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«Je suis LE nouveau système». Je suis LE meilleur. Je sais tout de tout et suis capable de tout !

Il parle bien. Mais il est encore un peu brouillon dans ses idées. Des idées, il en a et en parle à partir d’exemples ou de cas vécus, comme s’il voulait montrer qu’il avait écumé la Tunisie et le monde et en a vu des choses et de grands hommes. Mais ses idées ne sont pas encore (ou n’avait-il pas le temps de le faire, auquel cas il aurait dû ne pas se perdre en conjectures politiciennes pour les présenter clairement et avec détails) structurées dans des programmes. Il commence une idée, mais ne la précise pas et ne détaille pas comment il va faire. Il est, en quelque sorte, à l’image du poste qu’il brigue, où le président de la République ne peut se permettre que d’avoir des idées, car le pouvoir exécutif est ailleurs.

Dans cette interview, Mehdi Jomaa donnait l’impression d’un peu trop de suffisance dans ses compétences, même s’il le fait toujours avec le sourire. Peut-être était-il encore sensible à tout ce qui avait été médis de lui sur les réseaux sociaux. Et peut-être devrait-il montrer plus d’humilité, de modestie et même d’un peu plus de bonhomie à l’égard du siège qu’il voudrait occuper. On dirait presque que c’est l’homme qui sait tout et qu’il est capable de tout faire.

C’est sûr, Mehdi Jomaa est un beau parleur, presqu’autant qu’Abdelfattah Mourou. Mais reste loin d’être le bon communicateur qu’il faut. L’image qui se dégage de cette interview du candidat Jomaa est malheureusement celle d’une personnalité politique un peu trop imbue d’elle-même, avec même un excès de pédanterie manifeste. Presqu’un Alain Jupé, avec la jovialité en plus, le «brillantissime» Premier ministre français dont le mentor Jacques Chirac disait qu’il était «le meilleur d’entre nous». Sauf que Juppé n’a jamais pu s’imposer, parce que perçu comme trop éloigné des gens, alors que Chirac a eu la carrière que l’on sait (Premier ministre et deux mandats de président de la République). Alors attention Jomaa !

  • Je ne suis pas l’homme d’Ennahdha, mais c’est Ridha Saïdi qui m’a recruté

Il commence, à la demande de l’animateur Elyes Gharbi, par évoquer les circonstances qui l’avaient amené au pouvoir en 2015. «Ridha Saïdi et Chedli Ayari ont été mes premiers recruteurs pour le poste de chef de gouvernement, mais pas Ennahdha», dit-il. Il oubliait certainement que Saïdi est d’Ennahdha. Il rappelle, en guise de témoin, une déclaration de l’ancien SG de l’UGTT, Houcine Abassi, lorsqu’il avait dit «nous l’UGTT, on a proposé Mehdi Jomaa et deux étaient contre, qui sont Ennahdha et Ettakattol». Et d’ajouter : «je n’ai aucun soutien d’Ennahdha et je n’ai de dette auprès d’aucun». Il prend ainsi de la distance avec le parti islamiste tunisien, pestiféré par une grande partie de l’électorat tunisien. Il reste qu’en affirmant que «l’islam politique n’a aucune place en Tunisie», Mehdi Jomaa semble vouloir chasser sur le terrain de plus dur que lui, Abir Moussi. Les deux, à notre sens, chassent sur un terrain glissant, la composante islamiste du paysage politique étant devenue une réalité, qu’il s’agit plutôt d’encadrer et non de guerroyer contre et encore moins d’éliminer.

  • Affaire Karoui : Ce n’est pas acceptable. Mais moi aussi

Interrogé sur le cas Nabil Karoui, Mehdi Jomaa plonge. «Le chaos, c’est d’abord le non-respect et la non-application de la loi. Ce qui s’était passé avec Nabil Karoui, c’est plus du domaine de l’utilisation de la loi que du souci de son application. Et ce n’est pas acceptable». Et de finir par ce qu’il a appelé un «Statment», disant «ce que j’en retiens, c’est ce qu’en dit la presse internationale, qui dit que c’est de l’exclusion et de l’utilisation du pouvoir. Et la perception est plus forte que la vérité». Il n’avait manifestement pas pris connaissance des cas DSK et Fillon et que la France n’avait pas fait beaucoup de cas de ce qu’avait alors écrit toute la presse internationale.

