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Tunisie : Deux coups de semonce en quelques heures

A quelques jours de la nouvelle année, économique et sociale surtout, la scène politique tunisienne se fait l’écho de deux coups de semonce en quelques heures. Deux admonestations politiques qui sonnent comme un coup de tonnerre dans une conjoncture, politique et politicienne déjà nauséabonde d’instabilité, de tentatives de déstabilisation du gouvernement en place, qui se prépare à vivre une fin d’année 2017 difficile et un début 2018 qui s’annonce encore plus difficile, économiquement et plein d’appréhensions sociales.

  • Le «coup de tonnerre» Yassine Ayari et ses significations

Le 1er coup de semonce est venu d’Allemagne. Avec un taux de participation de 5,02 % pour le prix d’une campagne à 500 mille euros et la participation de 1.326 votants sur 90 mille, c’est Yassine Ayari, candidat de la liste «Amal» que beaucoup assimilent au CPR, d’autant plus qu’il est officiellement soutenu par Moncef Marzouki dans une vidéo en date du 12 décembre, qui l’emporte avec 21,83% des voix devant le candidat de Nida Tounes (19,45 %) et Machroua Tounes (10,15 %) notamment.

Les observateurs de la scène politique tunisienne ne manqueront pas de remarquer qu’Ennahdha, qui s’était prononcée en faveur du candidat de son partenaire au pouvoir, Nida, n’aurait pas honoré ses engagements. D’aucuns diront qu’Ennahdha a refait le coup déjà fait à Marzouki lors des dernières présidentielles, ce qui donnerait du crédit à ceux qui dénoncent l’alliance Ennahdha-Nida et ont toujours attiré l’attention sur sa fragilité, sans oublier de rappeler que certains CPRistes étaient d’anciens d’Ennahdha. De là à penser qu’Ennahdha aura finalement fait vote utile, le pas pourrait être vite franchi.

Quand bien même le parti islamiste tunisien aurait fait campagne effective pour le candidat de son partenaire politique et aurait même donné des consignes  de vote en sa faveur, la montée de Yassine Ayari reste un fort signal de désinvolture de l’électorat tunisien qui ne se déplace plus, de désenchantement de la classe politique et qui décide de tourner le dos aux partis traditionnels. Le tout, à quelques mois des prochaines municipales, des élections où le gagnant tiendra la Tunisie profonde entre les mains.

Le loup est désormais dans la bergerie, s’alarment beaucoup de Tunisiens, devant la personnalité pour le moins controversée du nouveau député, dont une photo le montrant brandissant un étendard de Daech (faut-il pour cela qu’elle ne soit pas un effet Photoshop et qu’elle soit dénoncée par l’intéressé) fait beaucoup jaser et rappelle les différentes affaires instruites contre lui devant la justice militaire dont on sait très peu de choses sur l’issue.

Parlant d’Ayari, ce lundi 18 décembre 2017 sur les ondes d’une radio privée tunisienne, la députée du bloc parlementaire d’Afek Tounes Hajer Becheikh Ahmed a évoqué un «extrémiste». D’autres en parlent comme d’un anarchiste. «La leçon est évidente. Si nous voulons un jour renverser la table et renverser la partie sur ces gens-là, nous n’avons d’autres  choix que de dépasser le narcissisme et les différences et travailler ensemble», disait Yassine Ayari dans une vidéo postée sur son profil d’un réseau social, en s’adressant aux «partis qui ont fait confiance à la jeunesse et nous ont prêté main-forte». Suivez son regard. Mais on ne peut s’empêcher de retenir surtout le mot «renverser» prononcé deux fois dans cette courte vidéo. On pourrait, peut-être, être taxés de  parti pris , mais c’est l’impression que donne le sulfureux personnage antisystème.

  • Afek Tounes part en vrille et fragilise le GUN

Le second coup de semonce, c’est l’annonce de la décision du parti libéral tunisien Afek Tounes de quitter le GUN (gouvernement d’union nationale). Cette décision avait été discutée une première fois en septembre dernier et avait été refusée par le conseil national du parti.

Dimanche dernier, elle aurait été prise dans des conditions pour le moins entachées d’irrégularités procédurales, notamment dans le programme de la réunion et la façon dont elle a été convoquée. La décision ne semble pour l’instant pas satisfaire les concernés, dont certains sont encore écartelés entre la fidélité au chef du gouvernement et la discipline aux décisions du parti. Les quatre ministres concernés ont, selon nos informations, présenté ce lundi 18 décembre 2017 leur démission à Youssef Chahed, qui l’a rejetée . Entre temps, ils auraient suspendu temporairement leur adhésion au parti, en compagnie de deux députés d’Afek, ce qui signifie qu’Afek part en vrille, tenaillé entre la volonté de son président et les désirs ou les impératifs de ses ministres au GUN, ainsi que d’une autre partie de ses membres qui ont été contre cette décision et ont refusé de voter la motion de sortie du GUN.

Pour Hafedh Zouari, membre d’Afek et député du même parti à l’ARP, dans une déclaration à Africanmanager, «la décision de sortie a été prise par une faible majorité, par 51 présents et une trentaine par procuration, ce qui reste une majorité non-responsable de l’avenir et de l’intérêt suprême du pays ». Et le député d’ajouter que «le vrai problème ne tient pas au  fait de sortir ou de rester au gouvernement, mais à la  manière de le faire, dans cette conjoncture où le gouvernement a besoin de stabilité. Le faire ainsi participe par contre à l’instabilité».

Zouari aura ainsi prononcé le mot-clé de toute cette affaire qui est la nécessaire stabilité politique dans la conjoncture actuelle que vit le pays. Il est en effet impossible de comprendre la décision du parti de Yassine Brahim autrement que comme une tentative, politiquement volontaire ou involontairement politique, de déstabilisation d’un gouvernement qui a pourtant, comme cela aurait été le cas de tout autre gouvernement, un tant soit peu de stabilité et d’appui politique de toutes ses composantes, pour arriver à concrétiser ce pour quoi il a été voté à l’ARP. Une tentative qui intervient,  plus est, dans une conjoncture de tensions sociales, économiques et financières, lesquelles pèsent sur son action et mettent beaucoup de pression sur son avenir.

Brahim a balayé tous ces nuages d’un revers de la main, préférant nettement l’anticipation sur les revers, voire l’échec du gouvernement et un divorce pour se refaire une petite virginité afin de pouvoir se poser en alternative le moment venu. Pour le moment, le moins qu’on puisse dire est que c’est un flop, auquel s’ajoute la difficulté de panser les plaies d’un parti profondément meurtri par cette affaire. Quant à Chahed, son activisme pour retenir les éléments d’Afek Tounes relève de l’instinct de survie, d’abord pour ne plus être le jouet de partis qui salivaient à l’idée de placer leurs pions à la place des partants et de parlementaires qui allaient faire leur énième show lors d’un énième vote de confiance à l’ARP. Chahed en a soupé et vient, manifestement, d’échapper aux tourments d’un remaniement ministériel. Jusqu’au prochain séisme…

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