AccueilLa UNETunisie-Loi successorale : Est-ce le moment ?

Tunisie-Loi successorale : Est-ce le moment ?

Y avait-il lieu de déclencher une polémique sur légalité de la femme et de l’homme devant l’héritage ? La question taraude bien des esprits en Tunisie où les controverses s’enchaînent comme pour détourner l’attention des dossiers brûlants, et ils sont nombreux, tels que ceux du chômage, de la corruption, de l’endettement, et on en passe.

D’aucuns se demandent quelle mouche a piqué le député indépendant, Mehdi Ben Gharbia, pour penser à initier une proposition de loi instaurant l’égalité des genres dans l’héritage, une initiative égratignée par les uns et appréciée par les autres, pour la plupart des femmes qui, faut-il le noter, s’offusquent d’être traitées en citoyennes de seconde zone, c’est à dire victimes d’une discrimination systémique par la loi et dans une juridiction donnée, en l’occurrence, celle compétente en matière civile.

Pour ce qui concerne la Tunisie, il existe deux textes fondateurs qui régissent la question : Le Coran et le Code du statut personnel. Mais si les dispositions de la loi sont explicites et ne souffrent aucune équivoque, il en est autrement du verset coranique révélé en la matière. C’est le verset 11 de la Sourate « Les femmes » qui dispose : «   Dieu vous recommande [yousikom] quant à vos enfants : pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles. S’il n’y a que des femmes, au moins deux, alors à elles les deux tiers de ce qu’il a laissé. S’il n’y a qu’une femme, alors à elle la moitié ».

Recommandation ou prescription ? C’est là que loge tout le problème. La plupart des exégètes du Livre saint croient dur comme fer que c’est une obligation à laquelle le musulman est tenu sans autre forme de procès de déférer. Pour les autres, acquis à une interprétation pas uniquement sémantique, il s’agit d’une préconisation, à la limite, une exhortation, autrement dit un aphorisme non contraignant, ce qui laisse une marge pour l’interprétation. C’est dans cette « brèche » que semble s’être engouffré l’auteur de la proposition de loi. On en saura davantage lors de la conférence de presse qu’il se propose de tenir dans les jours à venir.

En tout cas, les « lois de l’héritage » coraniques ont été canonisées par les pouvoirs publics et par le législateur en les reprenant dans le Code du statut personnel, un recueil de droit positif, comme une prescription opposable à tous les citoyens, sans que personne ne puisse trouver y à redire du temps de l’initiateur du code, Habib  Bourguiba comme de celui de son successeur Ben Ali.

C’est dans les articles 91…97 qu’il en est question avec force détails au titre des héritiers dits réservataires, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas mentionnés dans le testament du défunt, au cas où ce dernier en laisserait un. Les quotes-parts successorales y sont fixées au nombre de six : la moitié, le quart, le huitième, les deux tiers, le tiers et le sixième, tout en appliquant la règle de la quotité de deux parts pour le garçon et d’une part pour la fille.

Depuis, rien n’est venu « perturber » cette ordonnance, sauf quelques contestations dues notamment à l’Association des femmes démocrates sans pour autant susciter une mobilisation ni d’ailleurs la moindre prise de conscience qui vaille de cette discrimination.

Pourtant, bien des choses ont changé dans l’entretemps, dictant sans doute une refonte de la loi. D’autant que la femme tunisienne en ce début du 21ème siècle n’est plus celle d’il y a 50 ans. De nos jours, en effet, elle joue un rôle central dans les affaires publiques, politiques et sociales. Elle a acquis une autonomie qui la fonde à revendiquer des droits qui ne lui étaient pas reconnus des lustres auparavant, et son égalité avec l’homme est solennellement inscrite dans la Constitution du pays  autant que dans les conventions et traités internationaux signés par l’Etat tunisien.

Comme on peut le constater, l’enjeu est de taille, mais celui de briser les tabous l’est  encore plus, comme en témoignent les réactions fermes et parfois virulentes des nombreux adversaires de la proposition de loi qui, faut-il s’en convaincre, est lancée à un moment où l’opportunité de le faire ne semble pas propice comme si elle venait de nulle part alors que les Tunisiens ont en quelque sorte d’autres chats à fouetter.

Sans doute faudra-t-il attendre que le tempérament général soit à même d’assimiler un tournant législatif de cette eau et de cette envergure. Et puis et surtout, il n’y a  pas le feu, alors que s’entassent sur le bureau du Parlement des projets de loi bien plus cruciaux que la proposition de loi sur l’héritage, qui, au demeurant, ne concerne pas le grand nombre.

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