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Tunisie : Battant, il lutte à armes inégales et sous menace du 96, pour sauver «le soldat STB»

Il travaille beaucoup, apparaît peu et n’est pas facile à l’interview. C’est qu’il est conscient de l’immensité de la tâche herculéenne pour laquelle il a signé en acceptant le poste de DG de la plus grande, mais aussi la banque publique au plus lourd cumul de pertes et qu’il doit pourtant, recapitaliser, restructurer et relever.

En contrepartie des 750 MDT injectés par l’Etat dans la STB, Samir Saied avait signé un contrat programme sur 5 ans. Il en est à mi-chemin et les résultats attestent un début de réussite. Il sait cependant que les termes de son contrat pourraient ne pas être respectés par l’Etat, qu’il lutte à armes inégales avec ses concurrents du Privé, et il tire la sonnette d’alarme, en s’excusant auprès des petits actionnaires et en demandant à ses principaux débiteurs, les hôteliers, de soutenir la banque. Sera-t-il entendu ? Interview :

A mi-parcours de la nouvelle stratégie, où en êtes-vous dans son application ?

Nous en sommes, en effet, à mi-parcours. On travaille, de manière intensive, sur 159 projets et 45 chantiers et qui couvrent l’ensemble des fonctionnalités de la banque. On a pris de lourds engagements. Mais je préfère pécher par excès que de faire le minimum et par défaut. Certains chantiers avancent lentement, d’autres commencent déjà à donner leurs fruits. Mais globalement, nous avançons. Nos résultats sont supérieurs à ce qu’on avait planifié, mais les années à venir ne seront pas nécessairement plus simples, ni plus faciles pour la banque. J’évoque ici le problème du recouvrement et plus spécialement la problématique de l’article 96 du code pénal et la nécessité de mettre les banques publiques sur le même pied d’égalité avec le privé dans les questions du transactionnel, de la résolution et de l’abandon. Cette question a été soulevée devant l’ARP et j’ai lu que mon collègue de la BNA en a parlé dans une interview sur Africanmanager, je n’y reviendrai donc pas. Cela ne m’empêche pas de rappeler qu’il était prévu, lorsque nous avions élaboré le contrat programme avec les autorités publiques, qu’à fin décembre 2016 au plus tard, l’interprétation de l’article 96 pour l’application bancaire soit clarifiée. Cela n’a pas encore été fait.

 

Cela faisait-il partie du deal avec le gouvernement, lorsqu’il avait accepté de financer le plan de recapitalisation de la banque ?

En effet. Je ne critique pas l’article 96 et ce n’est pas mon rôle. Je parle uniquement de son interprétation pour les banques publiques qui sont soumises à la loi bancaire. Cela devait être réglé par la BCT. Nous avançons dans la mise en application de notre contrat programme, alors que ce point reste toujours en suspens. Je sais et je les en remercie, que les cadres du ministère des Finances ont fait l’effort de mettre au point un projet de loi dans ce sens et qui a été soumis à l’ARP. Il y a manifestement une peur de prise de décision, compréhensible certes, alors que certains collègues sont toujours sous enquête judiciaire à ce propos, mais ce point reste un élément de perturbation pour le plan de restructuration de la banque qui risque de ne pas avoir le même degré de performance dans sa seconde moitié, si cette question de l’interprétation de               l’article 96 n’est pas définitivement traitée.

J’ai aussi parlé, lors de la dernière communication financière du jeudi 10 mai 2018, de la question des dettes du secteur touristique chez la STB. Je ne comprends pas pourquoi on n’applique toujours pas les propositions contenues dans le «livre blanc», comme l’avait déjà annoncé le chef du gouvernement. Je ne comprends pas, non plus, l’hésitation à accorder l’avantage fiscal aux entreprises hôtelières pour les encourager à recapitaliser et sauver les unités qui en ont besoin. Des unités, par ailleurs, déjà identifiées et listées …

 Elles sont au nombre de combien ?

