AccueilLa UNETrois questions existentielles aux JE de Sousse. Qui pliera le 1er ?...

Trois questions existentielles aux JE de Sousse. Qui pliera le 1er ? Taboubi ou les hommes d’affaires comme toujours ?

Elles sont toujours organisées par l’IACE (Institut Arabe des Chefs d’Entreprise) que préside désormais Taïeb Bayahi. Notons cependant que les journées de l’entreprises (JE) de Sousse sont enfin revenues à l’hôtel qui avait vu leur naissance, et ce n‘est pas une mauvaise chose, après la mauvaise expérience de l’année 2017.

Notons aussi que ce nouveau rendez-vous annuel de la classe économique tunisienne se penchera sur un sujet d’une actualité brûlante, celui des réformes de rupture. Rupture avec l’inertie en matière de réformes, tant celles requises par les bailleurs de fonds que par les graves problèmes, économiques et financiers, qui s’accumulent depuis 2011 et qui empêchent toujours l’économie tunisienne de rebondir alors que sa capacité de résilience est chaque année mise à l’épreuve.

La note conceptuelle des JE rappelle d’abord l’état des lieux de la Tunisie post-révolution dont les équilibres macro-économiques se détériorent de manière régulière.

– Croissance en berne, passée de plus de 5% à moins de 2.5% annuels

– Explosion du budget de l’Etat, passé de 16 milliards de TND en 2010 à plus de 32 en 2018, essentiellement dans sa composante rémunération des fonctionnaires, qui représente aujourd’hui près de 15% du PIB et plus de 40% du budget

– Le déficit de la balance commerciale s’est détérioré de 63,03% en 2018. Il s’est établi à 1781.6 MD en Juillet contre 1092.8 MD une année auparavant.

– Productivité en baisse de 2.7%

– Réserves en devise en-dessous de 90 jours d’importation et flirtant maintenant avec les 70 et moins

– Recours à l’emprunt extérieur pour couvrir les besoins de fonctionnement et le remboursement des échéances antérieures, conduisant à un taux d’endettement qui est passé de 40% du PIB en 2010 à 70% en 2018.

– Pression fiscale de plus en plus lourde pour le secteur organisé pour combler les déficits

– Le rang du pays dans le classement du «Doing Business» est ainsi passé de 77 en 2017 à 88 en 2018 et dans celui du forum économique mondial de 92 à 95. Des réformes structurelles significatives sont demandées par les bailleurs de fonds pour continuer de soutenir la Tunisie, considérée désormais comme un pays fragile dépendant de plus de ces bailleurs pour maintenir ses équilibres macro-économiques.

Pour répondre à ces demandes, certaines réformes ont été menées, avec des résultats mitigés. On a vu ainsi la mise en place d’un nouveau code de l’investissement, un début de rapprochement des statuts on-shore/off-shore, une nouvelle loi bancaire, une loi pour les PPP et d’autres mesures entreprises.

Certaines autres réformes sont actuellement débattues, même si elles n’ont pas encore beaucoup avancé. On parle ainsi de la réforme de la fonction publique, des caisses sociales, de la caisse de compensation et des entreprises publiques.

En revanche, d’autres réformes, pourtant nécessaires, sont aujourd’hui occultées, sous prétexte du risque qu’elles pourraient représenter au niveau des réserves de change, de l’équilibre social ou du déficit budgétaire. Il s’agit de tout ce qui touche à la réglementation de change, au marché du travail et à la pression fiscale.

L’entreprise, qu’elle soit privée ou publique, est ainsi appelée aujourd’hui à mieux performer dans un environnement où il est de plus en plus difficile de se mouvoir. Sous prétexte de préserver les réserves de change, on complique toutes les opérations en capital et même les opérations commerciales avec l’étranger. Sous prétexte de préserver la paix sociale, on accepte de sacrifier productivité et valeur travail. Sous prétexte de combler le déficit public, on accable l’entreprise d’impôts nouveaux et d’avances diverses et on tarde à rembourser les trop-perçus, sans réduire le train de vie de l’Etat.

