AccueilLa UNETunisie : Un mauvais choix social et de partenaires.

Tunisie : Un mauvais choix social et de partenaires.

La Tunisie, nul n’en doute, est certainement à un tournant de son histoire, économique et sociale. Et si les nouveaux gouvernants ont, dès le début, critiqué le schéma de développement des 23 dernières années, ils l’ont presque copié dans le budget économique 2012 et n’ont pas cherché à faire d’autres choix ou des choix différents que ceux l’ancien régime, sur les plans économique et social. Economique, surtout en ce qui concerne le choix des partenaires du développement économique à construire pour la Tunisie. Social, en ce qui concerne la relation du Tunisien avec le travail, le rôle de l’Etat et sa relation avec les représentants du monde des employés.

Il est bon quelques fois de prendre du recul, pour être capable de parler de ce que vit la Tunisie. Mais d’abord, deux anecdotes véridiques :

– Pas chez nous ça !

Nous sommes en Corée du Sud, pour un évènement commercial. Nous sommes placés, lors d’un dîner officiel, dans une table où il y avait deux Coréens, 3 Tunisiens, un Saoudien et un Qatari. Manifestement, le Coréen était au courant de la Révolution tunisienne. Il prononçait même le mot révolution, en langue arabe avec sa prononciation américano-asiatique. Il en parlait en bien et surtout en impact attendu sur les conditions de l’investissement direct étranger. A un certain moment, il se retourne vers le Saoudien et l’interpelle en disant que «la Thawra a commencé chez eux [parlant des Tunisiens], se terminera-t-elle chez vous ?». Horrifié, mais avec le sourire, le jeune homme d’affaires saoudien s’en défend vigoureusement. Le Qatari le soutient d’un rire complice, jusqu’à ce que l’un des Tunisiens lui rappelle que son pays cache des recherchés tunisiens et le silence retombe, lourd.

Autant nous étions fiers d’entendre quelqu’un de l’autre bout du monde parler de la Révolution tunisienne, autant nous étions dépités de la réaction, horrifiée, des «frères arabes» que nos gouvernants étaient allés prier d’aider la Tunisie, mais pour qui «les révolutions ne sont bonnes que pour les autres. La Révolution tunisienne semble ainsi trouver plus d’échos chez ceux à qui la Tunisie ne penserait jamais demander de l’aide, que chez ceux qui se sont présentés spontanément pour aider une Tunisie, sans pour autant croire en ce qu’elle a fait.

La Corée du Sud, c’est un peuple qui a créé un pays en creusant dans la roche d’un ensemble d’îles qu’il a reliées par d’énormes ponts, un pays hautement industriel sans pour autant disposer de presqu’aucune ressource naturelle. L’Arabie Saoudite et le Qatar venaient en Corée du Sud acheter les produits industriels qu’ils ne savent toujours pas fabriquer, comme le font désormais les Indiens après avoir racheté le Coréen SsangYong, malgré l’immense étendue de leurs richesses, deux pays qui ne savent faire que le commerce.

– Grève ? Qu’est-ce que c’est que la grève ?

En Corée du Sud, nous avions été amenés à visiter la ville dédiée à l’industriel global Hyundai. Une ville qui vit des usines automobiles et des chantiers navals de l’industriel qui construit le seul hôtel de la ville, mais aussi l’hôpital de la ville, qui distribue les carburants et dirige les écoles de la ville. Chez Hyundai Heavy Industrie (HHI), on travaille, on fabrique les gros engins de BTP et les bateaux pour le transport du pétrole, du gaz, ou des milliers de conteneurs.

Dans l’une des branches de HHI, nous arrêtons un ouvrier pour lui poser une question. «Est-ce qu’il y a des grèves à l’usine ?», lui demande-t-on. Sincèrement interloqué, il nous répond presque candidement, «que veut dire la grève ?». Cela nous prit ensuite un moment pour lui expliquer, avec notre anglais qui ressemblait peu à l’anglais à la coréenne. Et l’ouvrier de nous répondre enfin que «cela fait 70 ans que nous n’avons pas arrêté de travailler». On comprenait ainsi que ce pays devienne, année après année, un des nouveaux dragons de l’économie asiatique. Un pays littéralement sculpté dans la roche des différentes îles qui constituent grand partie de la Corée du Sud. On trouvera certes, plus tard, à Séoul, des protestataires de la reprise de SsangYong par les Indiens. Le droit de grève existe, en effet, dans ce pays, mais nous dit-on, seulement pendant les week-ends. C’est comme cela que la Corée est devenue ce qu’elle est, un pays hautement industriel, mais aussi touristique. Il y a une quarantaine d’année, ce pays ressemblait pourtant économiquement à la Tunisie après avoir traversé des années et des années de guerres de tous genres. Ce pays, la Corée du Sud, a seulement fait des choix différents. Ceux notamment du travail dont ils font une valeur culturelle essentielle et du compter sur soi pour sortir du sous-développement. Un choix qui diffère, fondamentalement, de celui de l’emploi et d’une politique sociale, presque socialisante où la grève est conçue comme un droit, jusque là, utilisé en tant que moyen de pression pour des hausses salariales, non toujours économiquement bien étudiées. Une politique qui fait du syndicat un partenaire, forcément politique, à courtiser pour pouvoir gouverner et très rarement un partenaire économique pour le développement de l’économie d’un pays où la valeur ajoutée industrielle est réduite et où la productivité va décroissant.

C’est à ce pays, la Corée du Sud, selon ce que nous avons appris auprès d’une délégation turque présente au Salon de l’automobile de Busan, que s’adressent désormais les Turcs pour tenter de jeter les ponts d’une coopération industrielle qui pourrait aboutir à la fabrication de voitures coréennes pour les marchés, européens et africains.

C’est aussi ce pays, la Corée du Sud, qui avait, un temps, essayé de reprendre l’ancien chantier naval de Menzel Bourguiba, pour en faire un centre de maintenance pour les navires qui passeraient pour la Méditerranée.

Ne serait-il pas désormais plus judicieux de réorienter la recherche de partenaires industriels pour la Tunisie, vers des pays comme la Corée, des pays auprès desquels on pourrait facilement faire valoir pleinement la thèse d’une Tunisie plateforme pour les industries qui ciblent l’Europe et l’Afrique ?

Ne serait-il pas aussi plus judicieux pour la Tunisie de l’après système mafieux de Ben Ali et consorts, d’aller chercher autre chose que l’aide, comme le font plus volontiers les nouveaux gouvernants tunisiens auprès de la Libye ou du Qatar ?

Ne serait-il pas plus judicieux d’aller chercher des partenaires industriels solides, comme la Corée, qui valoriseraient l’intelligence tunisienne dont se gargarise tout le monde dans la Tunisie de l’après Révolution, que d’aller quémander une aide dévalorisante pour un pays comme la Tunisie de l’après Ben Ali ? L’API, la Fipa, le Cepex et toutes structures faites pour la promotion de l’économie tunisiennes, ne devraient-elles enfin s’y mettre ?

Khaled Boumiza

- Publicité-

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Réseaux Sociaux

108,654FansJ'aime
480,852SuiveursSuivre
5,135SuiveursSuivre
624AbonnésS'abonner
- Publicité -