On parle d’une soixantaine d’unités hôtelières tout au plus pour la STB. Les montants ne sont pas énormes, mais l’impact l’est. Ce sont des dettes classées et ne peuvent donc pas bénéficier de crédits bancaires, et la seule issue pour ces unités hôtelières reste l’augmentation de capital. Des ressources qu’elles ne peuvent pas mobiliser, le secteur touristique tunisien étant encore classé à risque. L’avantage fiscal exceptionnel, même pour une ou deux années, reste la seule issue pour relancer ces entreprises et les remettre en condition de remboursement de leurs dettes. Le bénéfice sera immense, pour la banque, pour l’emploi, pour les entrées de devises et pour tous les secteurs connexes du tourisme.

 Un des points d’audit importants évoqués par les commissaires aux comptes, a été celle des créances qui s’élèvent à plus de 9.950 MDT et les provisions constituées, en couverture de ce risque, de seulement 1.369 MDT. Il semble ainsi que cette question des NPL reste encore l’un des défis majeurs pour la banque, à mi-parcours de sa nouvelle stratégie de relance !

Effectivement, c’est le grand handicap qui nous empêche, aujourd’hui par exemple, de recourir aux lignes de financement extérieur et d’améliorer ainsi le coût des ressources de la STB. Les bailleurs de fonds sont très regardants sur le taux de PNL. On a beau essayer d’expliquer qu’on a un taux de couverture parmi les plus élevés de la place avec 74 % de taux de couverture des créances classées, on nous répète que ce taux reste élevé et qu’on ne peut accorder de ligne de crédit extérieur à la STB. On a vainement expliqué que la cause en est le lourd héritage des dettes de la BNDT-BDET et que cet héritage mis à part, le taux des créances classées du seul portefeuille de la STB ne dépasserait pas les 15 %.

Aujourd’hui, nous sommes en mauvaise posture, car en concurrence avec le secteur privé qui peut avoir ce genre de ligne de crédit à coût moindre alors que nous, banque publique avec un lourd héritage, ne pouvons y accéder. Du coup, nous sommes handicapés, au départ par les NPL et ensuite par l’écart qui se creuse avec les banques privées, et on n’est plus à armes égales pour l’accès à des ressources pas chères. A cela, s’ajoute l’effet de l’article 96.

 Mais il n’y a pas, chez la STB, que ces ratios-là qui vont encore mal

A ma connaissance, les autres ratios sont en amélioration. Le PNB s’améliore, le RBE se consolide, le RN aussi, avec le «Return On Asset». A simuler l’élagage du coût du plan social et l’effet des provisions additionnelles sur des hôtels front de mer à haute valeur financière récupérable dans un laps de 3 à 4 ans, nous aurions 17 % en «Return On Equity» comme les meilleures banques de la place et on doublerait même le ratio «Return On Asset» de 0,9 à 1,8 %. La réalité est cependant autre. On lèse certes la rentabilité de l’année, mais on reste confiants que cela va s’améliorer.

Le seul, en vérité lié à la série de handicaps évoqués plus haut, c’est le «Tiers 1». Le fait qu’on n’a pas pu faire recouvrement escompté de nos créances, a rendu ce ratio un peu plus serré. On n’y est pas moins bons que d’autres banques. Il reste cependant un ratio qu’on surveille de près et nous nous adaptons, en cherchant à améliorer et diversifier notre offre de placement et d’épargne, pour essayer d’y remédier au plus tôt.

En fait, je ne travaille pas sur des résultats pour 2017, 2018 ou même 2019, mais sur de meilleures perspectives pour la banque, en 2022 et même 2023, car toutes les réformes engagées, qui sont structurelles et profondes, ne donneront leurs fruits qu’à long terme. C’est en fait un message aux actionnaires pour leur dire que je suis désolé de ne pas distribuer les dividendes ou d’améliorer, de manière immédiate et spectaculaire, le cours de l’action STB. Je pense, pourtant, que le cours de l’action de notre banque se portera de mieux en mieux et les analystes financiers finiront par reconnaître que nos réformes placeront la STB nécessairement et à moyen et long terme dans un trend résolument haussier.

