AccueilLa UNEDes pratiques anticoncurrentielles dénoncées, et le CBF dans l’œil du cyclone

Des pratiques anticoncurrentielles dénoncées, et le CBF dans l’œil du cyclone

« Un accès rapide, sûr et peu coûteux à des financements et services de paiement favorise l’inclusion financière et l’investissement privé. Or, toutes les enquêtes menées récemment en Tunisie montrent qu’environ les deux-tiers de la population ne sont pas titulaires d’un compte bancaire et que les difficultés d’accès au financement constituent l’un des principaux obstacles rencontrés par les entreprises », fait remarquer l’OCDE dans un récent rapport sur le secteur bancaire tunisien.

Le rapport qui focalise sur le respect, plutôt sur l’irrespect de la concurrence, entre les banques tunisiennes, adopte une approche holistique en tenant compte des pratiques du marché, du comportement des consommateurs et de la réglementation afin d’évaluer le fonctionnement de la concurrence dans le secteur de la banque de détail en Tunisie et identifie les domaines dans lesquels les résultats du marché pour les consommateurs et les entreprises pourraient être améliorés.

Note importante, le rapport a été élaboré par l’OCDE, en étroite collaboration avec la Délégation de l’Union européenne en Tunisie, la Banque centrale de Tunisie, le ministère des Finances, le Conseil de la concurrence et d’autres parties prenantes tunisiennes, et propose 4 séries de recommandations dont la mise en œuvre permettrait un meilleur fonctionnement du marché.

  • L’Etat et les grands groupes industriels, mauvais pour la concurrence

L’ODCE commence par constater que « la présence massive des banques publiques dans le secteur financier comporte des risques pour la concurrence dans les secteurs financier et non financier » et que « les banques publiques sont généralement moins efficaces, qu’elles sont soumises à l’influence politique et qu’elles sont utilisées pour faciliter l’accès au financement des entreprises publiques ». Ceci, en mettant en exergue le niveau d’exposition des banques au secteur public en crédits conventionnels préférentiels et en BTA, explose désormais et attire gravement l’attention des agences de notation.

Le rapport attire aussi l’attention sur « l’influence des grands groupes industriels sur le secteur financier[qui] a un impact négatif sur la concurrence dans les marchés financiers et non financiers » et rapporte même l’inquiétude des parties prenantes interrogées par l’OCDE à l’égard de la structure de gouvernance des grandes banques contrôlées par des investisseurs privés tunisiens.

Elles ont ainsi décrit des mécanismes informels de prise de décision dans les banques susceptibles de réduire l’importance du conseil d’administration et d’accroître la capacité des groupes industriels à influencer la prise de décision et le fait que malgré l’existence de critères d’indépendance prévus par la BCT, « le processus de sélection d’administrateurs indépendants manque d’efficacité et qu’ainsi les banques peuvent ne pas disposer d’administrateurs réellement indépendants », et que « la mauvaise structure de gouvernance accroît l’influence des grands groupes industriels sur les banques et compromet la capacité des petites entreprises dépourvues de telles relations à accéder au financement bancaire ».

  • La garantie, officiellement dénoncée et fortement pratique, au risque d’aller en prison

Questionnés par le biais d’Emrhod, les clients des banques tunisiennes ont focalisé sur le fait que « dans la pratique, les banques tunisiennes exigent une garantie pour la plupart des prêts. D’après l’enquête menée auprès des MPME, 82 % des entreprises ayant obtenu un crédit ont été tenues de fournir une garantie. Cette proportion cadre avec les résultats des enquêtes auprès des entreprises de la Banque mondiale, qui laissent apparaître qu’en 2020, les banques tunisiennes ont demandé une garantie pour 83 % des prêts accordés. Cette proportion est similaire à celle relevée en Égypte et au Liban, et est largement supérieure à celle du Maroc et de tous les autres pays de l’OCDE représentés dans la base de données ». Une pratique, officiellement dénoncée par le chef de tout l’Etat, mais dont la non-pratique a mené des DG de banques publiques en prison.

Les personnes interrogées ont indiqué que les créanciers éprouvent des difficultés à exercer leurs droits relatifs aux garanties en temps voulu et à prendre possession de la caution après un défaut de paiement. Cela semble s’expliquer principalement par la longueur des procédures judiciaires et, dans le cas de biens mobiliers, par l’absence d’un registre des sûretés.

Selon l’OCDE, « les dispositifs prévus pour fournir des garanties aux MPME, tels que la Sotugar, ne semblent pas efficaces », et « l’existence d’une garantie fournie par la Sotugar n’a pas beaucoup d’incidences sur les conditions du prêt (le coût, par exemple) et que les banques demandent généralement aux emprunteurs d’apporter une garantie en complément ».

Mais aussi, « les taux d’intérêt élevés et les garanties exigées sont régulièrement mis en exergue comme étant les principaux obstacles à l’accès au financement en Tunisie, et que « la Tunisie est ainsi le pays où les banques exigent les garanties les plus élevées ». Et d’expliquer que le fait que « les banques tunisiennes exigent des ratios garantie/prêt élevés peut s’expliquer par le plafonnement des taux d’intérêt débiteurs, et pour se prémunir contre le risque de voir les clients se retrouver dans l’incapacité de rembourser leurs prêts ». Cela, sans oublier de mettre en cause « la capacité limitée des banques tunisiennes à évaluer les risques en raison, par exemple, du manque d’informations permettant d’évaluer la solvabilité des clients existants et potentiels, et la perspective de ne pas pouvoir exercer les droits relatifs aux garanties [qui]augmente le risque de crédit et peut inciter les banques à demander des garanties plus élevées à tous les emprunteurs ».

