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La Tunisie « rackette » les étudiants étrangers !

Slim Khalbous, le ministre de l’Enseignement supérieur, a osé. Ce qu’il avait lancé comme ça, presque comme une boutade, est devenu réalité : Les étudiants étrangers, majoritairement des Africains (à proprement parler des Subsahariens, car les Tunisiens, martelons-le pour les esprits lents à la détente, sont aussi des Africains), devront casquer, et pas peu, pour avoir une place dans les universités publiques de la Tunisie. Entre 5000 et 15 000 dinars tunisiens, ce sera le prix de la science pour « nos » frères. Ce qui n’était au départ qu’un ballon d’essai n’a provoqué aucune réaction de la part d’une opinion publique anesthésiée par des mauvaises nouvelles devenues chroniques (inflation, mauvais bruits de fond politiques et sociaux, sombres perspectives économiques et dernièrement la défaite des ‘Aigles de Carthage’ face à l’Angleterre), et encore moins une levée de boucliers de la part des chancelleries et ambassades africaines, alors Khalbous s’est dit « why not« . Il est passé à l’acte. Il a osé. Ce « racket » – nous n’avons pas trouvé d’autre qualificatif – qui ne dit pas son nom va ruiner davantage les étudiants subsahariens. Que le commun des Tunisiens voit ces étudiants comme des tirelires ambulantes qu’il faille casser à tout bout de champ (des loyers surfacturés, des prix abusifs dans leurs actes d’achat…), on peut à la limite le comprendre même si on ne peut l’excuser, mais que les autorités abondent dans le même sens que les citoyens indélicats ça c’est intolérable parce qu’immoral. Cette décision incompréhensible, injuste et improductive ne sera pas sans conséquences pour une Tunisie qui par ailleurs crie sur tous les toits qu’elle est animée par la volonté de mettre un terme à son désintérêt pour son continent.

Une première, dont on se passerait bien

Les Tunisiens qui ont fait leurs études en France et ailleurs le savent : Dans tous les Etats de droit, tous les étudiants, nationaux et étrangers, sont logés à la même enseigne pour l’accès aux établissements supérieurs publics. Pas de traitement de faveur, pas de préférence nationale, pas de discrimination. La Tunisie elle, qui du reste s’enorgueillit d’avoir l’une des « meilleures Constitutions au monde« , a osé la discrimination. Même une prestigieuse université comme Paris-Dauphine, dont d’ailleurs le Tunisien Elyes Jouini est le vice-président, la plus cotée des établissements publics français spécialisés en banque et finances, et donc la plus demandée par les étudiants étrangers, n’est pas allée jusque-là. Certes les droits d’inscription sont montés ces dernières années, très sensiblement, mais c’est le même tarif pour tout le monde. Idem pour les étudiants tunisiens, de plus en plus nombreux, qui se rabattent sur les universités sénégalaises ou d’ailleurs sur le continent, surtout les étudiants en médecine qui ont trouvé porte close ici. A ce qu’on sache, ils ne sont pas mis à contribution de manière outrancière, pourtant les universités sénégalaises sont loin de rouler sur l’or, exactement comme en Tunisie. Toutefois ce que vient de faire la Tunisie pourrait leur donner des idées, et aux autres pays africains aussi, ne serait-ce que pour le principe de réciprocité, et ça risque de ne pas plaire aux malheureux étudiants tunisiens qui doivent déjà porter le poids de l’exil. Mais ça est-ce que les autorités tunisiennes s’en soucient ?

Un mauvais coup porté à l’intégration africaine

Que les universités tunisiennes aient de gros pépins financiers et qu’il faille les renflouer, tout le monde est d’accord là-dessus, mais ce que vient de faire Khalbous n’est assurément pas la voie indiquée. Les étudiants subsahariens sont déjà de gros contributeurs dans l’essor des universités privées tunisiennes, qui poussent comme des champignons en ce moment. L’économie du secteur, de tout le pays, ne s’en porte que mieux, et tout le monde s’en félicite. Il fallait s’arrêter là, ça suffisait amplement. Cette gourmandise est un pêché, et pas que pour des raisons d’ordre moral ou religieux, c’est mauvais aussi pour les affaires, pour le rayonnement culturel de la Tunisie, pour sa réputation, pour le processus d’intégration africaine qui a pourtant enregistré dernièrement des avancées notables (une nouvelle ligne maritime en direction de pays subsahariens ; une pluie d’accords avec la Guinée Conakry et la Guinée Equatoriale ; le statut d’observateur au sein de la CEDEAO et des accords préférentiels avec la Communauté économique ouest-africaine, et demain le statut de membre à part entière ; la signature de l’Accord instaurant la Zone de Libre Echange Continentale, etc.). Est-ce que les clopinettes que va rapporter la taxe appliquée à 3000 Subsahariens sur un total de 7500 qui font leurs études en Tunisie en valent la chandelle ? Assurément non. Il n’y a rien à en tirer, à part le déshonneur pour un pays dont la Révolution a pourtant séduit le continent…

Le ministre de l’Enseignement supérieur a un étrange argumentaire pour justifier cette ponction dans le porte-monnaie des Subsahariens : Elle permettra de financer la mise à niveau des universités tunisiennes, ce qui sera un excellent produit d’appel pour attirer davantage d’étudiants étrangers. Nous, vu d’ici, ce qu’on voit plutôt c’est un repoussoir qui dirigera encore plus le flux des étudiants subsahariens vers le Maroc, où ils se ruent déjà, effrayés par des propos et actes racistes qui se sont débridés ces dernières années en Tunisie, des tracasseries administratives – cartes de séjour surtout – que le chef du gouvernement avaient pourtant promis de stopper, un climat social délétère, une sinistrose cultivée par la classe politique et les citoyens du pays, etc. Enfin, et c’est n’est pas le moindre des problèmes à l’horizon : Ce que vient de faire la Tunisie aux étudiants subsahariens lui reviendra comme un boomerang au moment de défendre son adhésion à la CEDEAO, laquelle pourrait régler beaucoup de ses problèmes. Si le Maroc, qui est très bien introduit sur le continent, qui accueille du mieux qu’il peut les ressortissants africains et leur ouvre même son marché de l’emploi, a été recalé, pour un temps, que dire de la Tunisie qui a plus brillé par son absence en Afrique et ne regardait que du côté de l’Europe jusqu’à récemment ?

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1 COMMENTAIRE

  1. Les frères du continent africain qui ont fait leurs études supérieures en Tunisie sont de vrais ambassadeurs de notre pays chez eux. Il y a peut être d’autres solutions plus efficaces et qui servent mieux le rapprochement et les échanges mutuels gagnants-gagnants. Il y a la possibilité de sélectionner les étudiants selon les disciplines, l’âge, le niveau scolaire à l’arrivée, les résultats de chaque année, la disponibilité de coopération et les attentes de son pays d’origine etc…
    Il est vrai que le cout de l’enseignement supérieur est en très grande partie financé par le contribuable Tunisien et ce pour le besoin local en cadres compétents en vue d’accomplir des taches et spécifiques dans le temps et dans l’espace.
    Cependant, les 3000 étudiants de l’enseignement public ne représentent 40% des africains qui poursuivent leurs études chez nous et moins de 3% du total de l’ensemble des étudiants.
    Des concertations plus approfondies sont nécessaires entre les différents ministères, enseignement supérieur, affaires étrangères, finances, etc.
    Il y a toujours un assouplissement possible pour consolider encore plus la coopération africaine en matière d’enseignement supérieur même en fixant un quota annuel pour chaque pays.

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