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Tunisie : Après le FMI, la MCC livre un implacable réquisitoire de la gestion économique

La Tunisie a été choisie par la MCC « Millennium Challenge Corporation » (Société du Compte du Millénaire) pour accéder à ses aides. La MCC est une société gouvernementale américaine créée par le Congrès, ayant vocation à apporter son assistance aux pays pauvres et en développement sélectionnés sur le principe que l’aide est plus efficace lorsqu’elle renforce des mesures politiques, économiques et sociales rationnelles qui stimulent la croissance économique.

Dans une note liminaire d’un rapport dont l’élaboration prendra entre deux et trois ans, elle a identifié et analysé 3 contraintes ; elles sont liées aux contrôles excessifs du marché, aux réglementations rigides du marché du travail et à la pénurie d’eau. Les réformes identifiées devraient libéraliser les marchés à plus long terme sans exacerber l’instabilité politique ou les inégalités à court terme, ces dernières étant exprimées à travers une augmentation du taux de pauvreté dans trois sur quatre régions de l’intérieur où les progrès pour sa réduction ont été plus lents même si des avancées ont été faites soulignant des résultats inégaux, sachant que le taux de pauvreté en Tunisie est de 15,2% en termes de seuil national de pauvreté et de 2,9% de seuil de pauvreté extrême.

L’Etat omniprésent sur le marché

Pour ce qui est des contrôles excessifs du marché des biens et services en Tunisie, la MCC pointe les niveaux extrêmes d’intervention étatique et bureaucratique sur les marchés, créant des exigences réglementaires « déraisonnables » et une mise en conformité avec les coûts pour les entreprises, ce qui dresse des obstacles indus à certains acteurs pour s’implanter et partir. Ainsi, ces exigences épuisent les ressources de gestion des entreprises, ajoutent des coûts administratifs et du temps et privilégient l’accès au marché pour les entreprises. Les chefs d’entreprise dépensent plus de 45% de leur temps à répondre aux exigences gouvernementales, comparativement à une moyenne mondiale de 13%. En outre, un certain nombre de mesures gouvernementales de contrôle des prix, de subventions et de mesures commerciales contribuent à la distorsion du marché des biens et des services, en particulier dans l’agriculture. MCC cite l’exemple du coût des céréales en Tunisie qui est supérieur d’environ 30% au prix mondial, encourageant la production céréalière par rapport à d’autres produits de plus grande valeur tels que l’horticulture. De même, les contrôles des prix et les subventions encouragent la répartition improductive des ressources dans l’économie et diminuent les perspectives de nouvelles opportunités. La consommation de l’énergie et de l’eau est subventionnée, ce qui réduit les incitations à investir et contribue à une utilisation non durable. Surtout, les entreprises publiques mal gérées exercent un contrôle important sur le marché, ce qui a pour effet de fausser les marchés et de réduire la compétitivité de l’économie dans son ensemble. Cent dix-neuf entreprises publiques opèrent actuellement dans 19 secteurs en Tunisie. Le niveau élevé d’implication des entreprises publiques, de protection et de réglementation de l’économie crée un environnement non concurrentiel dans lequel certaines entreprises, souvent publiques, jouissent de positions privilégiées, de réglementations favorables ou de monopoles et d’un accès privilégié aux décideurs.

Un marché du travail rigide

Deuxième contrainte, les réglementations rigides du marché du travail. MCC relève que la rigidité de la détermination des salaires, les charges sociales élevées et les mécanismes de protection de l’emploi réduisent la productivité en décourageant le secteur formel, les performances des entreprises efficaces, aggravent le chômage des jeunes et des non-urbains tout en diminuant la participation économique de la population en âge de travailler, en particulier les femmes. D’ailleurs, la Tunisie se classe 133ème sur 138 pays dans l’indice des réglementations du marché du travail du World Economic Forum 2016. Un examen des législations de protection de l’emploi montre qu’une législation de protection de l’emploi plus stricte réduit l’emploi formel, augmente la taille du secteur informel, réduit la valeur ajoutée, la taille de l’entreprise et la production. S’y ajoutent les procédures de licenciement qui sont lourdes et entravent l’implantation, l’expansion et la sortie des entreprises au point que la Tunisie est l’un des pays les plus prohibitifs au monde en matière de licenciement des travailleurs permanents. Parallèlement, les charges sociales élevées découragent les recrutements au profit du secteur informel. La Tunisie a un salaire minimum relativement bas par rapport à la productivité moyenne du travail, les charges sociales et les contributions fiscales sont les plus élevées parmi les pays comparables et la qualité des services sociaux est faible, réduisant les incitations et décourageant les employeurs et les employés à conclure des contrats formels. Enfin, les syndicats sont puissants en Tunisie avec une force politique et socioéconomique majeure et ont un impact décisif sur les salaires et les conventions collectives, constate MCC. La syndicalisation est plus répandue dans le secteur public, à hauteur de 60% contre 15% dans le secteur privé, créant une préférence pour l’emploi dans le secteur public, en particulier chez les femmes.

L’eau mal gérée

Enfin , troisième catalogue de griefs de la MCC à l’endroit de la Tunisie : la pénurie d’eau, en tant que contrainte à l’équité et à la durabilité régionales, en ce sens, explique-t-elle, qu’un approvisionnement en eau inadéquat et variable inhibe les investissements privés à moyen et long terme dans les régions intérieures et réduit la durabilité de ces investissements, principalement dans l’agriculture. Jumelée aux inefficacités du captage et de la mobilisation des ressources hydrauliques du Nord du pays, la pénurie d’eau augmente les coûts et les risques des investissements à moyen et long terme dans les régions intérieures, en particulier pour les exploitations agricoles et les entreprises agroalimentaires, qui sont les principaux fournisseurs d’emploi dans ces régions. L’agriculture consomme 80% des ressources en eau totales de la Tunisie et constitue également une part importante de l’emploi et des revenus informels dans les zones rurales, en particulier pour les femmes. En outre, les projets de développement agricole constituent un élément clé du plan Tunisie 2020 du gouvernement tunisien et contribuent largement au volet «économie verte» du plan. Une étude sur l’impact potentiel des investissements de la SFI estime que les investissements dans l’agriculture et la transformation des produits alimentaires ont le potentiel de générer les meilleurs rendements économiques directs et indirects. MCC estime que malgré la rareté de l’eau, il existe un potentiel pour réaliser des économies substantielles en matière d’utilisation de l’eau afin de soutenir la croissance et la durabilité de l’emploi dans les régions intérieures les plus touchées. Par exemple, 40% des quantités d’eau sont perdues dans les réseaux de distribution actuels, alors même que des mesures fondamentales pourraient améliorer la distribution de l’eau et réduire les pertes. De plus, la réduction globale de la capacité de stockage est estimée à 40%, du fait de la mauvaise gestion des bassins hydrauliques. Les pénuries d’eau ont provoqué des protestations et des troubles sociaux, et les agriculteurs et les entreprises utilisent différents moyens pour lutter contre la pénurie, pas tous durables. Ainsi, les agriculteurs n’hésitent pas à creuser leurs propres puits profonds, une pratique coûteuse et illégale. Entre 2010 et 2015, plus de 10 000 puits illégaux ont été creusés, entraînant une forte exploitation illégale de l’eau des aquifères profonds du pays.

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