Question centrale du mémorandum d’accord signé, dimanche, par la Tunisie et l’Union Européenne, la question migratoire s’est révélée être un tourment hégémonique non seulement pour l’Italie, mais aussi pour d’autres nations européennes, enclines, chacune à son échelle, à verrouiller encore plus leurs frontières, quitte à en confier les premières lignes de défense aux pays émetteurs et en même temps de transit.
La Tunisie épouse parfaitement cette configuration et elle fait déjà figure de modèle pour d’autres pays, tels que le Maroc et l’Egypte, comme le souligne l’Exécutif européen. Dans le même temps, d’autres démarches sont préconisées et auxquelles sont associés les Etats-Unis, « non seulement pour des raisons humanitaires, mais aussi pour protéger la stabilité régionale et défendre des intérêts régionaux clés », explique le think tank Atlantic Council. Il explique que les États-Unis ont mobilisé plus de 1,4 milliard de dollars et s’investissent dans la promotion des démocraties pour contrer les systèmes autoritaires de la Chine et de la Russie. Par conséquent, ils sont financièrement, idéologiquement et diplomatiquement investis dans le soutien à leurs alliés européens pour stabiliser une question d’une extrême importance en Méditerranée centrale.
La réponse politique occidentale devrait se concentrer sur l’impératif à court terme de fournir une protection et une assistance aux personnes échouées tout en arrêtant de nouvelles expulsions. En outre, des politiques à moyen terme visant à mettre en place des garanties structurelles peuvent empêcher cette situation de se reproduire et peut-être même aboutir à un écosystème plus sain pour les migrants et la diplomatie migratoire en Tunisie.
Solutions à court terme
Face à cette crise persistante, les acteurs européens et américains ont la possibilité de collaborer pour éviter d’autres décès tout en établissant une base solide pour des solutions holistiques et durables à la situation migratoire difficile en Tunisie, estime le groupe de réflexion qui enjoint aux gouvernements occidentaux de demander aux autorités tunisiennes d’autoriser le Comité international de la Croix-Rouge/Croissant-Rouge (CICR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) à venir en aide aux personnes bloquées.
Étant donné que les suggestions susmentionnées sont immédiatement réalisables, qu’elles ne prêtent pas à controverse et qu’elles constituent le moyen le plus direct de mettre fin à la crise humanitaire, il convient de leur donner la priorité et de les mettre en œuvre le plus rapidement possible. Pour un effet maximal, cela pourrait prendre la forme d’une déclaration commune des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Union européenne (UE), qui pourrait être complétée par des appels téléphoniques de haut niveau entre les dirigeants qui ont de bonnes relations avec le président Kais Saied, comme le président français Emmanuel Macron, précise-t-il.
Pour créer une atmosphère de pression maximale reflétant la situation désastreuse, d’autres déclarations condamnant les développements et proposant des mesures, telles que l’autorisation d’apporter de l’aide aux personnes bloquées, pourraient être publiées par le Congrès américain et le Parlement européen, en particulier par des commissions telles que la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) et la sous-commission des droits de l’homme (DROI).
Les États-Unis et l’Union européenne peuvent également fournir une assistance à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour l’aider à procéder à la réinstallation volontaire des Africains bloqués qui ont travaillé ou étudié en Tunisie et ne se sentent plus en sécurité, ainsi que de ceux qui espéraient migrer plus loin mais préfèrent maintenant retourner dans leur pays d’origine.
En outre, les pays occidentaux peuvent soutenir les pays d’origine de ces migrants en les aidant à fournir une assistance consulaire. Dans de nombreux cas, leurs ambassades ne disposent pas du personnel et des ressources nécessaires pour répondre à une crise de cette ampleur.
Solutions à moyen terme
Depuis février, l’Union africaine (UA) et les pays dont les citoyens ont été concernés par la crise migratoire, sont également mieux placés pour prendre des mesures diplomatiques de responsabilisation, suggère Atlantic Council.
Parallèlement aux réponses de l’UA, l’UE pourrait apporter son soutien à la reproduction de mécanismes testés ailleurs – tels que la Taskforce tripartite UE-UA-ONU sur la situation des migrants et des réfugiés en Libye – afin de développer et de superviser des réponses politiques durables pour aider à améliorer la situation des migrants et des réfugiés en Tunisie, qui ne cesse de s’aggraver, et d’établir une relation de travail avec les autorités tunisiennes qui pourrait aider à éviter que de tels scénarios ne se reproduisent.
Le 11 juin, lors de l’annonce du nouveau protocole d’accord entre l’Europe et la Tunisie, la présidente du Conseil européen (CE), Ursula Von der Leyen, a affirmé que le volet migration du paquet global serait mis en œuvre dans le plein respect des droits de l’homme et deviendrait un modèle pour les accords sur la migration conclus avec d’autres pays. Compte tenu de l’évolution de la situation depuis lors, le protocole d’accord devrait comporter des dispositions claires visant à empêcher que les expulsions arbitraires massives et les abus violents ne se répètent, y compris des mesures de responsabilisation.
Parallèlement à l’élaboration d’un pacte migratoire plus ciblé, plus solide et mieux protégé, le Parlement européen devrait mieux tirer parti de son rôle de contrôle budgétaire et de surveillance des dépenses de la CE, non seulement pour s’assurer que le futur accord est effectivement mis en œuvre, mais aussi pour examiner les enveloppes de financement existantes accordées à la police des frontières tunisienne.
L’importance de la politique migratoire de la Tunisie – en particulier compte tenu de sa capacité à alimenter d’autres questions délicates, telles que le trafic de migrants et la stabilité régionale générale – et sa relation avec la politique migratoire européenne devraient être régulièrement soulignées lorsque des délégations européennes et américaines se rendent en Tunisie. Les prochaines visites des commissions du Parlement européen sont une excellente occasion d’entamer des conversations sur les pratiques de gestion des migrations, qui peuvent être suivies par l’identification de garanties solides pour empêcher que de telles situations ne se reproduisent, conclut l’Atlantic Council.
En mettant en œuvre ces recommandations politiques à court et moyen terme, les parties prenantes européennes et américaines peuvent s’efforcer de relever les défis immédiats tout en jetant les bases de solutions plus globales et durables à la situation migratoire en Tunisie.