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Le dinar, quel naufrage !

C’est indiscutablement le symptôme le plus brutal d’une balance commerciale qui bat de l’aile. Le dinar tunisien s’est inscrit dans une spirale que peu d’analystes se retiennent de qualifier de descente aux enfers. Et ce n’est point excessif au regard à la cadence à laquelle il plonge en l’absence du moindre indice que ce ne soit pas encore le cas sur le court terme voire à plus longue échéance. Les tout derniers chiffres de la Banque centrale de Tunisie sont là pour étayer ces craintes avec un déficit courant qui « s’est nettement élargi pour s’établir, à fin août 2018, à 7.675 MDT (ou 7,2% du PIB), après avoir atteint 6.767 MDT (ou 7% du PIB) une année auparavant ». En corollaire, elle fait état d’une « détérioration des paiements extérieurs toujours perceptible au niveau des réserves en devises qui se sont établies, au 12 septembre 2018, au voisinage de 3,9 milliards de dollars, soit l’équivalent 69 jours d’importations contre 93 jours à fin 2017 ». Une barre que l’on retrouve, pas plus tard que ce 17 octobre. Mécaniquement, et en raison de l’acuité du déséquilibre entre l’offre et la demande, le marché de change a connu une accélération du rythme de dépréciation du dinar vis-à-vis des principales devises, au cours de la période récente. Du premier au 12 septembre 2018 et par rapport à toute l’année 2017, le dinar s’est déprécié de 10,7% et 5% face à l’euro et au dollar américain respectivement.

On est alors à des années-lumière de l’année 2010, par exemple, où le dinar s’échangeait           contre 1,44 dollar. À la mi-septembre 2018, cette contre-valeur est de 2,78 pour un dollar et de 3,23 pour un euro, en ce début de semaine. Et avec une facture d’importation qui a augmenté de 20,4% à 13,9 milliards de dollars par rapport aux huit premiers mois de l’année dernière, le déficit devrait continuer de se creuser sur le reste de l’année, avertissent les analystes.

Le Fonds monétaire international a fait valoir que «la flexibilité du taux de change, appuyée par des adjudications plus compétitives de devises par les banques centrales, est essentielle pour aider à améliorer la situation du compte courant et à reconstituer les réserves internationales du pays». Une préconisation taillée en pièces par les économistes qui affirment que le maintien d’une telle «flexibilité» est contre-productif pour l’économie tunisienne et pourrait être «suicidaire» à long terme, arguant que le pays ne pourrait pas couvrir le déficit commercial croissant, alimentant ainsi le déséquilibre des comptes courants.

Un « précipice sans fond » !

Cités par « The Arab Weekly », ils ajoutent s’attendre à ce que le déficit commercial de 2018 dépasse le déficit commercial record de 2017, qui a atteint 5,6 milliards de dollars, soit 24% de plus que l’année précédente. L’un d’’eux, l’ancien ministre tunisien du Tourisme, Slim Tlatli, économiste, ne voit pas d’un bon œil que « les autorités continuent de laisser le dinar se déprécier dans le soi-disant objectif de mettre fin au déficit commercial. Nous devons changer de politique, qui pousse le pays dans un précipice sans fond », selon ses dires.

D’après lui et d’autres économistes, la dépréciation du dinar aurait permis d’ouvrir de nouveaux marchés pour les ventes à l’étranger si l’économie était plus productive et innovante, mais elle y a échoué. La Tunisie, largement reconnue comme la réussite économique du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord au cours des deux décennies précédant 2010, a été dépassée par le Maroc et l’Algérie, ses pays voisins, dans le dernier indice de compétitivité mondiale du Forum économique mondial. La Tunisie était 95ème, neuf crans au-dessous de l’Algérie et 24 spots plus bas que le Maroc, à l’échelle de la compétitivité.

Une politique « suicidaire »

« Lorsque l’élasticité des prix des importations et des exportations est faible, comme c’est le cas en Tunisie, la dévaluation du dinar amplifie encore le déficit commercial », a déclaré Abdelaziz Halleb, directeur général de la société de composants électriques Omnitech, cité par la même source, faisant remarquer que le déficit commercial de la Tunisie se creusait depuis 2011, le dinar perdant progressivement du terrain face au dollar.

« C’est la raison pour laquelle cette politique monétaire est simplement suicidaire », a-t-il prévenu, rappelant que la chute du dinar avait sérieusement affecté la valeur des exportations des composants mécaniques et électriques ». « Lorsque ces transactions sont conclues, les montants de leurs exportations ne sont pas influencés par la valeur du dinar. Pour certaines sociétés étrangères spécialisées dans ces composants, le seul facteur qu’elles mettent en avant pour choisir la Tunisie tient aux salaires de leurs employés locaux payés en dinars et quand le dinar chute, ces salaires diminuent aussi », a-t-il souligné. Pour les produits agricoles, «les recettes en devises émanant de leurs exportations manquent à croître si le dinar se déprécie», a-t-il ajouté.

La valeur en baisse du dinar a frappé l’industrie du tourisme, autre principale source de devises. «Les accords sont négociés avec des voyagistes étrangers pour l’été et en dinars. Lorsque nous déprécions le dinar, nous perdons en termes de devises », a-t-il affirmé, expliquant que les touristes d’Algérie et de Libye « affluent vers le marché noir pour échanger de l’argent. Nous perdons aussi en même temps que nous dévaluons le dinar ».

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