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Tunisie : Gorgés de certitudes, ils ont pris en otage la jeune démocratie…

Consternant le psychodrame au Parlement autour de l’élection du président de l’ISIE (Instance supérieure indépendante des élections). Et le mot est faible. Le spectacle que donnent les parlementaires en ce moment, s’étripant autour du choix de l’homme qui va simplement orchestrer l’organisation des élections, ni plus ni moins, est tout simplement affligeant et navrant, notamment en direction d’une jeunesse désabusée, qui a divorcé avec la vie publique et ses plus éminents représentants – la classe politique – et a trouvé refuge dans les cafés, Facebook, les stades et autres passe-temps qui font des ravages sur leur santé. « L’échec du Parlement pour la quatrième fois consécutive à élire un président à la tête de l’Instance supérieure indépendante pour les élections vient démontrer vraisemblablement que ce blocage ne serait pas lié aux personnes, mais plutôt à des calculs principalement partisans« . Le problème c’est que les protagonistes de cette triste affaire – Nidaa Tounes et Ennahdha – sont tellement gorgés de certitudes sur leur bon droit à agir de la sorte qu’ils ont perdu de vue les objectifs du mandat que le peuple leur a confié, et encore plus le dégoût qu’ils inspirent aux citoyens. Une affaire qui pourrait mal tourner, pour eux, d’abord, mais aussi pour le pays…

L’ivresse révolutionnaire a propulsé la Tunisie de la chape de plomb de la dictature vers une démocratie à l’anglaise – le régime parlementaire – dont les citoyens sont loin, très loin, d’avoir les moyens. Un système du reste que très peu de pays à travers le monde ont osé expérimenter, tant il recèle des écueils et exige un très haut niveau de citoyenneté. Mais voilà, la Tunisie, du moins son élite autoproclamée, a cru, après en avoir fini avec l’un des régimes les plus répressifs au monde, qu’elle pouvait tout se permettre, même le nec plus ultra des régimes politiques, confortée en cela par des islamistes craintifs et traumatisés par les brimades de Ben Ali et qui, puisqu’ils en avaient les moyens – la majorité à l’ANC (Assemblée nationale constituante) -, ont embarqué le pays dans une aventure qui ne lui a valu qu’instabilité politique depuis 2011.

On a cru à un moment qu’on allait en sortir, avec les dernières saillies et fulgurances du chef de l’Etat, Béji Caïd Essebsi, qui après avoir tiré copieusement sur son compagnon, Ennahdha, a demandé la tête du régime parlementaire qui a causé tant de dégâts dans le pays. Puis patatras, BCE fait un rétropédalage en déclarant qu’il ne lui revient pas d’impulser un changement politique de cette ampleur, et que c’est le rôle du Parlement. En d’autres mots il a enterré en beauté son projet d’un jour, vu que ses maigres troupes à l’ARP ne sont pas de taille face à l’ogre Ennahdha, avec ses 69 élus. Et on voit mal Rached Ghannouchi et les siens faire cette fleur – voter en faveur d’un régime présidentiel – au locataire du palais de Carthage, ce qui reviendrait à se tirer une balle dans le pied. Qu’est-ce que BCE a entendu, vu ou obtenu en échange pour tourner casaque sur cette question ? Mystère…

Le pouvoir joue avec le feu

L’espèce de collusion au sommet de l’Etat – concupiscence ou dépravation des moeurs politiques disent certains – s’est illustrée dernièrement sur le terrain des législatives partielles en Allemagne. Non content de dégager la voie à Nidaa Tounes en s’absentant de présenter un candidat, Ennahdha est allé carrément jusqu’à adouber, publiquement, le poulain de son allié de circonstance ! On y est : les arrangements, services rendus et autres renvois d’ascenseur, au vu et au su de tout le monde. Dans la tête de ces Messieurs/Dames qui nous gouvernent, tout passe, même ça. Certes, les baromètres, tous sans exception, ressassent le fait que la cote des leaders des partis politiques est au plus bas, que les citoyens sont lassés de leurs errements, turpitudes et sorties de route, mais que voulez-vous, la nature a horreur du vide, et ils sont là, c’est un fait. Pour le moment. Ne dit-on pas qu’au pays des aveugles les borgnes sont rois ?

Si on était dans une démocratie en bonne santé, le président du groupe parlementaire de Nidaa Tounes n’aurait pas l’outrecuidance de jeter à la face d’une journaliste, à la télévision, à une heure de grande écoute, que sans ses potes beaucoup de ses collègues journalistes seraient au chômage. A en croire les sondages, les deux formations phares du pays, quoiqu’affaiblies, très affaiblies même, vont se partager les marrons aux prochaines joutes électorales. Mais comme il y a de fortes, d’après les prédictions des sondeurs, qu’ils se tiennent dans un mouchoir de poche, avec des écarts insignifiants, il est très probable qu’on file droit vers une autre coalition à la tête du pays, avec le type de régime politique que la Tunisie s’est farci. Sauf s’il y a un sursaut des abstentionnistes, ces centaines de milliers de jeunes tapis dans l’ombre, qui rasent les murs et qui attendent je ne sais quoi.

Au Sénégal ce sont les jeunes qui se sont mobilisés pour éjecter les régimes arrogants et imbus d’eux-mêmes d’Abdou Diouf, puis Abdoulaye Wade ; au Bénin ce sont les mêmes causes qui ont produits les mêmes effets ; en Côte d’Ivoire aussi le régime de Laurent Gbagbo a été balayé, pour les mêmes raisons ; Idem au Burkina Faso avec Blaise Compaoré, le bourreau du légendaire Thomas Sankara, etc. Le pouvoir en place en Tunisie aurait tort de sous-estimer la puissance mobilisatrice du ras-le-bol et de l’exaspération de la jeunesse.

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