 Si vous tenez à insuffler plus d’optimisme et d’espoir chez vos épargnants, il suffirait de réguler comme ils vous le demandent. Chose que vous refusez !

Je ne refuse pas. En fait, je ne crois pas que créer un mécanisme pour acheter puis vendre du papier STB, puisse être la solution idoine pour relever l’action. Ma conviction profonde est que la solution radicale reste le travail sur le long terme. Dans un marché mature, les analystes finiront par le détecter et l’annoncer. D’autre part, il est pratiquement impossible, à cause du gros montant des reports différés, de procéder à une régulation de l’action STB sur la cote. Je ne donnerais donc pas de faux espoirs et je dirais plutôt que la STB ne distribuera pas de dividende, ni cette année, ni celle qui suivra, pour ne pas dire plus ; toutefois la valeur boursière finira par s’apprécier.

 Déjà que pour 2018, les provisions devront fortement impacter vos résultats, qui devraient ainsi être diminués de 90 MDT, comme vous l’aviez annoncé au cours de votre dernière communication financière

Je le confirme hélas. Ceci étant, je relance mon appel aux hôteliers pour qu’ils comprennent la situation dans laquelle se trouve la STB et qu’ils se tiennent plutôt à ses côtés et procèdent au paiement des sommes à recouvrir qu’on négocie avec eux. On ne demande pas la totalité de l’argent de la banque, mais le montant nécessaire pour économiser les provisions additionnelles. Autrement, le RN 2018 de la STB ne sera pas brillant, je le crains.

 En 2017, vous avez quand même fait de beaux gains en BTA et atteint le cumul de 1068 MDT !

Il est essentiellement dû aux efforts faits en 2016 par la banque publique qu’est la STB au profit de l’Etat, en tant que SVT. Je ne revendique pas la paternité de ces bénéfices, car c’est de l’argent facile pour une banque dont le rôle reste l’intermédiation et où le bénéfice doit provenir de l’exploitation. Signalons toutefois que ce gain demeure réversible en cas de hausse du taux long. Mais je dois agir, pour qu’on ne soit pas dépendant des BTA. Nous allons ainsi, autant que faire se peut, essayer d’être acteur dans la création d’un marché secondaire et vendre petit à petit ces BTA.

 Vous disiez, justement, vouloir les céder au PME et TPE. Comment ?

C’est ce qu’on va essayer de voir avec la Bourse et tous les professionnels de la place, comment animer un marché secondaire, pour alléger la charge des BTA sur les banques qui se retrouvent en fait à faire du «Crowding-Out» contre un rôle essentiel d’intermédiaire entre déposants et demandeurs de crédit. Et d’ailleurs, l’esprit du contrat programme qui me lie à l’Etat, est de gérer la banque de manière professionnelle, exactement comme le privé, et moi, je ne crois pas efficace, pour la banque, d’utiliser l’argent des déposants pour acheter des BTA au détriment d’un financement sain de l’économie, notamment les PME-TPE et les professionnels, pas les particuliers via les crédits à la consommation et pas les grands groupes qui ont d’autres opportunités sur le marché financier. L’objectif principal est de se désengager progressivement des BTA à travers la création et l’animation d’un marché secondaire.

 Pourquoi ne pas refuser de prendre des BTA ? Et d’ailleurs, pourriez-vous le faire ?

On peut et c’est ce que nous avions fait partiellement en 2017. Notre croissance en BTA n’a ainsi pas dépassé les 4 à 5 %. Ça m’a créé quelques moments tendus dans des négociations serrées.               Je remercie, à l’occasion, les responsables du MF (Ministère des Finances) et à leur tête Mr le ministre des Finances, qui a été compréhensif et a même contribué à maintenir l’appétit du MF. Mais je ne peux pas non plus faire la politique l’autruche. Je vis en Tunisie et je connais parfaitement la situation. Nous avons bénéficié de 750 MDT et je ne peux pas être cassant à ce sujet. On se doit de contribuer quand il le faut, mais à des doses homéopathiques et raisonnables et ne plus faire les 28 % de PdM dans les BTA de l’année 2017.

