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Le cadeau du ciel, donné par Ennahdha à BCE qui remonte dans l’opinion publique

Le 26 novembre 2018 à 14 heures, le chef de l’Etat tunisien recevait trois membre du comité de défense des martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi. A leur sortie d’audience, ils feront déclaration de l’objet de cette entrevue.

On ne sait pas si c’est dans un souci de transparence ou par calcul politique, mais les vidéos de ces déclarations ont été partagées en public sur la page officielle de la présidence de la République. L’effet en fut une véritable bombe qui pulvérisera par la suite ce qui restait des relations de Béji Caïed Essebssi avec Ennahdha.

La vidéo relatait, presque dans le détail, des faits relatifs à l’affaire dite de la «Chambre Noire» d’où auraient été subtilisés des documents qui seraient en lien direct avec l’assassinat de Belaid et de Brahim et qui impliqueraient le parti islamiste tunisien Ennahdha. Comble des révélations, l’un des avocats reçus par BCE révèlera l’existence d’un projet d’assassinat, qui devait viser en 2013 le chef de l’Etat tunisien et son homologue français.

Le président de la République prendra ensuite connaissance des documents qui lui ont été remis et il aurait été tellement effaré par les preuves apportées par les avocats qu’il décidait de rendre l’affaire publique et de la soumettre au Conseil Supérieur de la Sécurité Nationale (CSSN).

  • Récit d’un magistral coup de gueule présidentiel

Et c’est devant ce Conseil que BCE décide de s’exprimer en soulignant que «j’ai dernièrement reçu, comme je le fais pour tout le monde, des membres du comité de défense [Ndlr : des défunts Chokri Belaid et Mohamed Brahmi], dit-il d’abord, avant de s’expliquer, sans le dire, sur la question de la vidéo. «Je les ai entendus, mais je n’ai aucune maîtrise sur ce qu’ils disent (…). Mais cette question a suscité quelques susceptibilités chez quelques parties. Il s’agit, pour ne pas le dire, d’Ennahdha ». Le ton du chef de l’Etat tunisien monte ensuite, pour lâcher un «je voudrais lui dire que je ne suis pas au service d’Ennahdha et de personne d’ailleurs. Mais au seul service de mon pays. Je n’ai de problème avec aucune des parties et surtout pas avec Ennahdha que je défendais dans le passé. Actuellement, c’est un parti qui existe sur la scène politique tunisienne et nous devons faire avec». Une pique au parti islamiste tunisien qui l’éloigne encore un peu plus d’Ennahdha et consomme un peu plus son divorce avec le fondateur de Nidaa Tounes.

Et BCE de donner un premier avis sur le contenu des documents à lui remis, en avouant que «ce qu’ils m’ont dit est logique. Ils m’ont remis quasiment un bloc de documents, contenant les documents prouvant ce qu’ils disent » avant de s’offusquer lui-même devant des membres du CSSN, plongés dans un silence consterné et assombri : «Devais-je fermer les yeux ? Etait-ce possible de leur demander de reprendre ces documents ? ».

Evitant jusque-là de citer nommément Ennahdha, le président du CSSN explique que les documents dont il a pris connaissance et qu’il montre au reste des présents qu’ils sont «relatifs à l’affaire de l’appareil secret, récemment dévoilée. Elle n’est d’ailleurs plus secrète, puisque tout le pays en parle », précisant que «cette entrevue n’a pas plu au parti Ennahdha, et ils ont publié un communiqué le soir même où ils s’offusquaient du fait que je les[les avocats] reçoive et ont dit la même chose à l’ARP ».

