Le message adressé au nouveau gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Marouane El Abassi, par le chef du gouvernement, en l’envoyant seul dans la fosse aux lions le 15 février 2018, était on ne peut plus clair : Il va devoir aller au charbon, tout seul, et en assumer toutes les conséquences, seul. Comme l’a dit l’homme politique français Georges Clémenceau (1841-1929) : « Les cimetières sont pleins de gens irremplaçables, qui ont tous été remplacés« . Les cimetières de Chahed ne dérogent pas à la règle. Alors ce n’est pas avec le fraichement désigné que Chahed va faire dans le détail. Et l’intéressé le sait. Alors il fait vite, très vite même, pour tenter de conjurer le sort et attaquer les gros chantiers qui peuplent son bureau.
L’un de ses tout premiers gestes a été de convoquer les patrons des banques pour confectionner avec eux une feuille de route. Il fait ce que fait l’élite du pays depuis 2011 : la direction collégiale, la quête du consensus pour, croit-elle, dégager la route et se donner toutes les garanties de succès, un succès dessiné collectivement. Les déboires actuels de la Tunisie sont toutefois la preuve que cette recette, dont on a fait une panacée, ne fait que diluer la capacité à trancher et avancer, ne fait que fragiliser l’exécutif, lequel doit faire moult contorsions avant de prendre la moindre décision. Des mesures d’ailleurs contestées presque tout de suite après, car par définition réformer c’est aller à contre-courant des intérêts de certaines parties. En Tunisie on s’entête à faire le contraire de ce que le bons sens dicte. Alors nous ne sommes pas sûrs que la direction prise par Abassi, en associant les banquiers dans l’orientation de ses affaires, soit la bonne, et encore moins de sa capacité à réussir là où la coalition à la tête du pays n’a pas enregistré la moindre once de progrès pour la nation. Et puis il y a l’autre gros dossier d’Abassi : le rendez-vous avec le GAFI, dès ce mois d’avril, pour tenter de desserrer l’étau de l’Union européenne autour de la Tunisie. Un train qu’il se doit de prendre en marche, avec très peu de temps pour retomber sur ses pieds. Et là aussi il n’a pas droit à l’erreur…
Abassi a affirmé, mardi 28 février 2018, que les autorités tunisiennes œuvrent assidûment à achever, avant la fin de cette année, l’élaboration du plan d’action avec le Groupe d’action financière (GAFI) ou FATF (Financial Action Task Force).
Abassi, qui préside Commission Tunisienne des Analyses Financières (CTAF), a rappelé, lors d’une conférence internationale sur « La poursuite des crimes de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme« , que la Tunisie est inscrite sur la liste des Etats coopératifs sous contrôle et non pas sur la liste noire du GAFI.
La conférence, qui se tient les 27 et 28 février 2018 à Tunis, est organisée à l’initiative du GAFI en coopération avec les groupes régionaux de type GAFI (Europe, Asie, Amérique, Moyen-Orient e et Afrique.
Le gouverneur de la BCT a rappelé que le groupe d’examen de la coopération internationale relevant du GAFI a loué, au cours de sa réunion tenue la semaine dernière à Paris, les réalisations de la Tunisie dans ce domaine.
Abassi a mis l’accent sur l’importance des défis auxquels font face les banques tunisiennes et les unités de renseignements financiers concernant les dossiers de l’économie numérique, les TIC et les espaces financiers outre les crimes cybernétiques et l’échange de monnaies virtuelles.
La Tunisie, précise encore Abassi, est consciente de ces dangers et œuvre à adhérer à l’effort international visant à éviter leurs impacts.
Rappelons que la décision du Parlement européen d’inclure la Tunisie sur la liste noire des pays les plus exposés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme explique en partie la démission du président du CTAF et ancien gouverneur de la BCT, Chedly Ayari. Abassi a donc bien raison de faire de ce dossier une priorité. Après cela il va falloir attaquer, très vite, le problème du classement de la Tunisie dans l’antichambre de la liste noire des paradis fiscaux – la liste grise. Mais qu’il se rassure : Il ne sera pas seul à bord. Le chef du gouvernement, dans la perspective des élections de 2019, quelle que soit sa décision à ce moment-là, joue très gros également…