La photo avait enflammé les réseaux sociaux tunisiens, qui croyaient qu’il s’agissait d’une enseigne turque. Déjà échaudés, politiquement et commercialement, notamment par le fort déséquilibre commercial entre Tunis et Ankara, ainsi que par l’invasion de certains produits turcs et l’impact sur certains secteurs tunisiens, comme le textile, les Tunisiens fulminaient contre la BCT (Banque Centrale de Tunisie), croyant faussement qu’elle a accordé des autorisations de bureaux de change à des personnes de nationalité turque. Or, «Dövis» serait une marque commerciale, installée par un Tunisien de la région de Sousse et qui a reçu, en tant que tel, l’autorisation d’ouverture d’un bureau de change privé.
L’idée de privatiser le change est d’abord née de la nécessité, pour les autorités tunisiennes, de lutter contre le blanchiment d’argent, et donc contre le terrorisme. C’est ainsi que depuis le 30 juillet 2018, la BCT avait publié une circulaire autorisant l’ouverture de bureaux de change de devises, par des personnes privées, en plus des institutions financières, banques et Poste.
Selon cette circulaire, «toute personne physique résidente de nationalité tunisienne qui compte exercer l’activité de change manuel par l’ouverture d’un bureau de change doit obtenir au préalable, l’autorisation de la Banque Centrale de Tunisie, sur présentation au siège de celle-ci, contre décharge, d’une demande écrite établie conformément au modèle objet de l’annexe n°1 à la présente circulaire, accompagnée des pièces suivantes :
– Une copie de la carte nationale d’identité.
– Une copie certifiée conforme à l’original d’un certificat de formation en matière de change manuel délivré à l’intéressé par l’Académie des Banques et Finances relevant de l’Association Professionnelle Tunisienne des Banques et des Etablissements Financiers.
– L’original d’une garantie bancaire à première demande émise selon modèle prévu à l’annexe n°2 à la présente circulaire au profit de la Banque Centrale de Tunisie pour un montant de cinquante mille dinars (50.000D).
– Un bulletin n°3 datant de moins de trois mois à la date du dépôt de la demande d’autorisation.
– Une attestation de non faillite datant de moins de trois mois à la date du dépôt de la demande d’autorisation.
– Un contrat de location ou un titre de propriété du local destiné à l’exercice de l’activité de change manuel».
La Banque Centrale de Tunisie affirme par ailleurs, dans la même circulaire, que «l’autorisation d’exercice de l’activité de change manuel par l’ouverture d’un bureau de change est personnelle et incessible. Une même personne physique ne peut bénéficier de plus d’une autorisation. Celle-ci habilite son titulaire à exercer l’activité de change manuel exclusivement dans le bureau de change qui y est indiqué. Elle ne permet, en aucun cas, l’exercice de ladite activité par plus d’un bureau de change. Le transfert de l’activité d’un local à un autre est toutefois possible sous réserve d’obtenir, au préalable, l’autorisation de la Banque Centrale de Tunisie».
Jusqu’à présent, la BCT a délivré sept autorisations. Toutes à des personnes physiques de nationalité tunisienne et sous diverses appellations commerciales. Trois de ces bureaux sont déjà entrés en exploitation (En blanc dans le tableau) et quatre pas encore (En gris sur le même tableau). En voici la liste, nominative et par adresse :
bureaux de change, autorisations, permis, licences, BCT, Banque Centrale de Tunisie, opérations de change, devises, circulaire
La BCT spécifie aussi, dans sa circulaire, que «l’autorisation accordée conformément à la présente circulaire habilite son titulaire à exercer par le bureau de change, exclusivement l’achat et la vente de devises convertibles contre des dinars au titre de l’achat manuel de devises convertibles contre des dinars, la conversion de devises en dinar par les voyageurs, prévue par la circulaire aux intermédiaires agréés, la rétrocession par les voyageurs résidents au titre des allocations touristiques non utilisées, prévue par la circulaire aux intermédiaires agréés, la rétrocession par les voyageurs résidents au titre de frais de missions et de stages, prévue par la circulaire aux intermédiaires agréés, la vente manuelle de devises convertibles contre des dinars, la reconversion, au profit des voyageurs non-résidents, du reliquat des dinars qu’ils détiennent suite à une cession de devises, prévue par la circulaire aux intermédiaires». Mais aussi la «vente de devises contre des dinars au titre des allocations touristiques. La vente de devises contre des dinars, au titre des frais de missions et de stages à l’étranger, au profit du personnel de l’Etat, des collectivités locales, des établissements publics à caractère administratif, des établissements et entreprises publiques, et la vente de devises contre des dinars, au titre des transferts en espèces autorisés à titre particulier par la Banque Centrale de Tunisie».
Autre précision et non des moindres, l’obligation faite au bureau de change de se faire remettre un original signé de l’autorisation de transfert en espèces, « et toute opération d’achat de devises doit donner lieu à l’établissement d’un bordereau de change, et toute opération de vente de devises doit donner lieu à l’établissement d’une autorisation d’exportation de devises ». Mieux encore : «la personne physique autorisée à exercer l’activité de change manuel par l’ouverture d’un bureau de change ne peut garder dans les caisses du bureau de change une encaisse en billets de banque étrangers que dans la limite du besoin de son activité. Cette encaisse ne peut dans tous les cas dépasser la contre-valeur de deux cents mille dinars (200.000 dinars) toutes devises confondues. Tout montant venant en dépassement du plafond indiqué au paragraphe premier du présent article doit être versé, au plus tard le premier jour ouvré dans les banques qui suit la date de son enregistrement, dans le « compte bureau de change». C’est dire que l’opération est fortement surveillée de bout en bout.