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Tunisie-Enquête : Une entreprise sur deux coulera en moins de 2 ans si la conjoncture ne s’améliore pas

L’initiative du président de la République, Beji Caid Essebsi, qui était censée doter la Tunisie d’un gouvernement complètement remanié, avec un nouveau Premier ministre à sa tête, a fait long feu. Ou pschitt, c’est selon. Le fait est que le chef de l’Etat, qui nous a donné le tournis avec ses consultations interminables et un ballet incessant de personnalités politiques au palais de Carthage, est étrangement aphone. On ne le voit et ne l’entend plus. Il semble que le projet qu’il a porté à bout de bras et qui a agité toute la scène politique a été engloutie par la torpeur du mois de Ramadan, un peu comme l’énergie des jeûneurs s’étiole et décline au fil du mois. Tout ce tintamarre autour de la formation du fameux gouvernement d’union nationale est retombé comme un soufflet. Tout ça pour ça. Aux dernières nouvelles, Habib Essid, qui a essuyé les tirs nourris de ceux-là même qui l’ont installé au palais de la Kasbah, devrait rester à son poste, faute d’avoir pu trouver l’oiseau rare – ou le suicidaire – pour le remplacer.

Donc de choc psychologique pour l’économie, comme le théorisait le président d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, il n’ y aura pas, puisqu’on va prendre les mêmes et on va recommencer. Ou à peu de choses près. On va peut-être élargir l’assiette pour servir des convives aux appétits plus grands – Ennahdha par exemple exige que le dispatching des maroquins ministériels soit conforme à la physionomie des résultats des dernières élections ou au rapport des forces au sein de l’ARP -, mais dans le fond rien ne va changer. Sauf peut-être une chose, aux conséquences lourdes : Plus de dépenses publiques avec une kyrielle de secrétariats d’Etat, pour justement ramener les partis politiques à de meilleurs sentiments vis-à-vis du chef du gouvernement afin qu’ils le laissent enfin travailler en paix. Et c’est justement sur les conséquences de cet immobilisme que s’est penché le cabinet Ernest & Young.

Il vient de livrer son baromètre 2016 des entreprises en Tunisie. Les conclusions sont pires que ce qu’on pouvait entrevoir. Noureddine Hajji, associé et directeur général d’Ernest & Young, a déclaré ceci : Le baromètre des entreprises du secteur privé fait état d’un « décalage fort entre la réalité et les capacités de nos entreprises pour aller de l’avant, d’un côté, et le contexte politique, économique et social qui tire encore et encore vers le bas, de l’autre ».

Dans le détail, on apprend que 51% des entreprises sondées ont noté une hausse de leurs chiffres d’affaires (CA) en 2015 en comparaison avec 2014. Toutefois plus du 1/4 des entreprises ont enregistré un recul du CA.

Elles ne doivent rien à personne !

Les entreprises expliquent cette embellie d’abord par leurs propres initiatives. Pour 48% de ces entreprises, elles doivent ces bons chiffres à l’amélioration de leurs services et de leurs produits ; vient ensuite une évolution des paramètres du marché et enfin des forces de ventes. « Ainsi, le facteur externe d’amélioration de l’activité pour le secteur ou le marché n’apparaît pas comme déterminant » dit le rapport. De cette façon, au moins, les autorités tunisiennes ne pourront pas dire qu’elles ont quoi que ce soit à voir avec la bonne santé de certaines entreprises.

Par contre pour les entreprises qui ont noté un recul de leur CA, le coupable est tout trouvé : C’est la dégradation de la conjoncture économique, disent 75% des sociétés sondées. Viennent ensuite les autres facteurs handicapants : La forte concurrence, la demande des clients ou encore la concurrence déloyale.

« Les facteurs internes ne sont cités qu’en dernier ressort, qu’il s’agisse de difficultés liées à la gestion des ressources humaines ou de problèmes dans le processus de production », dit le rapport d’Ernest & Young

Il y a un petit brin d’optimisme…

68% des entreprises interrogées font preuve d’optimisme quant à de meilleurs indicateurs d’activité dans les 12 mois à venir. Toutefois quand on affine la question, il n’y a plus que 24% des entreprises sondées qui tablent sur la stabilité de leur business, alors qu’elles étaient 32% à le penser en 2014, c’est une chute de 8 points en deux ans. Inquiétant. « Il est donc clair que des signes d’essoufflement des entreprises apparaissent », dit l’étude.

Pour 67% des entreprises interrogées, c’est la conjoncture économique et sociale qui détermine les choix. En seconde position on trouve l’évolution du climat sécuritaire (65%), la stabilisation de la situation politique (52%) et enfin la conjoncture en Libye (45%). « Il y a aujourd’hui une attente forte que la sphère économique et sociale reprenne ses droits, cette attente portant sur une amélioration générale de la conjoncture. La morosité ambiante influencerait-elle les dirigeants d’entreprises », se demandent les auteurs du rapport.

Mais la confiance ne règne pas !

Quand on demande aux entreprises « Si la conjoncture devait rester ce qu’elle est, voire se dégrader, au bout de combien de temps votre activité serait-elle selon vous menacée? », seule 1 entreprise sur 4 se dit à l’abri des dangers. Cela nuance fortement le degré d’optimisme qu’on évoquait plus haut (68%). En fait tout dépend de la conjoncture, et de ce point de vue personne n’est capable de donner la moindre garantie aux entrepreneurs. Au contraire, les derniers développements sur la scène politique locale et la détérioration de l’économie mondiale, notamment avec le Brexit, sont plutôt de nature à susciter des inquiétudes.

Elles sont près de 75% des entreprises à déclarer qu’elles vont cesser leurs activités si la conjoncture actuelle venait à rester en l’état. Plus grave encore, près d’une entreprise sur 2 prédit une belle mort en moins de 2 ans si c’est le statu quo social et économique.

« En résumé, les entreprises tunisiennes se renforcent en interne en misant sur des revues de la stratégie et des optimisations des processus, mais la conjoncture tend à les rattraper et à étouffer leurs élans », déclare Fayez Choyakh, associé, fiscalité & assistance aux entreprises à Ernest & Young.

Et pourtant elles sont une écrasante majorité (69%) à confier que si le climat d’investissement reste stable, ou même se détériore dans les 12 prochains mois, elles continueront à investir. 48% des entreprises sondées ont déclaré qu’elles vont porter à la hausse leurs investissements dans les 12 prochains mois alors que seules 8% les baisseront.

Les régions intérieures resteront les parents pauvres

Par contre pour ce qui est de doper les flux d’investissement en direction des régions intérieures, leitmotiv du gouvernement tunisien, et bien c’est pas gagné. En effet 50% des chefs d’entreprises interrogés ont affirmé qu’ils n’injecteront pas leurs sous dans les régions intérieures, et même à long terme. Les raisons de leur frilosité : Un contexte défavorable, l’absence d’attractivité économique de ces régions et enfin le manque de visibilité politique, sociale et sécuritaire des zones reculées.

Petit bémol cependant : 29% des dirigeants d’entreprises se disent disposés à investir dans les régions intérieures, car c’est le développement de leurs activités qui l’exige.

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