Il est de la croissance en Tunisie comme des réveils brutaux qui rouvrent les yeux sur des réalités d’autant plus amères qu’elles étaient emballées sous des dehors rassurants. Pronostiqués au départ à 2,7 et même à 3,1%, les chiffres de croissance pour 2019 se sont déplumés pour finalement tomber à un rachitique 1% validé par la note de la Banque centrale de Tunisie sur « les évolutions économiques et monétaires et les perspectives à moyen terme », publiée en ce début de semaine.
Une croissance chétive qui signifie que l’économie tunisienne se porte mal, que l’on a admis d’abord à mots couverts et finalement dans un document officiel incontestable et irrécusable, se fondant, du reste sur les données de l’Institut national de la statistique. L’explication, politique, qui a été fournie avant la lettre, renvoyait au « retard dans la mise en œuvre des réformes structurelles, notamment, en raison des incertitudes entourant la préparation des élections présidentielle et législatives de septembre et octobre 2019 ». Mais c’est le motif technique qui prévaut dans le cas de l’espèce, et il a été mis en avant pat l’institut d’émission qui parle d’une « évolution principalement attribuable à la contreperformance des industries manufacturières et celles énergétiques qui a été, partiellement, compensée par l’évolution positive des services marchands et de l’activité agricole et de la pêche ».
L’industrie et l’énergie en berne !
Pour le secteur des industries manufacturières, la valeur ajoutée (VA) aurait contribué négativement à la croissance du PIB en 2019,en relation, notamment, avec la dégradation de l’activité dans les principales branches exportatrices, à savoir, les industries mécaniques et électriques (IME) et celles du textile, habillement et cuir (THC), à laquelle s’ajouterait la contraction de l’activité du raffinage du pétrole. Les carnets de commandes laissaient peu de place à l’optimisme, la demande européenne manufacturière adressée aux secteurs des IME et du THC ayant été semble négativement affectée par le ralentissement économique mondial et le « freinage industriel », spécialement, dans la Zone Euro. Du coup, les volumes des exportations desdits secteurs ont reculé respectivement de 2,4% et 6,0% sur l’ensemble de l’année 2019 après avoir évolué de -0,5% et +2,5% en 2018.
Idem de l’activité de raffinage aurait tiré vers le bas la croissance de 2019, suite à l’arrêt de production au niveau de la STIR, lequel arrêt s’est étalé sur la période allant du 6 janvier jusqu’au 26 novembre, provoquant une chute de 87% de la production comparativement à l’année 2018. Ces évolutions défavorables ont été quelque peu atténuées par l’amélioration relative de l’activité dans les industries chimiques. Comparativement à l’année précédente, le transport ferroviaire du phosphate brut vers les usines du Groupe Chimique a augmenté de 17,4% en 2019.
Egalement, les industries non manufacturières ont connu une baisse de leur VA en 2019, essentiellement imputable à la poursuite des difficultés au niveau du secteur énergétique. D’ailleurs, sur les 9 premiers mois de 2019, la VA de la branche « Extraction de Pétrole et Gaz » a baissé de 8,1% par rapport à 2018. Sur l’ensemble de l’année 2019, la production nationale de pétrole brut a accusé une baisse de 7,3% après -0,4% en 2018 et -15,6% en 2017 et ce, suite aux arrêts répétitifs de la production dans les champs pétroliers, engendrés par la poursuite du déclin naturel et des troubles sociaux. De même, la production nationale de gaz a diminué de 12% sur la même période (contre -4,7% en 2018 et -6,1% en 2017).
Le phosphate a moins mauvaise mine !
S’agissant, cependant, du secteur minier, la VA a connu une hausse, en 2019 par rapport à 2018. La production de phosphate s’est, en effet, établie à son plus haut niveau jamais atteint depuis 2011 (4.108 mille tonnes en 2019, en augmentation de 46,6% par rapport à 2018 contre une baisse de 29,0% un an auparavant), tout en demeurant bien en deçà des niveaux enregistrés au cours de la période d’avant 2010.
De son côté, le secteur des services marchands demeure le principal contributeur à la croissance du PIB, en 2019 à la faveur, notamment, de la poursuite de la reprise de l’activité dans la branche «hôtellerie et restauration».
Comparativement à 2018, les indicateurs du tourisme et du transport aérien ont affiché une nette amélioration en 2019 (Cf. Graph 13) avec des taux de variation de +15,4% pour les entrées des non-résidents, de +10,9% pour le nombre de nuitées hôtelières et de +7,5% pour le nombre de passagers aériens. Il y a lieu de noter que le nombre de passagers aériens et les entrées des non-résidents ont dépassé les niveaux de 2010, de +15,4% et +4,3% respectivement.
Concernant l’activité agricole, la VA s’est accrue de 1,7% sur les 9 premiers mois de 2019 portant la marque d’une campagne céréalière exceptionnelle qui s’est établie à 23,8 millions de quintaux (contre 14,1 millions une année auparavant) et qui aurait compensé en partie la baisse importante de la production des olives à huile pour la saison 2018/2019 (750 mille tonnes contre 1.616 mille tonnes réalisée durant la saison antérieure).
BCT