Il en profite cependant pour rebondir sur ce qu’il avait appelé l’utilisation du pouvoir, et dénoncer des pressions contre une personnalité de la ville qui lui avait organisé le meeting, qui aurait été contactée par le sommet du pouvoir pour l’intimider. Et de dénoncer aussi une intervention auprès d’une personnalité de Sousse, par le gouverneur et un ministre, pour essayer de l’intimider. Et d’accuser directement le candidat Youssef Chahed d’utiliser les structures de l’Etat pour sa propre campagne «et ce n’est pas de bonne guerre»

  • Changer le code électoral, encadrer les écoles privées et enlever toutes les autorisations, même pour l’alcool

Interrogé ensuite sur ses Quick-Win, il promet de réformer le code électoral. «Nous avons maintenant l’expérience et on sait où sont les défauts», dit-il sans aller jusqu’à préciser les choses qu’il voudrait changer dans ce code, dont les derniers amendements avaient fait beaucoup parler et le texte enterré avec BCE qui avait refusé de le signer. Et c’est l’animateur qui le poussera à parler, au passage et sans autre forme de détail non plus, de changer le seuil, «tout en restant dans la pluralité», et de mettre le holà au tourisme parlementaire. Va comprendre !

A propos de l’éducation, sa deuxième priorité, tout ce qu’on retiendra de la multitude de petits exemples du vécu donnée par le candidat Jomaa, c’est qu’il voudrait que l’Etat prenne en charge l’éducation de base, et que pour les écoles privées, il voudrait agir par conventions sur le contenu éducatif à servir. C’est bref, pas net et pas précis !

Vient ensuite ce qu’il aurait mieux fait d’appeler la «guillotine» des autorisations. «Eliminer toute sorte d’autorisation, pour libérer l’initiative et généraliser les cahiers de charges», «y compris pour les autorisations de vente des alcools», avait-il vite expliqué. On ne sait pas s’il avait bu quelque chose avant d’entrer en studio, mais il est sûr que le candidat Jomaa n’avait pas fait attention à la peau de banane de l’animateur et avait glissé dessus de toute sa longueur !

  • Diplomatie économique : Fipa et Cepex à rattacher au MAE

Interrogé sur sa vision de la diplomatie, le candidat aux présidentielles anticipées a prôné une «neutralité positive et active. Ne faire partie d’aucun axe (Voudrait-il sortir la Tunisie de son statut d’allié majeur non-membre de l’OTAN ?). Ce qu’il nous faut aussi, c’est une diplomatie économique, dans une sorte de contrat par objectif avec les ambassadeurs». Jomaa voudrait aussi, «pour cela, soustraire la Fipa et le Cepex notamment, au gouvernement, pour les accoler au MEA et donc à la présidence de la République». Il avait oublié de soustraire au chef du gouvernement le Conseil supérieur de l’investissement !

Il renverra ensuite, en réponse à une autre question, dos à dos Yassine Brahim et Rachid Sfar qui lui conseillent de laisser sa place à Abdelkerim Zbidi, en leur disant «Ce n’est pas ainsi que les choses doivent être jugées, et je suis en contact direct avec Zbidi et nous n’avons pas d’intermédiaire».

Et de nouveau suffisant, comme presque tout au long de l’interview, il affirme que «je suis porteur d’un projet et contrairement aux autres, j’ai la compétence, l’expérience et c’est ce qui me dirige. Je ne suis ni du système, ni antisystème, mais le nouveau système. Je suis l’alternative à la médiocrité, à ce bilan qu’on entend dire être positif. Le nouveau système qui a les solutions et les hommes [Ndlr : pour les réaliser]».

Au bout des 49 minutes qu’a duré l’interview, avant de répondre à des questions plus terre-à-terre des auditeurs, le candidat Mehdi Jomaa aura plus fait étalage de présomption que de vision politique et économique, globales ou détaillées. Le Badil, New deal ou Bad deal ? L’électeur choisira.

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