En politique, la menace tient lieu de dernière ligne de défense des adeversaires. Elle signe la fin de tout dialogue, l’échec de tout compromis et l’élimination de toute plate-forme de modus vivendi .
La menace agitée par le président de la République, Moncef Marzouki , dans son interview à Al-Jazeera , à l’adresse des opposants de la troïka est sans appel : vous serez confrontés ,une fois au pouvoir ,à une rébellion annonciatrice d’une deuxième révolution qui vous précipiterait dans les abîmes , et vous traiterait » impitoyablement » . Vous serez pendus haut et court, leur a-t-il dit.
Cette menace prend racine dans un schéma général qui met les « sages » de la Tunisie ,Ben Jâafar, Ghannouchi ,Marzouki , et derrière eux les militants et bases d’Ennahdha , face à face avec les « extrémistes » laïques qui refusent tout dialogue avec le parti islamiste qualifié par l’intervieweur de mouvement « le plus avant-gardiste de son temps . »
Marzouki contribue à mettre en place ce schéma défectueux, pour en tirer des conclusions aussi dangereuses qu’outrageantes. D’abord , il s’autoproclame sage , et s’attribue le rôle de dernière ligne de défense contre la déferlante révolutionnaire qui devrait emporter, une fois engagée ,les laïcs dans son sillage ; et ensuite ,il reprend à son compte en l’énonçant comme postulat la question du journaliste , qui a stigmatisé les Tunisiens laïques et mis en valeur les vertus d’Ennahdha , idées que Marzouki ne semblait , pourtant ,pas partager auparavant .
On a vu Marzouki critiquer, depuis qu’il est au palais de Carthage, Ennahdha, et de manière radicale. Seulement, ses réquisitoires sont manifestement den géométrie variable : elles sont virulentes à partir de la Tunisie et de l’Europe, mais lorsque Marzouki est au Qatar, il dit autre chose : Ennahdha doit être ménagée et présentée sous un angle positif, diabolisant ipso facto ses adversaires et contradicteurs.
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Lorsque Marzouki s’adresse à Al-Jazeera , il doit tenir compte des sentiments de ses hôtes qui ne tarissent pas d’éloges sur le parti islamiste , et tiennent à cœur son projet politique . La gauche, les libéraux, les démocrates, les syndicalistes doivent payer la facture, et on doit les présenter comme des fanatiques qui refusent tout dialogue. Ennahdha , quant à elle , est « auréolée » de vertus , elle incarne la démocratie , le progrès social , la tolérance , et tous les qualificatifs qui vont avec .
Marzouki , pour faire plaisir à ses hôtes , et ménager ses alliés , aurait pu s’en tenir à des généralités, dont le référentiel restera politique . Or, comme on l’a vu, il s’est dépensé en menaces, qui vont jusqu’à la pendaison, à l’encontre de ses opposants, au nom d’une révolution où il a brillé par son absence.
La menace physique contre les gens avec qui on n’est pas d’accord, on l’a entendue de la bouche de « révolutionnaires de basse facture », les Recoba et Imad Dghij , que notre Président de la République a reçus avec tous les honneurs, au Palais de Carthage . Mais les menaces de Marzouki contre les laïques , qui prendraient le pouvoir , dans un jeu d’alternance, à la place de la troïka , s’apparentent plutôt à celles entendues de la bouche d’Abou Zaid Ettounsi , sur un plateau de télévision , en réponse à la question d’un journaliste : Si une formation laïque prend le pouvoir en Tunisie ,aux prochaines élections , est-ce que vous prenez les armes pour la combattre ? La réponse était sans équivoque : oui, nous le ferons.
Les menaces de Marzouki et de Abou Zaid Ettounsi , sont de la même eau : elles relèvent d’une logique qui a déjà fait ses preuves à Tataouine, lors de l’assassinat de Lotfi Naggadh ,le 18 octobre 2012 , à Place M’hammed Ali ,le 4 décembre 2012 , dans les réunions et les meeting des partis centristes et démocrates sabotés à travers tout le pays , dans ces lois qu’on prépare et qui spolient le Tunisien de son droit de participer à la vie publique . Tous ces agissements et pratiques ont un seul but : empêcher que soit mises en place une mécanique et une culture politique nouvelle qui rendent possible l’alternance politique .Car, Ennahdha , et c’est elle qui parle par le truchement de Marzouki, cette fois-ci , veut installer un pouvoir à l’iranienne qui tuera dans l’œuf toute velléité d’alternance politique.
Aboussaoud Hmidi
