AccueilLa UNELe casse de la décennie ?

Le casse de la décennie ?

Le 25 janvier 2024 sera certainement une date charnière dans l’économie tunisienne. Ce jour-là, le Conseil des ministres présidé par l’ancien juriste de la Banque centrale de la Tunisie, devenu 1er des ministres du gouvernement de Kais Saïed, adoptait un projet de loi qui autorisera la BCT à accorder des facilités financières au Trésor public. En bref, le gouvernement autorise obligatoirement l’institut d’émission à financer le budget de l’Etat. Les caisses du Trésor incapables d’y faire face, le gouvernement décide d’aller puiser directement dans le coffre-fort de la BCT !

  • Une décision attendue, dans une année électorale

La décision d’Ahmed Hachani, intervient alors qu’expirait le mandat de son ancien patron Marouane El Abassi que le chef de l’Etat avait déjà tancé à propos de ladite indépendance de la BCT que le Gouverneur avait toujours défendue et averti contre ses dangers dans presque tous les communiqués du CA de la BCT.

Elle intervient aussi quelques jours après le retour, manifestement les mains vides, de Hachani de Davos où il avait rencontré la DG du FMI. Cette dernière était restée insensible aux déclarations répétées du gouvernement tunisien sur sa capacité à rembourser tous ses crédits, et semblait avoir entériné, de son côté, la brouille avec l’Etat de Kais Saïed. Le 24 janvier chez l’Ordre des experts comptables, la ministre des Finances (ar) a fini aussi par déclarer que le budget devra être financé par des moyens propres. Une déclaration de la ministre Sihem Nemsia, intervenue une journée avant la décision « historique » de financer son budget par la BCT. « C’était prévisible dans une année électorale, car il faut bien financer le fonctionnement de l’Etat, et le contexte institutionnel et politique s’y prête », commente l’économiste Karim Ben Kahla pour Africanmanager.

  • Une décision, encore floue, et non expliquée, à personne par personne !

On ne connaît pas encore les détails de cette décision de faire financer le budget par la BCT, dans quelles conditions le financement sera-t-il fait, dans quelles proportions pourront être faites les avances, à quel taux la BCT fera crédit au Trésor public, et comment va faire ce dernier pour rembourser cette dette et ne pas mettre en danger les finances de la BCT et la liquidité dans le pays.

Ceci, étant précisé que cette décision n’est pas une première. La BCT ayant déjà plusieurs fois fait avance sur les dividendes de l’Etat pour le Trésor. Elle avait aussi octroyé, une fois du temps de Youssef Chahed, une grosse avance au Trésor d’un montant de 2,810 Milliards DT, en une seule tranche et en franchise d’intérêt, et qui devait être remboursée en 2025. Et on ne sait pas si cet argent a été remboursé à la BCT. Une fois le projet de loi adopté par l’ARP, ce sera désormais de manière officielle, et certainement dans les mêmes conditions que celui de 2020 que la BCT financera le budget.

On notera aussi que par cette procédure de loi autorisant la BCT à accorder des avances au Trésor, le gouvernement de Kais Saïed a officiellement évité de toucher à l’indépendance de la BCT et de revoir ses statuts. Il ne faisait au contraire qu’officialiser une pratique déjà courante, et qui n’a jamais fait officiellement fait tiquer le FMI et les bailleurs de fonds étrangers de la Tunisie.

Il est de notoriété publique que les besoins du gouvernement tunisien, en prêts extérieurs, devraient augmenter dans le budget 2024 pour atteindre environ 5 milliards USD, dont 3,2 milliards USD dont la provenance est encore inconnue.

Ce qu’on pourrait comprendre, comme l’avaient demandé certains députés qui soutenaient le recours direct de l’Etat au financement direct de la BCT, c’est que l’Etat tunisien n’aurait plus recours au crédit (en devises et en DT) auprès des banques locales, déjà un peu trop exposées au risque souverain, pour financer ses achats en biens de consommation, payer les salaires et les retraites, et financer le remboursement de ses dettes pour 2024. Ceci, étant constaté la quasi-impossibilité de s’adresser aux marchés financiers internationaux, et alors que les crédits bilatéraux sont généralement verrouillés à des projets bien définis, comme pour le cas de la BIRD.

  • Une décision réfléchie et aux conséquences bien calculées, ou forcée ?

Ce qu’on ne sait pas, et que personne au gouvernement ne veut dire, et encore moins expliquer à la population, c’est si le gouvernement a bien pesé les conséquences de ce recours direct à la « planche à billets » de la BCT, et son impact sur l’économie du pays et les évolutions possibles sur les différents ratios, économiques et financiers nationaux, et à quoi ces avances de trésorerie vont servir, à l’investissement, et lequel, ou à autre chose.

L’économiste Karim Ben Kahla attire en effet l’attention sur les risques d’inflation et l’effet d’éviction qui risque aussi de rendre l’argent plus cher. « Ce sera la planche à billets, et de la création de monnaie sans création de richesse, l’effet d’éviction pour l’investissement privé, en plus de la stagflation et le déficit de confiance des investisseurs privés, déjà terrorisés », dit l’économiste. Et ce dernier de regretter que « tout cela ne devrait pas se faire en catimini et devrait faire l’objet, au préalable, d’un débat public, car c’est le citoyen tunisien qui paierait les pots cassés ». Une situation, qui risque aussi d’aggraver le chômage, et d’impacter le change du Dinar tunisien.

Espérons que Sihem Nemsia et Ahmed Hachani ont bien pensé à tout cela et bien préparé les parades et les remèdes, pour ne pas que tout cela ne se transforme en simple casse dans les coffres-forts de la BCT d’une fortune, dilapidée sans création de richesses pour le pays !  

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