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Tunisie : Youssef Chahed démarre en fanfare, mais le plus dur sera… de durer

Le moins qu’on puisse dire est que le démarrage en trombe du quadra – 41 ans – à la tête du gouvernement dit d’union nationale, Youssef Chahed, en jette, au point de désarçonner une classe politique et une opinion publique qui s’étaient accoutumées aux départs poussifs, hésitants et assommants de platitude. D’abord il y a le CV du bonhomme, lequel sans être long comme le bras – certains, et ils le font très bien, ont commencé à s’intéresser à la partie vide du verre -, impose quand même le respect, vu le jeune âge de Chahed. Et puis il y a la forme : Il a lui même annoncé sa désignation pour le fauteuil très convoité mais éjectable du palais de la Kasbah – 6 chefs de gouvernement s’y sont assis en 5 ans ! Ce nouveau style détonne et donne des indications sur la volonté de Chahed de bousculer les habitudes pour transporter les masser vers ce mieux être social et économique qui fait faux bond à la Tunisie depuis le départ du dictateur. Ceux à qui le nouveau patron du gouvernement tunisien renvoie l’image des sémillants Premiers ministres italien, Matteo Renzi et canadien, Justin Trudeau, ont encore plus de raisons d’établir des parallèles. Mais la comparaison s’arrête là, pour le moment. Chahed a une mission incroyablement difficile et n’a pour le moment rien démontré qui justifie qu’on aille plus loin dans les similitudes.

Ensuite il y a les annonces, fortes, même si, là encore, on jugera sur pièce. Le nouveau chef du gouvernement se donne 30 jours pour présenter son équipe au Parlement, une équipe qui sera aiguillonnée, pour ne pas dire corsetée, par l’Accord de Carthage.
« Cette période exige surtout des solutions extraordinaires. Nous allons entamer sous peu les pourparlers pour la composition du nouveau gouvernement d’union nationale, avec la participation de toute la classe politique et tous les partis ainsi que les organisations et personnalités nationales », a dit Chahed.

L’affichage est clair : Pas de temps à perdre, il faut aller vite et bien. Il est vrai que le pays en a perdu du temps, mais rien ne nous garantit non plus que le nouveau chef du gouvernement a les épaules pour mettre en mouvement des citoyens qui ont tendance, depuis quelques années, à faire le contraire de ce qu’il faut faire pour sortir le pays de l’ornière. Rien ne nous donne l’assurance qu’il réussira là tous ses prédécesseurs se sont cassés les dents.

Les 10 axes de travail du gouvernement de Youssef Chahed sont également très séduisants, sur le papier du moins :

-Une équipe politisée mais composée de compétences nationales
-Exit les quotas partisans
-Un gouvernement de jeunes car il mise sur « la force de la jeunesse »
-La vérité, rien que la vérité, toute la vérité aux citoyens sur les difficultés que traverse le pays sur les plans économique, financier et social
-Appliquer à la lettre le contenu du document de Carthage avec comme priorités les principaux points
-Terrasser le terrorisme
-Combattre plus efficacement la corruption
-Faire repartir la croissance pour créer un maximum d’emplois
-Maintenir les équilibres financiers
-Assainir l’environnement et rendre les rues plus propres

Le chef du gouvernement a indiqué que le programme sera soumis aux députés de l’ARP et a appelé tous les Tunisiens à accompagner son équipe. Il en aura sacrément besoin pour tenir toutes ces promesses !

Enfin il a déclaré : « Nous entrons aujourd’hui dans une nouvelle phase qui exige de notre part des efforts sans précédent, où audace et altruisme sont les maîtres mots (…). J’invite toute la classe politique, tous les journalistes et la société civile à assumer leurs responsabilités pour surmonter les obstacles de cette période sensible de l’histoire de la Tunisie (…). J’aimerais adresser un message spécial à la jeunesse tunisienne dont une frange importante est en proie à des difficultés : Ne perdez pas espoir, l’avenir sera meilleur malgré les problèmes auxquels nous faisons face, nous avons les moyens de réussir, et nous sommes condamnés au succès, c’est notre seule porte de sortie », a conclu Chahed.

D’autres avant lui avaient fait vibrer les Tunisiens avec des déclarations tout aussi passionnées, inspirées, sensées, on sait le destin qu’ils ont eu…

Les détracteurs aiguisent déjà les couteaux

Que Chahed se le tienne pour dit, il n’aura pas de période de grâce. La partie adverse aura la dent dure avec lui et ne lui pardonnera aucun écart. Certains ont même commencé à savonner soigneusement la planche pour le faire chuter. D’abord l’UGTT. La puissante centrale syndicale, principal agitateur, et pas que d’idées, de l’espace social, a accueilli avec très peu d’enthousiasme l’officialisation du choix du président de la République. Quand on connait la capacité de nuisance de l’UGTT, il y a du souci à se faire. On n’a pas beaucoup entendu l’UTICA non plus. Silence presque aussi inquiétant. Et puis il y a les partis politiques qui ruent dans les brancards.

Abderaouf Chérif, président du bloc parlementaire Al Horra, coopté par le parti de Mohsen Marzouk, Machrou’ Tounes, a déclaré sur Mosaïque FM qu’ « avec la désignation de Youssef Chahed au poste de chef du gouvernement, on ne peut plus parler de gouvernement d’union nationale ». Il a ajouté qu’ « on ne pouvait pas construire un gouvernement d’union nationale avec un quota partisan », et que le nouvel occupant du palais de Carthage file tout droit vers les mêmes ratés que Essid.

Faouzi Charfi, dirigeant au parti Al Massar, a abondé dans le même sens en affirmant, sur la même radio, que la nomination de Youssef Chahed est « le signe que le prochain gouvernement sera composé suivant la logique des quotas partisans, et non un gouvernement d’union nationale ». Et d’ajouter que son parti se retire des tractations autour du prochain gouvernement et de son programme.

Adnen Mansar, leader du parti Alirada, n’y est pas allé avec le dos de la cuillère en déclarant que « la désignation de Youssef Chahed est une deuxième phase de la violation de la Constitution ». Il qualifie le choix de Essebsi de « pièce de théâtre » et que « les négociations auraient du être organisées au théâtre municipal de Carthage » et non au Palais de Carthage. Il en a rajouté une bonne louche en déclarant que « la Tunisie vit aujourd’hui dans un régime en apparence parlementaire », mais que Béji Caid Essebsi et Rached Ghannouchi s’activent pour que la présidence de la République domine les autres institutions.

Quant à Hechmi Hamdi, le chef de file du Courant de l’Amour, il a sonné le rassemblement pour « un jour de colère » ce samedi 06 août pour manifester haut et fort l’opposition à la désignation de Youssef Chahed au poste de chef du gouvernement.

Certes du côté Nidaa Tounes et Ennahdha on va, encore une fois, tenter de minimiser la levée de boucliers en se gaussant du poids électoral de ces formations, mais ils ont tort. Les protestations, d’où qu’elles viennent, fonctionnent toujours comme des marqueurs sociaux et politiques et façonnent, d’une manière ou d’une autre, l’opinion publique et influent sur son adhésion, ou pas, à la direction que prennent les affaires de la cité. Youssef Chahed est averti.

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