des bénéfices plus importants, et consolident même leur emprise sur leur capital, en achetant elles-mêmes leurs actions en bourse. Pour éviter la volatilité, mais aussi car il y a derrière tout cela des manœuvres de certains gros détenteurs de capitaux qui cherchent le contrôle de certaines entreprises ou de certaines banques ». Le diagnostic est ainsi posé par le fondateur du Think-Tank « Tema ».

Et lorsqu’on lui pose la question si ce n’est pas enfin de compte, un signe de résilience de l’économie tunisienne face au marasme, local et international, Hachemi Alaya reste dubitatif. « Honnêtement, je ne dirais pas résilience, car c’est fragile, et il suffirait d’un retournement de situation à l’international pour que l’édifice dégringole », dit l’économiste connu pour son « EcoWeek » fort suivi.

  • Le revers de la médaille de la résilience

Et lorsqu’on lui oppose l’assertion répétée de la BCT que l’économie tunisienne fait preuve de résilience et se redresse, il donne d’abord en anecdote l’exemple de quelqu’un qui arrête de manger pour ne pas trop dépenser au risque de détériorer plus sa santé. « Où est-ce qu’on voit de la résilience ? A la BCT, on est heureux que le déficit courant baisse. A leur place, je ne serai pas content, et même inquiet, car on a arrêté d’importer les choses qui font tourner l’économie et les usines, qui tournent désormais au ralenti, et sous-utilisent leurs capacités de production ». Et Alaya d’assurer que la Tunisie a ainsi perdu 200 entreprises industrielles par rapport à l’année dernière, entre fermetures et faillites dans un silence assourdissant.

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