AccueilLa UNETunisie-1 an 4 mois : Chahed, un loup solitaire et frileux

Tunisie-1 an 4 mois : Chahed, un loup solitaire et frileux

A la fin de cette année, Youssef Chahed aura passé 16 mois ou 1 an et 4 mois (27 août 2016-31 décembre 2017) à la tête du GUN (gouvernement d’union nationale). Nous faisions hier son bilan économique. Tel serait son bilan politique. Une année et 4 mois après son accession au poste de chef du 7ème gouvernement du changement, 51 % des Tunisiens sondés par Sigma Conseil pensent que la révolution a échoué, 56 % pensent qu’aucun des objectifs de cette même révolution n’a été atteint.

Dans ce dernier chiffre, ils étaient 59 % à penser que l’objectif «Emploi» a été réalisé à faible mesure et 73% à penser que l’objectif «Dignité» n’a été réalisé qu’à très faible mesure. 80% pensent que la situation générale est pire que ce qu’elle était avant la révolution, 90% à estimer négatif l’impact de la révolution sur la situation économique et 79 % à estimer négatif le même effet sur la situation sociale de la Tunisie. Ils étaient même 84% à dire que la révolution a accentué le chaos. Remédier à tout cela, était l’essentiel de la feuille de route de Youssef Chahed. Or, pour le faire, il lui faut des appuis politiques, nécessaires pour faire passer ses réformes et appliquer les mesures décrétées dans le cadre de ces réformes. Et c’est là que c’est compliqué !

  • Ses relations avec BCE père font jaser

Il est chaque début de semaine reçu par le chef de l’Etat, Béji Caïed Essebssi (BCE), pour un rapport hebdomadaire sur la marche des affaires du gouvernement. Leurs rencontres, devant les caméras, étaient toujours détendues et même chaleureuses. BCE ne l’a pas encore, indirectement, désigné comme partant, comme il l’avait plus d’une fois fait pour Habib Essid. Mais BCE ne le défend pas, non plus, en toute franchise, contre toute l’opposition qui s’acharne sur lui et demande son départ. Hier même, des manifestants devant le théâtre municipal de Tunis fustigeaient le GUN et demandaient son départ.

Les relations avec BCE seraient pourtant affectées par une volonté, jamais déclarée, de se porter candidats aux prochaines présidentielles de 2020. Rached Ghannouchi a été le 1er à en lui faire officiellement la remontrance. Depuis, il s’est trouvé, à deux reprises, obligé publiquement de s’en laver les mains. A tout cela, il faudra ajouter l’interprétation de l’entrée dans le gouvernement Chahed de quelques ministres issus du Palais de Carthage, lors du dernier remaniement, comme une tentative de BCE de reprendre les rênes du pouvoir.

  • Ses relations avec BCE fils et son Nidaa font bailler

Candidat du parti au pouvoir, issu des législatives de 2014, Nida Tounes, Youssef Chahed n’est pourtant pas la «tasse de thé» du fils du détenteur de la patente de ce parti, BCE Junior ou HCE (Hafedh Caïed Essebssi). A plus d’une reprise, des fuites de conversations entre HCE et ses acolytes au sein du parti, laissaient clairement entendre un malentendu entre YC et le parti qui l’avait mis à La Kasbah. Des sources concordantes ont maintes fois évoqué deux hommes (HCE et YC) qui se regardent en chiens de faïence et qui se détestent cordialement. De ce fait, Nidaa n’a presque jamais été un soutien inconditionnel à son poulain au sein de l’ARP. Ses députés ont aussi été plusieurs fois de ceux qui déplument les budgets, lois de finances et autres projets de lois présentés par le gouvernement à l’ARP.

  • Ses relations avec l’opposition sont à chier

Côté opposition, les relations de Youssef Chehed avec le reste des partis politiques présents à l’ARP sont presqu’exécrables. Il est en effet rare de voir YC échapper aux critiques acerbes et mêmes plus, à chaque fois qu’il est présent à l’ARP pour défendre un de ses projets. Les ministres du GUN n’échappent pas à la règle et subissent chaque fois, à leur tour, l’ire de l’opposition, dans l’hémicycle ou sur les plateaux TV. Les «Amroussia», Abbou, Chebbi, Seddik ne tarissent jamais de critiques, de calomnies et de persiflage à l’égard du GUN et de son chef.

Et avec des actions, comme la dernière demande du chef d’Afek à ses ministres de quitter le gouvernement de Youssef Chehed, on se rend même compte que l’opposition au chef du gouvernement n’est pas que dans les rangs de l’opposition.

  • Ses relations avec l’Utica et l’UGTT font pleurer

Avec la dernière loi de finances, le chef du gouvernement s’est aussi mis le patronat contre lui. Les sorties médiatiques de la patronne des patrons deviennent de plus en plus virulentes. On voit désormais plus Wided Bouchamaoui chez le chef de l’Etat que chez le chef du gouvernement.

Entretemps, le chef du gouvernement semble avoir fait le choix de s’appuyer sur le syndicat ouvrier pour résister à ses détracteurs et rester à La Kasbah. L’UGTT devient, en termes d’impact sur l’action gouvernementale, plus puissante que l’opposition et la seule vraie ceinture politique de Youssef Chahed. Un choix qui fait dire à Karim Harouni qu’il craint le retour d’un «gouvernement rouge».

  • Des chiffres et des lettres

En septembre 2016, selon Sigma Conseils, 62,2 % des sondés étaient contents de Youssef Chahed et même plus qu’ils ne l’étaient de BCE (55,3 %). Dans le même baromètre, il était pourtant classé 8ème sur l’échelle de la confiance dans les personnalités politiques et à la 4ème place sur l’échelle des personnalités qui ont un avenir politique. Après les 100 premiers jours du GUN, 45,8% seulement estimaient positive son action, selon la même source. En décembre 2017, le taux de satisfaction du rendement des personnalités politiques était à 81,7 % pour Youssef Chahed, toujours plus que BCE (50,3 %) et ils étaient 47% à lui prédire un avenir politique. BCE n’était même pas classé. Le vieux aurait peut-être raison !

Certains avaient rêvé Chahed en Macron tunisien. Il se révèle, jusqu’à présent, trop frileux pour faire la rupture, sauter le pas, «tuer le père» et faire son «Coming-out». En face, il y a un Nidaa qui n’est plus qu’un simple fonds de commerce vide de toutes marchandises, avec une mauvaise gouvernance, politiquement mal géré, au bord de la faillite politique et idéologique et qui n’arrive pas à mobiliser assez de crédit pour se relever et se remettre en ordre de marche. Et il y a aussi un parti islamiste qui n’a pas encore dit son dernier mot et qui risque de faire la surprise en mai 2018 en prenant la Tunisie profonde lors des municipales.

En face aussi il y a aussi un vieux chef, le doyen absolu des chefs d’Etat. Sa possible brutale disparition, à Dieu ne plaise, est plus dangereuse pour tout le pays que sa longévité à Carthage. Il ne fait pourtant rien pour préparer sa relève et ne soutient personne. Tout aussi frileux que Youssef Chahed, il ne prend jusqu’à présent aucune décision pour changer les choses. Où va ainsi le pays de la révolution du jasmin et du prix Nobel de la paix ?

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