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Tunis : Pas assez franc et pas encore totalement maître chez lui !

La dernière interview de Mehdi Jomaa en guise d’adresse à la Nation, a duré une heure. 22 minutes y ont consacrées au volet politique et 12 autres au volet sécuritaire sans qu’il ne dise quoi que ce soit sur les enquêtes sur les assassinats politiques ou à propos des hommes d’affaires interdits de voyage. Ce n’est qu’après deux longues minutes et un rappel à l’ordre du journaliste lors de cette tranche d’interview consacrée au volet sécuritaire, qu’il laissera tomber sans conviction apparente que «les choses s’améliorent… les terroristes se terrent toujours dans les montagnes et dans les villes (…) et on doit toujours nous attendre à de nouvelles opérations » terroristes. Les 25 minutes restantes étaient pour le volet économique où peu ou prou d’annonces ont été faites.

Une heure durant, le chef du gouvernement tunisien a constamment parlé, directement ou en filigrane, de consensus, comme s’il se sentait toujours sous la menace d’une motion de censure. Il avait peut-être raison, mais cela entachait quelque part son aura d’homme politique, intellectuellement indépendant, politiquement non engagé et qui sait qu’il n’est là que pour un temps au seul bénéfice de la Nation. Il en oubliait presque qu’il avait été engagé sur la base d’un ordre de mission bien déterminé, et c’est seulement le respect de cette feuille de route qui fera de son mandat un Top ou un Flop. Volontairement ou non, Mehdi Jomaa a fini par donner de lui-même l’image d’un surpris et donc de quelqu’un qui n’était pas bien préparé. L’image aussi d’un indécis devant l’étendue des décisions qu’il pourrait prendre pour faire face à la situation, économique et financière dont il a hérité. L’image enfin d’un homme acculé à la franchise, mais qui tenait à ne pas trop en dire, comme s’il avait peur que sa sincérité ne l’accable et ne le perde.

La Tunisie de l’après Ennahdha l’avait attendu, pendant de longues semaines, comme elle attendrait le Messie (Al Mahdi Al montadhar), pour remettre tout le pays, économiquement, politiquement et socialement, sur les rails. Une lecture réfléchie de son interview du 3 mars 2014, donnerait pourtant à penser que la Tunisie devrait encore l’attendre, comme elle risquerait d’attendrait Godot.

Un mois après son installation à La Kasbah, la seule annonce directe que le public tunisien a entendue de lui, c’est qu’il n’y aura plus de nouveaux recrutements dans la fonction publique. Il n’a pas précisé s’il excluait même ceux qui étaient déjà prévus dans le budget préparé par le précédent gouvernement qui aura ainsi noyé le budget dans les dépenses de gestion au détriment de celles d’investissement. C’est son ministre des Finances, Hakim Hammouda, qui le précisera le lendemain sur les colonnes du quotidien Al Maghreb. 2014 ; il y aura donc bel et bien des recrutements dans la fonction publique !

Le discours a été certes empreint d’un minimum de franchise, lorsqu’il parlait notamment du peu de travail des Tunisiens pendant 3 ans avec une productivité de quelque 0,2 % pour des salaires qui ont augmenté de 41 % et des dépenses de compensation qui ont explosé de 270 %. «Pendant trois ans, personne ne travaillait, on ne respectait pas les lois et l’autorité de l’Etat », dit-il, à ce propos, comme dans une simple reprise de son discours d’investiture.

Mais un discours de mars 2014, qui manquait beaucoup de spontanéité. Il y refusera de dire la vérité, toute la vérité, sur les résultats de l’audit financier qui lui aura pourtant pris tout un mois. «Je ne veux pas faire endosser la responsabilité à un gouvernement, plus qu’à un autre», disait-il, et c’est tout à son honneur peut-être, mais au désespoir de ceux qui attendaient impatiemment de connaître le responsable de la situation économique telle qu’il l’a décrite. A ce propos, il se gardera de dire qu’elle est catastrophique ou que le ciel risque désormais de tomber sur la tête des Tunisiens. Les gouvernements Jbali et Larayedh ne lui avaient pourtant laissé aucun tableau de bord, lui avaient légué un trou de plus de 10 milliards DT dans le budget, d’énormes dettes (25 milliards DT sur 3 ans) qui ont été dépensées uniquement à des fins de consommation, des salaires et autres primes, en application de la tristement célèbre politique du «Go & Stop » qui n’a freiné ses dépenses qu’au départ d’Ali Larayedh. C’est tout cela que Mehdi Jomaa aurait dû expliquer et en informer le peuple tunisien, clairement, franchement et sans retenue. Cela aussi relève de la préparation des conditions des prochaines élections. Mehdi Jomaa devait, en effet, au peuple tunisien toute la vérité, rien que la vérité, sur ceux qui l’ont amené à cette situation financière désastreuse, comme il refusera de le dire, où la moitié de son PIB servira désormais à rembourser des dettes qui auront finalement servi des intérêts purement politiciens de la Troïka gouvernante.

Il dira peu de choses pour les 4000 employés de Tunisair qui est théoriquement en dépôt de bilan après avoir «bouffé» quatre fois son capital comme il l’annonce. Il ne dira quasiment rien à propos de la situation de la CPG qui perd quotidiennement des dizaines de millions DT. Il ne révèlera rien du résultat des audits des banques publiques. Il ne dira pas non plus ce qu’il compte faire pour «encourager l’investissement privé et augmenter l’investissement étranger».

Ce que l’on comprend de sa dernière prestation TV, c’est qu’il avait été surpris par l’état des caisses de l’Etat, trop vides par rapport à ce qu’il s’attendait. On comprend aussi qu’il n’est pas encore maître de sa décision, notamment lorsqu’il dit qu’il attendra la consultation du Quartet et de l’opposition pour les décisions économiques douloureuses qui s’imposent. A ce train, 2014 sera terminé avant que les partis politiques, désormais en campagne électorale avant terme, n’acceptent de se mouiller en lui donnant leur aval pour ces décisions On avait aussi attendu son intervention de lundi soir, comme on attendrait celui qui allait dire «les quatre vérités» à la population. On sera déçu, même si ce n’était pas totalement.

Interrogé par Meriem Belkadhi sur sa méthode pour la formation du gouvernement, Jomaa répond que «je leur ai dit que celui qui viendrait pour un plan de carrière, doit laisser cela de côté et considérer qu’il est là uniquement pour le service de la Nation». Le chef du gouvernement n’a pas donné de lui-même d’abord, l’impression qu’il n’était pas là pour un plan de carrière. Sinon, il aurait été le «Superman» que toute la Tunisie attendait, au seul service de l’Etat bon gré mal gré, les partis politiques ayant, eux, un agenda politique clair !

Khaled Boumiza.

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