AccueilLa UNETunis : Ali Larayedh a-t-il convaincu?

Tunis : Ali Larayedh a-t-il convaincu?

Ali Laârayedh s’est expliqué, sur le plateau d’Ettounisya TV, au sujet de la décision qu’il a prise, le 17 septembre 2012, de ne pas arrêter le chef des Ansar Al Charia, Abou Iyadh dans la mosquée Al Fath. L’éclairage apporté, dans la soirée de dimanche, par le ministre de l’Intérieur de l’époque, était conditionné par un débat sur le même sujet déclenché, quelques jours avant, par Taoufik Dimassi qui a affirmé avoir reçu des ordres du ministre de ne pas arrêter Abou Iyadh alors qu’il était encerclé dans l’enceinte de la Mosquée. Les explications des déclarations de Taoufik Dimassi sont parties dans tous les sens, et des exégètes ont cru comprendre que l’ordre du ministre voulait bel et bien laisser Abou Iyadh filer sans être intercepté.

Le ministre, qui a toujours son mot à dire, a réagi en donnant une autre version des faits. Les instructions de ne pas arrêter Abou Iyadh ont été données, mais elles étaient motivées et se basaient sur une appréciation unanime de la hiérarchie sécuritaire. Celle-ci a conclu, après analyse de la situation, que le coût d’une incursion musclée dans la Mosquée pour arrêter le fugitif serait élevé et a mis en garde, de manière claire, contre cette option. Laârayedh a rappelé que les partisans d’Abou Iyadh étaient prêts à la confrontation pour empêcher l’arrestation de leur chef. A cela s’ajoutent les effets imprévisibles de toute évolution violente sur le terrain sur les curieux qui s’étaient attroupés aux alentours de la Mosquée. L’ancien ministre de l’Intérieur a, toutefois, rappelé que des consignes claires ont été données pour arrêter le chef terroriste à sa sortie de la Mosquée. Mais comme il est connu, les adeptes d’Abou Iyadh ont dérouté les agents aux aguets, en le déguisant en femme niqabée, et en le faisant sortir par une porte de derrière.

Les choses, donc, sont devenues claires, suite à cet éclairage. La décision n’a rien de politique et elle ne doit pas être analysée a posteriori, en la chargeant des développements qui se sont produits ultérieurement, en l’amplifiant et la mettant à l’origine des évènements douloureux connus par le pays, à savoir les assassinats politiques et des menées terroristes de grande envergure, commandités par les Ansar Chariâa. Ali Laârayedh soutient que l’objectivité commande de placer l’objet de l’analyse dans le cadre qui l’a généré, et ne pas l’analyser en référence à des développements ultérieurs.

Cette approche nous conforte et nous pousse à rappeler à Ali Laârayedh des faits qui démontrent que les évènements qui se sont produits en Tunisie du 14 septembre 2012, au 7 janvier 2013 (un mois avant l’assassinat de Chokri Belaid), révèlent une connivence entre les l’Islam politique dit modéré représenté par Ennahdha et les tendances islamistes radicales.

D’abord, les fuites sur le déroulement de l’attaque contre l’ambassade américaine, le 14 septembre 2012, et les témoignages, notamment celui de Touhami Abdouli qui a assuré la permanence au ministère des Affaires Etrangères, au cours des évènements, vont dans le même sens, et démontrent que tous les islamistes se sont ligués pour défendre l’Islam attaqué et bafoué à la suite de la diffusion du film » L’Innocence des musulmans « , mis en ligne sur internet aux Etats-Unis .

Répondant à cet élan salvateur, Rached Ghannouchi a exprimé, après l’attaque de l’ambassade à plusieurs médias, son indignation et jugé que la diffusion du film était à l’origine de ces violences. Il a affirmé, tout au long de la soirée du 14 septembre, que cela ne s’est produit qu’en raison de l’absence de lois incriminant l’atteinte au sacré. Il a plaidé pour  » la criminalisation de l’atteinte au sacré… à l’échelle internationale  » et exigé des Etats-Unis et de l’ONU d’adopter des lois protégeant les choses sacrées, et incriminant l’atteinte au sacré, au niveau international.

Ensuite, Rached Ghannouchi qui a voulu orienter toute l’enquête sur cette affaire, à l’échelle intérieure, sur une compromission entre le crime organisé et les hommes de l’ancien régime, rappelle évasivement cette thèse dans une interview au journal Al Hayat basé à Londres, en date du 30 septembre 2012, mais s’attarde sur une autre thèse encore plus invraisemblable. Il affirme que l’attaque de l’ambassade américaine à Tunis et l’assassinat de l’ambassade américain à Benghazi relèvent d’une « conspiration pas uniquement contre la Révolution, mais contre la politique internationale, dans son ensemble « . Il voit que cette conspiration est commanditée par la droite religieuse et les cercles sioniste aux Etats-Unis, furieux contre Obama qui a ouvert un dialogue avec les Islamistes et les Révolutions du Printemps arabe

Dans une ultime manœuvre pour brouiller les pistes devant le journaliste qui lui a rappelé que ceux qui ont commis les deux attaques de Tunis et de Benghazi sont des Tunisiens et des Libyens en terres tunisienne et libyenne, Rached Ghannouchi affirme sereinement que les circonstances des deux évènements ne sont toujours pas élucidées , et que des individus cagoulés remarqués autour de l’ambassade américaine à Tunis ne sont pas encore identifiés. Il souligne pour clore ce dossier qu’Ansar Chariâa a dénoncé l’assassinat de Benghazi, et que Al Qaeda qui saute, d’habitude, sur de telles occasions pour se faire de la publicité, n’a pas revendiqué les deux attaques.

Enfin, Ali Harzi , suspecté d’appartenance à Ansar Chariâa , arrêté à Istanbul et extradé en Tunisie dans l’affaire de l’assassinat de l’Ambassadeur Christopher Stevens, le 11 septembre 2012 , a été remis en liberté le 7 janvier 2013 par le juge d’Instruction près le Tribunal de Première Instance de Tunis. Cette décision qui a surpris les services de sécurité américains qui suivaient l’affaire de près, a ouvert la porte à Ali Harzi, sitôt libéré à rejoindre l’organisation terroriste pour être cité dans liste des suspects qui ont préparé l’assassinat de Chokri Belaid moins d’un mois après.

Tous les éléments relatés, démontrent que l’étanchéité entre islam modéré (Ennahdha) et islam radical (Salafisme dans toutes ses variations) n’est pas si évidente à l’époque de la fuite d’Abou Iyadh. Et Ali Laârayedh devrait commencer par évoquer cette donnée et présenter l’autocritique de son parti la concernant au lieu de se dépenser en détails techniques sur le mode de prise de décision dans tel ou tel sujet. Et dans le cadre du tableau dépeint ci-haut, l’organisation délibérée, et en connivence entre Islamistes de tous bords de la fuite d’Abou Iyadh, paraît une thèse très plausible . De ce fait, Ali Laârayedh n’aurait convaincu personne.

Aboussaoud Hmidi

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