  • Les abus du droit à la concurrence

Le rapport souligne par ailleurs le déficit de concurrence et d’entraves limitant la capacité des prestataires à se livre concurrence, et celle des particuliers et petites entreprises à faire jouer la concurrence du côté de la demande pour exercer une pression sur les banques. Selon le rapport, certaines dispositions réglementaires ou législatives limitent l’intérêt que les banques pourraient avoir à se faire concurrence », et cite même des cas concrets.

« L’OCDE a connaissance de deux cas dans lesquels les interactions entre les banques facilitées par l’association bancaire ont donné lieu à un comportement coordonné présumé ou effectif.

« En 2004, le Conseil de la concurrence a condamné 19 banques à une amende en raison d’un accord anticoncurrentiel portant sur les frais facturés au titre de la compensation électronique des chèques. Le Conseil de la concurrence a également condamné l’association bancaire à une amende pour avoir facilité et contrôlé l’accord, comme mentionné dans la décision no 3150 du 25 juin 2004 ».

Et encore, « en juin 2021, le Conseil de la concurrence a lancé une enquête sur une entente anticoncurrentielle potentielle entre les banques visant les modalités de restructuration des remboursements de prêts pendant la pandémie de COVID-19. Le Conseil de la concurrence analyse le rôle de l’association bancaire. En juin 2023, le Conseil de la concurrence ne s’était pas encore prononcé à ce sujet. En 2020, plusieurs banques ont déposé plainte auprès de la BCT visant une tentative d’accord sur le plafonnement des taux de rémunération des dépôts. Les parties prenantes interrogées dans le cadre du projet ont indiqué à l’OCDE que le CBF a joué un rôle de premier plan dans la négociation de ce présumé accord ». Ces plaintes, selon l’OCDE, « n’ont pas donné lieu à une enquête officielle ».

  • Les pratiques anti-concurrentielles du CBF

L’OCDE formule les recommandations énoncées, qui ressemblent à s’y méprendre à des pratiques anticoncurrentielles, telles que la suppression de l’obligation faite aux banques de se concerter avec le CBF lorsqu’elles veulent introduire une nouvelle commission et ii) l’obligation faite au CBF d’agir comme un intermédiaire entre ses membres du CBF et la BCT concernant l’introduction de nouvelles commissions. « Ces pratiques  qui devraient être prohibées parce qu’elles offrent une possibilité de surveillance des banques rivales et de coordination de la stratégie tarifaire, et parce qu’elles risquent de transformer le CBF en une instance qui facilite la coordination entre établissements bancaires », selon l’OCDE. Et cet organisme occidental d’estimer que « le CBF ne devrait pas faciliter l’échange d’informations commercialement sensibles, par exemple, les discussions concernant les stratégies tarifaires ou les nouveaux services en projet » et « d’éliminer les dispositions des codes de déontologie qui restreignent la possibilité de recruter des personnes employées par des banques rivales ».

Et aussi « de supprimer les obligations d’informer l’établissement d’origine, immédiatement après tout recrutement, de se coordonner entre banques avant le départ du collaborateur pour le nouvel établissement bancaire employeur, de s’abstenir, pendant deux années, d’affecter un cadre ou responsable d’exploitation à la zone où il exerçait auparavant son activité et de ne pas porter atteinte aux intérêts de l’établissement d’origine en essayant d’attirer ses clients ». Et on ne doute pas que le CBF ne tardera pas à réagir en niant tout en bloc ces pratiques anti-concurrentielles, dénoncées dans ce rapport.

  • Les 3 recommandations de l’OCDE pour le bien des banques tunisiennes !

Autrement, voici ce que recommande l’OCDE. « L’OCDE recommande (Ndlr : Notamment) des mesures visant à renforcer la motivation des banques à se livrer concurrence. Il s’agirait de réformer le CBF, de renforcer le rôle du Conseil de la concurrence, de consolider l’indépendance des administrateurs et de revoir le rôle de l’État dans le secteur.

Elle recommande aux autorités tunisiennes des mesures qui donneraient aux clients les moyens d’accéder à l’information, de l’évaluer et d’agir en conséquence et permettraient de réformer le mécanisme de médiation pour que les particuliers et les entreprises disposent d’une voie de recours effective. Et aussi d’intensifier la concurrence sur le marché des financements destinés aux TPME, que les TPME aient davantage la possibilité de prendre des décisions éclairées au sujet des prêts. Mais également d’accroître la capacité des banques à évaluer le risque et à lui donner un juste prix et réduire ainsi l’aversion au risque.

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1 COMMENTAIRE

  1. Pays où les banques imposent leurs dictatures sur l’économie nationale avec des mécanismes archaïques et usuriers. Ils accaparent des terres de l’immobilier et font gonfler les prix et exigent des taux et garantis insupportables pour le consommateur, les promoteurs, et aucune chance pour les start-up. La BANQUE centrale veille au grain pour cette entente mafieuse du marché du crédit et l’étouffement des investissements par des porteurs d’affaires. Rien ne changera tant qu’une refonte profonde sur le système bancaire et des finances publiques ne soient opéré. La volonté n’y est pas puisque fondamentalement toute l’administration devra être purgé dans ça pratique courante du service publique. Service publique contraignant et oppresseur pour le citoyen.

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