 

Quelles perspectives dessine Samir Saied pour la STB ?

Petit à petit, c’est une nouvelle STB qui émerge du plan de restructuration et qui sera mise en place dans un délai de cinq ans. Une STB moderne, rajeunie où l’élément féminin prend le dessus, comme on le voit dans les résultats des différents concours de recrutement que nous organisons, avec 70 % de taux de réussite. Nous sommes déjà dans la parité homme-femme et je pense que l’année prochaine, elles seront plus nombreuses, ce qui fera la fierté de la STB et fera quelque part son avantage dans la transformation qu’elle engage vers le digital. Si le Livre Blanc est mis en exécution, son impact sur les finances de la banque sera d’importance. Et si le recouvrement réussi et que l’article 96 est modifié et que l’Etat fait un dernier effort en matière d’avantage fiscal pour les hôteliers, les résultats de la STB suivront. Je rappelle que, côté chiffres, la STB a déjà fait plus que ce qui a été planifié. C’est déjà +25 % en PNB pour le 1er trimestre 2018 et on table d’ici fin d’année sur +20 % et peut-être plus. Tout en rappelant que l’effort de provision impactera nécessairement le résultat 2018. Je n’oublierais pas l’effort fait par les employés de la STB en matière de productivité et nous avons entamé une expérience pour l’introduction d’une partie variable, dans la rémunération des employés, selon le résultat. Pour les épargnants actionnaires, je rappelle que la banque devra, avant toute distribution de dividende, éponger les 640 MDT de pertes en report. J’en suis désolé pour eux, mais je suis sûr qu’ils sauront attendre que les finances de leur banque soient assainies.

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2 Commentaires

  1. Mr. le PDG de la STB votre plan est assez profond vue que vous avez accepté de restructurer la 1ère banque depuis sa création à l’aube de l’indépendance en dépit de sa lourde contentieux qui résulte de la fusion des deux banques BDET et BNDT aussi allourdi par par les créances douteuses particulièrement des Hotels et littéralement de la BNDT de Bourgiba Junior qui est arrivée certe (خاوية على عروشها)
    bonne continuation et la STB s’en sortira et regagnera sa 1ère place d’habitude
    un petit mot concernant les concours de recrutement vous dite l’élément féminin prend le dessus, Bourguiba n’est plus la femme a pris son chemin est-ce que les hommes n’ont pas le droit de participer et prendre part au travail , améliorer les services clients qui deviennent de jour en jour déplorables heureusement qu’il ya quelques anciens .
    recruter des agents est plus bénéfique pour la banque côté frais de personnel et
    ils seront disponible rapidement, sont prêt à s’investir dans les diverses tâches qui leur seront attribuées par la hiérarchie, d’un autre côté l’échelle des salaires selon la convention des banques les cadres recrutés seront des directeurs dans un laps de temps (avec 22 salaires/:ans ou même plus) un lourd charge de frais de personnel s’ajoute d’autant plus ces directeurs n’accepteront plus le travail d’un agent ils vont exiger la responsabilité,
    par ailleurs, leur recrutement est indispensable mais qui se fera selons les besoins nécessaires de la banque
    ceci étant , je remercie tous le personnel anciens qui n’épargne aucun effort pour soutenir leur banque la Société Tunisienne de Banque (STB) qui est un grand nom et restera pour toujours.
    bon courage

  2. bien sur ;;; il vaut mieux renvoyer les réalisations à 2022 et 2023 inchallah…!! mais entretemps cela coute de l’argent à l’Etat donc au contribuable et cela profite depuis longtemps aux chefs d’entreprises comme les hôteliers qui ne règlent pas et ne règleront pas leurs dettes…Il ne faut pas donner de faux espoirs Monsieur le D.G.

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