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Tunisie : Tout le monde veut sa tête… y compris les médias !

L’ombre de Youssef Chahed a plané sur la 3ème réunion de 9 signataires du «Document de Carthage», qui définit les priorités de l’action de son gouvernement. Beaucoup s’attendaient à ce qu’il soit mis fin à ses fonctions. Certains sont même allés jusqu’à avancer le nom de l’ancienne patronne des patrons, Wided Bouchammaoui, Abdelkerim Zbidi ou même l’actuel ministre de l’Intérieur.

Après avoir pris des nouvelles de tout le monde en les accueillant, comme de la santé d’un des absents à cette réunion en saluant son fils, ou serrant la main, sans le regarder, de Samir Etaïeb, ou encore lorsqu’il saluait chaleureusement Kamel Morjane comme on retrouverait un ancien pote, le chef de l’Etat tunisien, Béji Caïed Essebssi, s’assied. A sa droite la centrale syndicale (théoriquement de gauche si c’était un parti politique) et à sa gauche la centrale patronale (organisation économiquement de droite), le chef de l’Etat tunisien. Il explique, dès le début, qu’il n’y aura pas d’union nationale sans eux, comme un pic au reste des politiciens présents, et profitant de l’occasion pour régler ses comptes avec les partis qui s’étaient retirés de Document de Carthage, «pour des raisons pas trop difficile à comprendre», jette-t-il notamment à Afek Tounes.

  • La présidence de la République arrête la cabale

A aucun moment par ailleurs, au moins selon le contenu de son discours qui a été rendu public, BCE n’a évoqué la question d’un éventuel changement du gouvernement d’union nationale, Youssef Chahed, qu’il avait reçu le 9 mars, quatre jours avant la réunion des signataires du Document de Carthage. A la Kasbah d’ailleurs, rien ne laissait voir ou comprendre de quelconques préparatifs ou une simple connaissance d’un éventuel départ du chef du gouvernement, qui vaquait ce matin à ses occupations gouvernementales, comme le laissaient entendre les déclarations de l’UGTT qui était de presque toutes les radios.

La porte-parole du chef de l’Etat s’y prendra à deux fois, pour affirmer que «que le changement du gouvernement n’est pas une priorité pour le pays». Youssef Chahed était pourtant le sujet dont tout le monde parlait et le sujet à propos duquel au moins deux des signataires ont fait et font des déclarations.

Mais revenons, chronologiquement, sur cette affaire du départ de Youssef Chahed. Il y a eu d’abord le recadrage qu’avait fait le chef du gouvernement qu’on croyait jusque-là en bons termes avec l’UGTT, à Noureddine Taboubi qui demandait un remaniement ministériel depuis quelques semaines. A la télévision, Chahed avait alors sèchement recadré le SG de l’UGTT en déclarant que le remaniement était sa prérogative exclusive. S’en suivront alors plusieurs déclarations de l’UGTT qui feront monter la mayonnaise entre La Kasbah et la Place Mohamed Ali (Siège de l’UGTT).

  • Le 4ème pouvoir veut sa tête. Pourquoi ?

Dans la même interview, nous l’évoquions dans notre édition du 27 février 2018, le refus catégorique et cassant de Youssef Chahed de retirer un projet de loi relatif aux médias publics et contre lequel toute la presse locale s’était liguée. Chahed semait le vent, il récoltera plus tard la tempête !

A la sortie de la réunion de Carthage, Noureddine Taboubi parlait de la décision de former des équipes de travail qui présenteront cette semaine des propositions de sortie de crise économique, de se réunir de nouveau lundi prochain pour faire une évaluation de ces propositions. «A la lumière de cette évaluation, nous verrons l’équipe gouvernementale et le chef de l’équipe gouvernementale qui sera capable de concrétiser ce qui reste de ce programme», a dit Taboubi. Il s’agissait, jusque-là, de redéfinir les priorités et même de refaire le Document de Carthage et d’examiner ensuite l’opportunité de changer ou non de gouvernement.

Taboubi tournait presque les talons pour partir, lorsqu’il est relancé par une journaliste sur le remaniement. «Nous ne savons pas encore. C’est à la lumière des priorités», répond Taboubi, avant d’être de nouveau relancé sur le même sujet. Le sujet n’est plus le contenu de la réunion, les nouvelles priorités du Document de Carthage ou les remèdes à la crise économique et de liquidité, mais uniquement le départ de Youssef Chahed. Pour la presse, la réunion de Carthage était consacrée à son départ, et c’est cet unique départ de Youssef Chahed qui est repris, depuis hier, par tous les médias. Les principales parties, UGTT, Utica et Nida, verseront en abondance dans la brèche, oublieront toute l’urgence économique et financière, lui mettront tout sur le dos, en partie à juste titre, et demanderont la tête de Chahed.

  • A quoi bon un autre Chahed ?

Il n’est point ici question de défendre Youssef Chahed. Au contraire, nous étions parmi les premiers à le critiquer et à l’interpeller au sujet de plusieurs erreurs, médiatiques, de politique ou d’économie. Notre historique en témoigne.

Force est cependant de rappeler, à juste titre, et nous ne sommes pas les seuls à le croire, qu’il est inutile, absurde et que c’est une perte de temps et d’argent de désigner un autre chef de gouvernement, sans lui donner d’abord les outils pour gouverner. L’actuel chef de gouvernement officie dans un régime où personne ne gouverne réellement et personne ne laisse les autres gouverner à sa place. Grand, très grand nombre des projets de loi qui devraient apporter les réformes qui changeront les choses sont dans les tiroirs de l’ARP. Différents autres sont dépouillés au passage d’une ARP gouvernée elle-même pas les lobbies. Les syndicats demandent toujours plus d’argent et utilisent la production comme moyen de pression pour arriver à leurs fins.

Dans d’autres réformes ou d’autres tentatives de trouver les ressources, nécessaires à l’investissement pour créer de l’emploi, la même UGTT met ses fameuses lignes rouges. Pas touche aux grévises, Pas touche aux Sit-in, pas touche aux entreprises nationales en faillite, pas touche aux salaires, pas touche aux prix. Ne rien laisser faire et tout demander au gouvernement qu’on ne laisse rien faire. Avec tout cela, 1.000 autres Chahed ou toute autre compétence, pleine de bon sens, de nationalisme, pleine de volonté, exellant dans la gestion des hommes et des ressources et pétant le feu ne pourra rien y faire.

Faute de changer le régime politique et faute de révision de la Constitution, le chef de l’Etat pourrait au moins prendre les choses en main et donner au chef du gouvernement, même pour un temps et sous contrôle des 9 signataires, la possibilité de gouverner par Ordonnance. Sans cela, c’est comme pisser dans le désert, dirait un proverbe tunisien. Jusque-là et sans cela, c’est le bordel !

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