Ledit communiqué parle d’accusations erronées et mensongères portées par des parties politiques qui voudraient lui faire du tort. Il est vrai que le différend Gauche-Droite religieuse n’est pas nouveau et date du temps où le parti de Hamma Hammami s’appelait «POCT» ou Parti Ouvrier communiste de Tunisie, et Ennahdha s’appelait encore MTI (Mouvement de la Tendance Islamique). Le même communiqué prétend que l’audience de BCE était contraire au principe de l’indépendance du service public et aux prérogatives constitutionnelles de BCE, l’appelant à tirer les leçons de la fin de la crise politique. Une manière de dire que ce dernier dépassait ses pouvoirs et tentait d’influencer le cours des choses. En réponse, BCE pique, de nouveau, devant une assistance médusée : «Croiraient-ils que je suis à leur service ? Et s’ils croient que leur communiqué m’empêcherait de dormir, ils se trompent. Moi j’ai la conscience tranquille. Je veux que la Tunisien aille bien » et d’ajouter même que «en réalité, ce communiqué d’Ennahdha est une menace pour moi. Devrais-je permettre cela ? »

Il cite ensuite un extrait d’un vers du poème d’un poète d’avant l’islam qui s’adressait à un pigeon qu’il n’avait pu attraper, bien qu’ayant essayé de l’appâter par les grains disséminés par terre. «Profite qu’il n’y ait personne, fais tranquillement ton nid et couve tes petits. Viendra le jour où tu seras pris». Mais ça ne marchera pas avec nous et la justice dira son dernier mot dans cette histoire». Il faisait certainement allusion aux menaces contenues dans les documents des avocats et qu’il aurait prises très au sérieux. Menaces, aussi, qu’il pouvait avoir comprises de la phrase du communiqué où Ennahdha l’appelait à «tirer les leçons de la fin de la crise politique » et lorsqu’elle l’accuse de «fins politiciennes ».

Les dés sont en tout cas désormais jetés et tout le dossier d’Ennahdha passe de manière officielle entre les mains de la justice, chose qu’avait pendant des semaines essayé d’éviter Ennahdha en minimisant les accusations des avocats des deux martyrs, et en alternant démentis et menaces à peine voilées.

  • A qui profite le crime ?

Il est un fait que ce communiqué d’Ennahdha était un véritable cadeau du ciel, remis entre les mains d’un chef d’Etat en mal de reconnaissance indoor après l’issue du bras de fer avec le chef du gouvernement. Un cadeau qui lui permettait de rendre l’affaire de la Chambre noire et du l’organisation secrète d’Ennahdha, officiellement publique. Mais aussi il s’agit d’une sorte de réponse, plus cinglante, à un parti qui l’avait lâché dans ce bras de fer. En la soumettant au CSSN, il en faisait même une affaire d’Etat et il la montrait comme telle à des parties étrangères, notamment les Français dont le nom de l’ancien président avait été évoqué par l’un des avocats dans la vidéo explosive du 24 novembre 2018, qui commençaient à faire pression et commençaient à être agacées par toutes ces fuites sur un parti politique qu’elles avaient un temps soutenu.

Le crime, si la justice le confirme, redorera le blason d’un parti qui doit sa réussite aux législatives et aux présidentielles de 2014, à l’image d’un parti anti-Ennahdha et qui défendrait un projet sociétal contraire à celui d’un parti islamiste qui n’arrivait pas, en ces temps, à se débarrasser de sa connotation «frères musulmans». Une image qui fait toujours peur aux Tunisiens. Et c’est donc BCE, prochain candidat ou non, et son parti qui tireront pleinement profit de l’ouverture de ce dossier explosif du réseau secret et des documents qui l’impliqueraient dans plus d’un assassinat politique en Tunisie. De l’avis d’un très grand nombre d’observateurs en Tunisie, BCE aura fait un coup de maître et remis, jusque-là indirectement, son parti en selle pour des élections qui ne sont plus loin.

Ennahdha pourrait essayer de lui rendre la pareille, soit à travers le projet de loi de finances, soit à travers le projet de loi sur l’égalité homme-femme dans l’héritage. Elle ne ferait qu’aggraver son cas.

Pour l’instant, Ennahdha s’excuse et fait dire à son porte-parole que son communiqué ne contenait aucune menace. Le même jour, c’est Abdelhamid Jlassi, du conseil de la Choura, qui voilait à peine ses menaces, en déclarant sur une radio privée que «nous donnons l’impression peut-être que nous sommes sages, mais nous sommes en réalité le diable. Et nous voulons avertir nos partenaires que nous savons exactement où le diable cache ses enfants». Comprendra qui voudra !

 

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