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Tunisie : Le mythe du pétrole, 2018 1ère centrale solaire et bientôt des compteurs intelligents à Sfax (Vidéo)

Syndicaliste, de père en fils, le ministre tunisien de l’Energie, des Mines et des Energies renouvelables, détruit le mythe de l’abondance pétrolière, s’adresse aux investisseurs dans ce domaine et dit tout, par le chiffre, sur le pétrole. Mais pas que ça !

Khaled Kaddour parle à Africanmanager des prochains AO et concessions dans le solaire, annonce pour cette année la 1ère centrale à Tozeur. Il parle aussi du marché énergétique parallèle et donne aussi des détails sur l’énergie pour tous et les 4.000 compteurs intelligents à Sfax. Interview :

Très peu de permis, trop peu de production et donc trop peu d’exportation aussi

La production tunisienne est effectivement très faible. Elle est actuellement de l’ordre de 40.000 barils par jour, contre 10 mille Barils/j en 2010. La consommation locale étant le double de la production, la Tunisie enregistre un déficit énergétique de l’ordre de 50 %, avec une augmentation de la consommation entre 5 et 6 % par an, due notamment à l’amélioration de la qualité de vie du citoyen. C’est pour cela que l’axe principal de notre stratégie en la matière reste la sécurité de l’approvisionnement et travailler, pour cela, avec un horizon à plusieurs temporalités, car les investissements en énergie sont très lourds avec une moyenne de 5 ans pour la réalisation et même plus lorsqu’il s’agit de l’entrée en production d’une découverte pétrolière.

Alors que vous parlez de pétrole, il y avait combien de concession avant la révolution et combien sont-elles devenues et y a-t-il une demande sur la Tunisie ?

Le nombre des concessions a en effet diminué. On réalisait, en moyenne, 20 puits par an. En 2015 et 2016, nous n’avons fait aucun forage pétrolier. Les forages ont timidement repris en 2017, grâce notamment au renouvellement de 2 permis pétroliers. Force est de faire remarquer que les sociétés pétrolières ne se bousculent pas au portillon pour la Tunisie. On a plusieurs Blocs libres et quand bien même ferions-nous des appels d’offres, la demande n’existe presque pas, surtout après l’obligation de passage de toute demande dans ce sens par l’ARP, sans oublier les perturbations sociales de plusieurs concessions et les recrutements, imposées et non ciblées, qui ont fortement impacté la demande de concessions pétrolières et qui ont aussi fait exploser les coûts de l’investissement et diminué l’attractivité du site Tunisie.

Qu’y a-t-il de prévu pour 2018, en matière de concession et l’impact sur la production ?

En 2018, il est prévu d’accorder 8 nouvelles concessions, entre prolongations et nouvelles. Il me faut ici mettre l’accent sur la visibilité à donner à l’investisseur sur une période minimale de 10 années et sur le temps que requiert l’entrée en production. Notre objectif est désormais de stabiliser la production au niveau actuel de 40.000 barils par jour, en tenant compte des travaux de «Work-Over» des puits existant. Faire de nouvelles grandes découvertes, à l’image d’El Borma ou d’Ashtart durant les années 70, est désormais chose presqu’impossible.

Si, comme vous le dites, les investisseurs ne se bousculent plus, pourquoi l’Etap ne s’y mettrait-elle pas et se cantonne-t-elle jusqu’ici dans le rôle de partenaire de concessions étrangères ?

L’Etap s’y était déjà essayée en 2010, avait foré un puits et n’y avait rien découvert. Avec Sonatrach l’algérienne, c’est une petite découverte en Algérie et ils sont partenaires dans une concession au large de la ville de Mahdia. Le forage a débouché sur des indices de quantités marginales qui ne justifiaient pas la mise en production. D’autres forages sont par ailleurs prévus sur cette même concession commune pour diminuer le risque. La question qui se pose est de savoir si l’Etat a la capacité de mettre 50 MDT dans une concession qui peut ne pas être rentable ?

Les privés tunisiens ne sont-ils pas intéressés par le pétrole ?

Il y en a, comme le groupe Toumi qui débute avec 3 puits où il a déjà fait des découvertes, mais en petites quantités.

Juste pour rire. Pourquoi n’êtes-vous pas en train de creuser pour mettre à jour le lac de pétrole sur lequel la Tunisie nagerait selon certains «experts » ?

Si cela existait, ça se saurait et on aurait vu les compagnies pétrolières étrangères courir les Blocs de prospection et se bousculer au portillon pour trouver ce pétrole.

Revenons aux choses sérieuses. La Tunisie est importatrice d’un pétrole dont le coût a augmenté et dépassé les prévisions de la loi de finances 2018. A-t-on toujours les moyens d’assurer le provisionnement du pays ?

On doit le faire et on est obligé de le faire. Nous importons du gaz pour l’électricité et continuerons d’importer les produits pétroliers …

Où vont alors toutes ces importations, en plus de celles du marché parallèle, alors que la production industrielle n’augmente pas ?

