La Tunisie est sortie de la liste des Paradis fiscaux. طاح في البير أو طلعوه , ce qui veut dire «il est tombé dans le puits et ils l’ont sortie», pouvons-nous dire, en parodiant un dicton tunisien. L’information deviendrait presque anodine lorsqu’on voit que le Panama, symbole même et icône des paradis fiscaux comme la preuve en a été donnée par les «Panama Papers», a aussi été enlevée de cette même liste. Une liste, qui plus est, a été faite par les ministres des Finances d’une Europe qui ont, dès le début, décidé qu’aucun pays de l’Union Européenne n’y figurera. Ce faisant l’Europe, qui s’érige en gendarme mondial contre l’évasion fiscale, applique aux autres ce qu’elle n’applique pas à elle-même. On pourrait même reprendre ce dicton anglais qui disait : «The friar preached against stealing when he had pudding in his sleeve», ce qui veut dire «le moine prêchait contre le vol quand il avait du boudin dans sa manche».
A la Tunisie, pays dépendant de l’aide de ceux qui se présentent comme ses partenaires et voudraient même s’assurer l’ouverture totale de toutes ses frontières, terrestres et aériennes, sans lui donner la liberté de circulation, on ne pourra que suivre les paroles de Saint-Mathieu qui disait : «Observez donc et faites tout ce qu’ils vous diront, mais ne faites pas ce qu’ils font, car ils disent ce qu’il faut faire et ne le font pas». Charles De Gaulle disait que «les Etats n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des intérêts».
Tout cela dit, il est temps, à notre sens, d’abord d’arrêter de nous auto-flageller et d’arrêter la mascarade des commissions d’enquêtes* à la recherche de l’alibi qui accablerait le gouvernement de Youssef Chahed, car les vrais enjeux de cette liste, dans laquelle l’Europe a fait entrer la Tunisie pour l’en vite sortir, sont ailleurs. Il n’est en effet un secret que pour les experts de la fin du monde et pour les politiciens véreux que les véritables enjeux de cette liste sont la concurrence fiscale et la concurrence économique entre entreprises de pays différents.
- Paradis fiscaux. Des enjeux d’entreprises et d’emplois
La Tunisie a été jetée dans la poubelle des paradis fiscaux, à cause des avantages fiscaux qu’elle donne aux entreprises étrangères et à tous les IDE qui choisissent la Tunisie, soit pour s’installer soit pour délocaliser. Les investisseurs étrangers n’étant pas de simples philanthropes ou des amis de la Tunisie, simplement pour la bonté de ses habitants, son soleil radieux et ses belles plages. Ils sont, aussi et surtout, des hommes et des femmes d’affaires qui cherchent à gagner en Tunisie plus qu’ils ne le feraient dans leurs propres pays. Ceux qui viennent en Tunisie cherchent des conditions, économiques, sociales et fiscales, meilleures que celles qu’ils ont dans leurs pays.
La Tunisie n’est par ailleurs pas le seul pays à accorder certains privilèges pour attirer les investisseurs. Prenons le dernier exemple français en date et qui a même fait l’actualité. S’adressant, mardi 23 janvier 2018, aux salariés de Toyota après sa réunion avec le gratin des hommes d’affaires du monde, le Président français, Emmanuel Macron, a indiqué que «si Toyota décide d’investir 300 millions et de créer 700 CDI ici, c’est parce que vous êtes bons».
- L’exemple qui détruit le mythe
Dans un article en date du même jour, le journal français «La Croix» recadre le chef de l’Etat français, dit la vérité et affirme que «c’est aussi grâce aux grosses subventions publiques : l’Etat a apporté à Toyota 15 à 20 millions d’euros, la région Hauts de France 11 millions, le Fonds européen de développement régional (Feder) 9 millions, l’agglomération 5 millions».
On se poserait donc ainsi la question de savoir si Toyota ou tout autre investisseur étranger serait venu en France s’il n’y avait pas les incitations financières. Dans le même article, le président de la région, Xavier Bertrand, donne la réponse, en anticipant sur ceux qui le critiqueraient, et en assurant : «certains peuvent me dire que 11 millions c’est trop, mais non, car derrière il y a des emplois». Si elle le pouvait, la France d’Emmanuel Macron ferait rentrer les 585 MDT d’investissements français en Tunisie qui font que, à part créer de l’emploi, la balance commerciale avec la France soit excédentaire avec la Tunisie. Et si elle le pouvait l’Union Européenne, 1er partenaire commercial de la Tunisie, ferait rentrer les 136,7 MDT d’investissements allemands et les 97,6 MDT d’investissements italiens en Tunisie. L’investissement est création d’emploi, une denrée rare dans des pays européens en crise et où les enjeux électoraux se font surtout sur l’emploi. Pour la Tunisie aussi l’enjeu est de 400 mille emplois créés par les entreprises exportatrices.
- Que peut le petit poucet tunisien devant ses «faux» amis européens ?
La Tunisie n’a pas les moyens de la France et de l’Europe pour attirer les IDE avec les grosses subventions dont elles disposent. Pays endetté jusqu’au trognon, pour donner des salaires, payer les retraites et essayer de favoriser le développement, le levier fiscal reste son unique moyen pour faire concurrence à certains pays de l’Europe de l’Est, qui sont aussi à la recherche d’IDE. Pays dont l’économie est basée sur l’export, que pourrait-il donner d’autre que les avantages fiscaux pour encourager Airbus, par exemple, à faire construire partie de ses avions en Tunisie et la réexporter vers la France ?
A trop vouloir tout avoir, le beurre, l’argent du beurre et… de la crémière, l’Europe deviendrait presque le faux ami d’une Tunisie qui tente de se relever de plus de 20 ans d’une non-démocratie qu’elle a pourtant encouragé à mettre par terre, à redresser l’économie d’un pays qui est pourtant son dernier bastion devant l’invasion de milliers de migrants de tous genres !
Il reste pourtant à cette Tunisie de faire preuve de plus d’habilité dans la négociation, de plus de lobbying auprès des sages, car il en existe, de cette même Europe, pour défendre ses intérêts économiques et sa stabilité sociale !