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Tunisie : Que faut-il attendre d’une Education où les salaires bouffent 97% du budget?!

Le ministre de l’Education nationale, Néji Jalloul, a lâché hier jeudi 08 septembre 2016 devant les médias, presque dans l’indifférence générale, que 97% du budget alloué à son département est affecté au paiement des salaires des agents et cadres du ministère. Bon, la déclaration est sans doute tombée à plat parce que les Tunisiens sont en ce moment préoccupés par d’autres urgences qui se télescopent, et on les comprend : La rentrée scolaire et l’Aïd El Kbir. Certes Jalloul est le ministre le plus aimé des citoyens, d’après les sondages, mais on lui pardonnera difficilement de ne pas s’être suffisamment arrêté sur ce mal tunisien qui veut que le gros de la cagnotte de son ministère disparaisse dans les poches des employés.

Il a bousculé un ministère réputé âpre et a imposé un certain nombre de réformes impensables avant lui, et les citoyens lui en sont gré, même si, de son propre aveu, le compte n’y est pas encore, mais passer ainsi sur cette terrible affaire des rémunérations des employés de l’Education nationale, comme si c’était une broutille, c’est d’une extrême gravité. Certes il pourrait nous répondre, avec l’aplomb, la gouaille et la franchise qu’on lui connait, qu’il n’y est pour rien et que son département file du mauvais coton depuis belle lurette, mais le pays compte justement sur lui pour stopper cette anomalie. Et le dire haut et fort, le marteler aurait été une garantie sur sa détermination à prendre le taureau par les cornes. Raté.

Le budget de l’Education nationale c’est quoi précisément ? C’est un pactole de 4,525 milliards de dinars, le poste de dépense le plus important pour l’Etat, un budget d’ailleurs en hausse de 18% par rapport à 2015, où il s’était établi à 3,820 milliards de dinars. Et c’est tout à normal qu’il en soit ainsi. Quand un pays veut se donner des ambitions, il dépense sans compter dans le secteur de l’Education pour forger une élite qui sous-tend le développement. C’est ce qu’on fait tous les pays avancés, tous sans exception. Mais quand 97% du budget de l’Education sert à payer des salaires, il n’est pas possible de prétendre à ça. 3% pour constituer un parc informatique pour les écoles, pour rénover les établissements, les doter de centres et d’animateurs pour les activités extra-scolaires (musique, peinture, théâtre…), ce que justement veut faire Jalloul, c’est une bricole !

L’Education nationale, n’ayons pas peur des mots, est réduite à la mendicité, alors que le pays a les moyens de faire autrement, il a juste pris de mauvaises habitudes en mettant l’argent là où il ne faut pas. Comment interpréter le don italien de 6 millions de dinars pour lutter contre l’abandon scolaire autrement que la mendicité ? Que penser du fait que le ministre soit obligé de taper à toutes les portes pour trouver les sous afin de rénover les écoles ?

Jalloul a indiqué que 100 000 enfants désertent prématurément l’école chaque année. Ce n’est pas avec 3% qu’il arrivera à juguler ce fléau. Trop maigre pour rendre l’école suffisamment attrayante afin de capter les élèves et les empêcher de dévier. Et le ministre le sait pertinemment…

Et pourtant…

Et pourtant il s’apprête encore à grever davantage son budget en promettant d’embaucher les enseignants vacataires par vagues successives, après une formation. Certes les besoins sont criants dans les écoles, on le reconnait, il faut plus de profs, mais encore aurait-il fallu obtenir une hausse de son budget avant de faire cette annonce. Autrement le squelettique 3%, qui sert à entretenir toutes les écoles du pays, sera ponctionné pour payer les salaires de ces futurs fonctionnaires. A moins que la loi de finances complémentaire, évoquée par le chef du gouvernement, ne vienne soulager le budget de l’Education nationale et éviter qu’on taille dans les dépenses de fonctionnement.

Quoi qu’il en soit, le problème de l’avenir de l’école est posé sur la table. Et il est entier. Jalloul a beau être très talentueux, habile dans sa façon de faire avec les syndicats pour avoir des années scolaires à peu près entières, inspiré dans ses choix, il raccrochera en effleurant à peine le paquet de réformes qu’il faut faire pour freiner et inverser la baisse continuelle du niveau des élèves. Quand il aura achevé sa mission, l’école sera encore là, avec ses tares, ses problèmes, ses ratés. Il faudra une lignée de Jalloul, sur des générations, pour transformer l’Education nationale. A condition que la société toute entière accompagne le mouvement…

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