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Les vérités de Habib Karaouli sur le nombre des banques, leur efficacité, l’UE…

Habib Karaouli, PDG de la Banque d’affaires de Tunisie (BAT), récemment rebaptisée Capital African Partners Bank, a accordé à Africanmanager une interview exclusive où il a évoqué plusieurs questions dont le classement de la Tunisie par l’Union Européenne sur la liste noire des paradis fiscaux, la situation actuelle des banques tunisiennes et l’ensemble des défis auxquels fait face la banque de demain.

Que pensez-vous du classement de la Tunisie sur la liste noire des paradis fiscaux ?

C’est un classement injuste qui va fortement pénaliser la Tunisie de manière concrète puis en termes d’image. On s’est attendu à mieux de la part de notre principal partenaire, à savoir l’Union européenne (UE), en termes non seulement de soutien qui a été affiché plusieurs fois mais aussi en termes de concours qu’il peut apporter dans ce genre de problématique. Tout le monde le sait, la Tunisie vit une période de post crise et par conséquent les institutions publiques ne fonctionnent pas encore de manière optimale. On a pensé qu’il y a des règlements de dérapage mais le fait que cette sanction vienne avec cette rapidité là, je pense qu’il y a une précipitation incontestable et foncièrement injuste.

Pour l’UE on a compris, mais qu’est-ce qu’on peut reprocher à la partie tunisienne ?

Il faut être objectif et voir des deux cotés, il ne faut pas jeter la pierre dans le jardin de l’autre. Il faut, de notre coté, nous poser des questions sur notre capacité d’anticiper ce qui se profile car il ne s’agit pas d’une décision tout à fait brusque mais qui se prépare. Il y a certes des pourparlers, des négociations et des échanges d’informations et la partie tunisienne, à mon avis, n’a pas suffisamment anticipé cette décision. Elle aurait dû justement aller défendre le  dossier, argumenter et contester cette pénalisation.

Quel risque peut représenter ce classement pour la Tunisie ?

Le classement de la Tunisie  comme paradis discal aura certes un impact sur les IDE, et c’est ça le paradoxe car il sont en train de nous pénaliser sur quelque chose dont on ne profite même pas. S’il y avait le trop plein de délocalisations et d’investissements directes étrangers en Tunisie, on pourrait éventuellement comprendre que l’UE ou un certain nombre de pays aient pu percevoir une menace sur le plan compétitivité de la Tunisie, alors que ce n’est pas le cas. Nous avons au contraire un déficit d’IDE et on a peu de délocalisations. Et puis quel danger constitue la Tunisie pour un certain nombre de pays européens pour prendre une décision aussi radicale et qui va impacter non seulement l’image du pays mais aussi toute sortie de la Tunisie sur le marché étranger, la qualité et le volume des investisseurs qui seront demain intéressés par la Tunisie ?

Selon vous, quelles sont les causes profondes de cette décision de l’UE ?

Je crois qu’il y a un élément capital et qui a été déjà avancé : c’est l’insuffisance de la coopération en matière de transmission d’informations. C’est un manquement qui devrait être assumé par la partie tunisienne, qui doit s’impliquer davantage à ce niveau là parce qu’il faut toujours argumenter et présenter la situation telle qu’elle est.

Il y a aussi une dissonance sur le plan de la fiscalité entre celle appliquée sur les résidents et l’autre sur les non résidents. Par conséquent, ce qu’ils ont demandé à la Tunisie ce qu’il y ait de la convergence et du coup le même traitement pour tout le monde en termes de fiscalité, alors que tous les pays du monde le font et même dans les pays de l’UE. Il y a des systèmes qui sont asymétriques selon le besoin et le type d’économie voulu par l’État et les pouvoirs publics. Il y a aussi des avantages qui sont modulés en fonction des stratégies et des orientations de l’État. Pourquoi reprocher à la Tunisie d’utiliser les mêmes instruments et les mêmes dispositifs que ceux utilisés chez eux ?

Il y a d’autres éléments que nous ne maîtrisons pas tel que le manque de liquidité, l’insuffisance et l’inefficacité du système d’informations. Ajoutons à cela le fait qu’on n’ait pas tenu compte du fait que la Tunisie n’est pas encore stable, et que les pouvoirs publics n’ont pas à ce jour les moyens d’exécuter le programme économique engagé par le gouvernement et qui nécessite du temps pour être mis en place et donner par la suite les résultats escomptés.

Dans quelle situation se trouvent aujourd’hui les banques tunisiennes ?

L’histoire selon laquelle les banques tunisiennes vont être une partie du problème et pas de la solution s’est malheureusement vérifiée dans les faits. Il faut d’abord signaler qu’on a trop de banques en Tunisie (24 banques), exactement le même nombre de banques qui existent en Égypte, un pays qui a une population 9 fois plus importante que la Tunisie. A cela s’ajoute un taux de sous-bancarisation de 36% alors qu’au Maroc, ce taux a dépassé 70%.

De plus, 6 banques concentrent plus de 70% du marché tunisien, donc c’est un marché qui est fortement atomisé pour lequel il faut trouver des solutions.

Par ailleurs, aucune banque tunisienne ne figure dans le classement des 50 premières banques les plus rentables en Afrique. La première banque qui s’affiche dans ce classement est la BIAT et elle est classé 57ème. Nous n’avons aucune banque qui puisse accompagner les investisseurs tunisiens à l’étranger.

Vos solutions ?

Il faut revoir toutes ces problématiques et les structurer tout en s’attaquent aux défis de la digitalisation. « Innover ou périr« , la question sera exactement ça. Est-ce qu’on a la capacité de s’adapter et anticiper ou rester dans le même modèle. Le modèle d’affaires basé sur des agences à chaque coin de rue est complètement révolu. Les études récentes démontrent qu’à l’horizon 2020, 20% du total des agences aux États-Unis vont être supprimés. C’est pareil pour le reste du monde.

Maintenant le client est souvent plus en avance en matière de maîtrise des outils digitaux de sa banque. Il a besoin d’un partenaire qui est son banquier, qui devrait être prêt 24h sur 24 et accessible à tout moment et à n’importe quel endroit.

Le deuxième enjeu est l’inclusion. Beaucoup n’ont pas accès aux services bancaires, il faut absolument faire en sorte qu’ils rejoignent le système bancaire mais avec des méthodes beaucoup plus souples, plus digitales et interactives pour grossier le flux de clients.

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