Est-ce que la rigidité dans l’application des réglementations actuelles, le refus d’entamer des réformes sensibles permettra de maintenir la stabilité recherchée pour amorcer une relance de l’économie qui permettra d’envisager ces réformes ultérieurement ? Ou bien est-ce que cette rigidité, par le carcan qu’elle impose en particulier au secteur privé, seul à même de générer la croissance tant espérée pour faire sortir le pays de cette zone dangereuse, affaiblira le secteur privé formel au point de «tuer la poule aux œufs d’or» ?

Existe-t-il des solutions de rupture, où ces reformes seront menées, sans nuire aux équilibres fragiles actuels, mais en permettant à l’Entreprise de trouver l’oxygène permettant la relance ? La marge de manœuvre pour entamer ces reformes a toujours été réduite, mais elle s’est de plus en plus amenuisée au fil du temps. Par peur de rompre des équilibres macro-économiques et sociaux fragiles, nous avons reporté à demain… et le risque d’une rupture brutale devient de plus en plus grand aujourd’hui. Alors, faut-il continuer à maintenir une certaine rigidité pour passer le cap, en attendant que les choses s’améliorent ? Faut-il procéder par petites touches en espérant que l’on enclenchera une spirale vertueuse ? Ou bien faut-il aller vers des solutions de rupture qui donneront une véritable impulsion nouvelle, au risque d’avoir un dérapage majeur si les choses se passent mal ?

Une bien triste liste de mauvaises performances, où l’instabilité politique des quatre dernières années, supporte le plus gros de la responsabilité. Pour en débattre, la 33ème session des journées de l’entreprise qui se tiendra les 7 et 8 décembre 2018 sera organisée sous le thème :

  • Comment requinquer le Dinar ?

La première séance portera sur la «réglementation de change & politique monétaire». Le dinar tunisien s’est détérioré significativement lors des dernières années, nos réserves de change sont à leurs plus faibles niveaux, les entreprises tunisiennes trouvent de plus en plus de difficultés dans leurs opérations à l’international, la menace d’une inflation grandissante a conduit la BCT à augmenter ses taux, ce qui ne manquera pas d’affecter l’investissement et la profitabilité des entreprises. L’internationalisation de nos entreprises, la convertibilité courante effective, la facilitation du financement des entreprises sont délaissés au profit d’une rigidité accrue dans l’application de la réglementation en vigueur et ce dans un souci de soutenir les réserves de changes et contenir le déficit de la balance des paiements.

N’avons-nous pas d’autres leviers à actionner, tels une amnistie de change, un ancrage du dinar ou une libéralisation des opérations de capital pour améliorer les choses tout en libérant un peu plus les énergies de nos entreprises ? Est-ce qu’une politique de taux d’intérêts différenciés n’est pas à même de protéger l’investissement ? Quid du marché parallèle alors que l’on assiste à un durcissement et un ralentissement des opérations courantes pour les entreprises structurées pour cause de conformité bancaire dans la lutte contre le blanchiment et le terrorisme ! faut-il légiférer sur les termes de paiement des transactions commerciales, avec un impact majeur sur le BFR et le financement court terme des entreprises, et sur le risque de défaillance de certains acteurs à l’échelle macro-économique, comme cela a été fait dans certains pays européens ? Comment passer d’une culture de contrôle a priori à celle d’un contrôle a posteriori, qui rétablirait un peu plus l’équilibre en faveur de l’économie structurée, actuellement pénalisée au profit du marché parallèle qui échappe aux contrôles ?

  • Comment faire que la fiscalité ne tue pas l’entreprise et l’emploi ?

La deuxième séance, sous le thème « la réforme fiscale : ressources et pression » sera l’occasion de synthétiser des propositions de solutions concertées dans une vision globale qui peut faire l’objet d’un pacte national de compétitivité à l’instar de plusieurs pays.