Le marché parallèle, en matière d’essence, ne représente que 15 à 20 % de la consommation et l’impact n’est visible que dans les villes du Sud tunisien ou certains kiosques menacent même fermeture. Pour l’électricité, nous assurons l’approvisionnement, domestique et professionnel, en important 50 % de nos besoins. Nous parvenons donc, parce qu’il le faut, à assurer la continuité de l’approvisionnement, malgré la hausse des prix. Il faut savoir, à ce propos, que la caisse de compensation a été dotée de 1.500 MDT pour faire face et que chaque dollar d’augmentation internationale des prix par bail (159 litres) coûtera 121 MDT au budget de l’Etat. Le problème est plutôt dans les revenus de l’Etat pour faire face et payer la facture en Dollars. C’est pour tout cela que, stratégiquement, nous avons opté pour les énergies renouvelables.

Où en est donc le plan solaire et où en est l’appel d’offres pour la concrétisation de ce fameux plan ?

Le développement des énergies renouvelables est un axe stratégique pour le pays. Un choix, certes volontariste, mais impérieux, même si la technologie ne permet pas encore le stockage. Nous avons ainsi, pour l’accélération du programme des énergies renouvelables qui a fait l’objet d’un séminaire présidé par le chef du gouvernement, lancé un 1er appel d’offres international. Il est en phase de dépouillement des offres. Les résultats de cet AO seront connus le 15 mars 2018. 69 entreprises y ont pris part et il porte sur la mise en place d’une capacité de 70 MGW en énergie solaire et 60 MGW dans l’éolien. Le 15 avril 2018 aussi, on lancera les concessions pour une capacité qui sera, soit de 200 ou 600 MGW. Chaque projet à donner en concession portera sur un minimum de 100 MGW, pour de grandes centrales solaires dans les régions du Sud tunisien qui permettront aussi de créer des emplois dans les régions intérieures du pays. On pense aussi à des projets de stockage de l’énergie solaire dans le cadre du PPP (Partenariat Public-Privé). Les premiers projets devraient voir le jour en 2018, sachant que la Steg a déjà démarré la construction d’une centrale de 10 MGW à Tozeur. La Steg a déjà terminé la construction de l’infrastructure et le matériel a déjà été importé.

Avez-vous reçu des demandes pour de grands parcs solaires, comme on en entend parler ?

Avec des parcs à 100 MGW, tel qu’en fait déjà l’Etat et notre programme de 1.000 MGW à l’horizon 2020, pour une capacité de 8.000 MGW de la Steg, l’effort est important. Pour les propositions, ce n’est pas d’idées de projets dont nous avons besoin, mais de projets concrets, y compris le business plan (BP) et le financement, le tout dans le cadre d’appels d’offres. Certains se sont en effet présentés pour des projets qu’ils espéraient de gré à gré. Cela est impossible. On a eu en fait deux propositions pour l’exportation de l’énergie solaire, sans présenter ni un BP, ni le financement des câbles de transport de cette énergie. Pour le seul petit câble, que compte construire la Steg avec un financement européen et en coopération contractuelle avec la société italienne «Terna» et le soutien des deux Etats et de l’UE, il va falloir un investissement de 600 M€. Ce n’est pas sérieux ! Pourquoi ne participeraient-ils pas à nos AO et à nos concessions ? On ne les y retrouve pas par contre.

Votre ministère évoque, en parlant de stratégie énergétique, des notions comme la gouvernance et l’équité. Comment cela va-t-il se traduire en Tunisie ?

Cela veut dire, pour l’équité énergétique, que nous devons faire de telle sorte que l’électricité soit toujours disponible, pour tous, partout, avec la qualité requise et à des coûts acceptables pour les couches populaires. C’est pour cela que nous entamons cette année un programme de financement de l’installation du photovoltaïque pour les familles à revenus modeste. Le financement de l’installation sera pris en charge par le fonds de transitions énergétiques pour les familles à modeste revenu dont le niveau de consommation est inférieur à 100 MGW/mois pour les aider à mieux supporter leur facture énergétique. Le stockage étant encore coûteux, il ne lui restera à payer que sa consommation en dehors des jours ensoleillés.

Pour la gouvernance, cela se traduira notamment par l’installation de nouveaux compteurs électriques intelligents. Appelé «Smart-Grid», ce programme sur lequel travaille actuellement la Steg démarrera prochainement dans la région-témoin. Ces nouveaux compteurs électriques intelligents devraient permettre à chaque citoyen de connaitre sa consommation de manière instantanée et à la Steg d’en faire le relevé à distance. Le projet comprendra l’installation de 4.000 compteurs et le choix s’est fixé sur la région de Sfax, avant généralisation sur tout le territoire. La transparence de la facture, est un élément important de la gouvernance. Transparence aussi à travers la prochaine révision du code des hydrocarbures.

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