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Où passent les milliards de dollars d’exportations africaines? La CNUCED a enquêté…

L’Afrique, ce n’est un secret pour personne, est un continent béni, avec son sous-sol gorgé de matières premières. La plus grosse partie de ces ressources naturelles prennent la direction de l’Occident et de l’Orient pour être transformées en produits revendus à prix d’or. Le fait est que les pays africains brassent de l’argent, des sommes colossales à l’export. Pourtant malgré ces pactoles, les populations du continent sont parmi les plus pauvres de la planète. Alors questions : Où sont passés ces milliards de dollars ? Ils sont tombés dans les poches de qui ? La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (Cnuced) a enquêté sur cette nébuleuse et a tenté de répondre à la question à… mille milliards de dollars. Ce qu’elle a trouvé, notamment sur le destin du cacao en Côte d’Ivoire ou des hydrocarbures au Nigeria, est tout simplement effarant, stupéfiant. Et ces mots sont faibles.

Contrebande, évasion fiscale, réduction des taxes douanières, contournement des lenteurs administratives… Tout un arsenal a été mis en place par des affairistes indélicats pour faire disparaitre un maximum de recettes. La Cnuced a pu évaluer l’ampleur de la fraude en comparant les chiffres des pays exportateurs à ceux des pays importateurs. Et là elle a découvert des écarts abyssaux, littéralement. « Ce travail de recherche fournit de nouveaux détails sur la magnitude du problème, rendu encore pire par le fait que les budgets d’éducation et de santé de certains pays reposent intégralement sur leurs exportations de matières premières », a indiqué Mukhisa Kituyi, le secrétaire général de la Cnuced.

L’organisme onusien a procédé de façon très simple : elle a compilé les données de la plateforme Comtrade, qui répertorie les flux commerciaux mondiaux par nation et par produit depuis 1962 ; et là c’est le pot-aux-roses. Les chiffres présentés par les pays exportateurs sont sans commune mesure avec les sommes colossales décaissées par les pays importateurs. La Cnuced a passé à la loupe les chiffres des exportations du cacao en Côte d’Ivoire (la période 1995–2014), ceux des hydrocarbures au Nigeria (entre 1996 et 2014), des minerais en Afrique du Sud (or, argent, platine, fer, 2000–2014) ou du cuivre en Zambie (de 1995 à 2014). Alors que normalement « la valeur d’exportation devrait être équivalente à la valeur d’importation, dans les faits, les données révèlent des écarts significatifs entre les deux valeurs », dit le document de la Cnuced, élaboré par Léonce Ndikumana, enseignant d’origine burundaise à l’université américaine du Massachusetts.
M. Ndikumana a mis le doigt sur un énorme fossé entre ces valeurs, que même les très gros frais de transport et de douane ne permettent d’expliquer.

Zambie : 31,8 milliards de dollars de cuivre qui s’évaporent

Pour la Côte d’Ivoire par exemple, le chercheur a pu établir que 4,9 milliards de dollars ont été surfacturés sur la période 1995-2014 dans les ventes de cacao aux Pays-Bas. C’est tout de même à peu près 248 millions de dollars par an qui passent sous la table, soustraits aux taxes étatiques. Le rapport de la Cnuced dit qu’environ « 29 % des exportations ivoiriennes [vers les Pays-Bas] n’apparaissent pas dans les comptes hollandais », une anomalie due à des carences dans la comptabilité et à la contrebande.

Alors qu’à contrario les exportations de cacao en direction des États-Unis, de l’Allemagne, de la France ou de la Belgique, qui font partie des principaux marchés, sont largement sous-facturées.

C’est pire en Zambie. Là il y a une ardoise de 31,8 milliards de dollars d’exportations du cuivre vers la Suisse qui ne figurent nulle part sur les registres des autorités helvétiques. « Il serait important d’enquêter sur la destination effective du cuivre zambien, qui est enregistré comme exporté vers la Suisse, et qui n’arrive pas dans ce pays », souligne le rapport de la Cnuced, qui évite d’en faire des tonnes pour ne pas froisser l’exécutif zambien.

Idem pour le pétrole nigérian, l’argent et le platine sud-africains, où là encore les écarts sont astronomiques.

Pour la Cnuced, les choses sont claires : La pléthore de sous-facturations dans les données qu’elle a recensées « montre que les fausses factures sont un canal important de fuite des capitaux » vers l’étranger. Et c’est un mal endémique. « En Afrique du Sud, les données officielles font état de petites quantités d’or exportées alors que des montants très significatifs apparaissent dans les comptes des pays partenaires », indique le rapport, lequel attribue ces faits à « la contrebande pure et simple ».

Mais quand il s’agit de proposer des solutions, là la Cnuced est beaucoup moins bavarde. Elle emploie volontiers le ton feutré de la diplomatie en préconisant des enquêtes à large échelle, très médiatisées et sous le sceau de la traque de l’’évasion fiscale. En d’autres mots, on a le temps de voir venir quoi. En attendant rien ne change sous le soleil : Les fraudeurs continuent de s’en mettre plein les poches, alors que les populations se débattent dans une misère révoltante.

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