En effet, depuis 2011, la pression fiscale a atteint des niveaux historiques en Tunisie et elle est considérée parmi les plus élevées au monde, touchant ainsi la compétitivité des entreprises transparentes, limitant leurs capacités de développement mais aussi permettant la prolifération du marché parallèle, de l’évasion fiscale et d’une économie sous-terraine grandissante.

L’amélioration des recettes fiscales ne passe pas nécessairement par l’augmentation des taxes et l’introduction de nouvelles taxes ! Et la réduction du déficit budgétaire ne passe pas uniquement par une augmentation des recettes. Elle doit aussi imposer une réduction des dépenses. Une simplification des taxes avec un renforcement des contrôles peut améliorer les recettes. Une pénalisation de la fraude à la compensation peut réduire les dépenses. Une libéralisation du marché de la production de l’énergie peut réduire les dépenses en devises pour l’achat d’hydrocarbures et l’effort supplémentaire de compensation pour maintenir des prix d’électricité « abordables ». Une privatisation de nombre d’entreprises publiques défaillantes peut améliorer les recettes à court terme par une cession d’actifs et à moyen-long terme par des recettes fiscales plus importantes quand elles auront renoué avec la profitabilité, et nous avons plus d’un exemple en Tunisie pour le prouver. Au niveau de la fiscalité, la problématique des forfaitaires, reste entière. Certains secteurs, comme le secteur agricole, sont pratiquement en dehors de l’assiette. Au niveau des dépenses, l’existence d’offices nationaux ayant le monopole de l’importation du blé, du sucre, de l’huile, du thé, du café et bien d’autres parait d’un autre âge et constitue clairement un poids supplémentaire sur le budget de l’Etat.

  • Les hommes d’affaire à l’épreuve de l’UGTT de Taboubi

La troisième séance et dernière abordera le thème de « la réforme du code de travail : productivité et flexi-sécurité», un débat pour des propositions de réformes entre les partenaires sociaux capables de ramener à la fois des gains de productivité et le maintien de la stabilité sociale. L’observation de l’expérience des autres pays le montre : le retour de la croissance passe impérativement par des gains de productivité. La Tunisie est parmi les plus mauvais pays en termes de compétitivité de son marché du travail selon le classement du WEF. Réformer le marché de travail ne signifie pas une flexibilité tous azimuts ou une détérioration des droits des travailleurs. Bien au contraire, l’objectif est de relancer l’emploi et l’attractivité du site Tunisie. Des concepts tels que la flexi-sécurité, l’annualisation du temps de travail ou la rémunération indexée sur le résultat ne doivent pas être occultés dans les débats avec les syndicats, débats qui en viennent à se limiter presque aux seules augmentations de salaires, tant on a tracé de lignes rouges autour de thématiques pourtant fondamentales. L’avenir du travail fera aussi l’objet de discussion de ce panel. Un débat sur les aspects de l’avenir du travail dans le cadre de la quatrième révolution industrielle. Dans ce contexte, une analyse plus profonde de la réforme du travail est nécessaire, afin de s’aligner avec les nouveaux concepts du travailleur et du lieu de travail après l’introduction et l’adaptation de nouvelles technologies.

Entre rigidité et rupture, le chemin devient de plus en plus exigu pour notre pays. Il est temps de faire des choix audacieux et judicieux. Le statu quo ne peut être salvateur. Comme l’a dit Ghandi, vous ne connaitrez peut-être jamais les conséquences de vos actes, mais, si vous ne faites rien, il ne se passera rien !

On se rappelle de cette autre cession des JE où, interpellé sur la question de la productivité, l’ancien SG de l’UGTT Houcine Abassi avait piqué une grosse colère et menacé de quitter la salle en répétant que la productivité est liée à l’augmentation des salaires. Ce n’est pas Noureddine Taboubi qui risquera de dire le contraire. Les hommes d’affaires avaient alors plié devant l’UGTT et nombre d’eux s’étaient même presqu’excusés d’avoir soulevé la question devant le SG de l’omnipotente centrale syndicale. Comment se comporteront-ils cette fois devant Taboubi ?

Communiqué

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