AccueilLa UNECoronavirus: Le confinement, ennemi des libertés!

Coronavirus: Le confinement, ennemi des libertés!

Très manifestement, la pandémie du coronavirus, comme son nom l’indique, n’éparge aucun pays ni territoire du globe. Le Maghreb ne devant pas probablement connaître  de pic de ce ce virus avant la fin de l’année, les effets sur ses économies et sa gouvernance sont encore largement inconnus, prévoit le think tank Carnegie. Pourtant, il est clair que les mesures strictes adoptées par les gouvernements pour enrayer sa propagation ont déjà un impact dramatique sur les populations de la région, en particulier  ceux qui les critiquent, ajoute-t-il.

 La plupart des gouvernements, qu’ils soient à la tête de démocraties ou d’autocraties, ont sévèrement restreint les libertés civiles pour empêcher le virus de se propager, mais les gouvernements d’Afrique du Nord ont profité de l’acceptation mondiale de cette mesure pour promulguer des restrictions encore plus sévères à la liberté d’expression et de parole.
Dans ce nouvel environnement, le manque de transparence – en particulier en ce qui concerne l’épidémie elle-même et les réponses des gouvernements – est devenu un problème encore plus important et  rétrécissant  l’espace de la liberté d’expression

Les événements survenus en Algérie, en Égypte, en Libye, au Maroc et en Tunisie montrent que COVID-19 est non seulement une maladie dangereuse, susceptible de rendre malade et de tuer, mais aussi une menace pour la liberté d’expression dans toute la région. Les dirigeants profitent de l’incertitude et du chaos pour faire taire la dissidence et contenir l’opposition.

En Tunisie, rappelle Carnegie, le président de la République Kais Saied et le  Conseil national de sécurité ont d’abord ordonné un semi-confinement le 18 mars, avec un couvre-feu de 18 heures à 6 heures du matin[allégé de 2 heures à l’occasion de Ramadan]. Toutefois, depuis lors, des mesures plus sévères ont été adoptées. La circulation entre les quartiers nécessite une autorisation officielle, et les ports et aéroports sont fermés aux déplacements des civils. La police, les troupes de l’armée, des Humvees et des hélicoptères patrouillent dans le pays et verbalisent les personnes qui refusent de respecter les règles  avec  des amendes pouvant atteindre 100 dollars.

 Les forces de sécurité ont désormais le pouvoir de confisquer les permis de conduire et les voitures des automobilistes. La surveillance a atteint un tout autre niveau, avec des robots de police – en nombre limité et dans des zones déterminées – qui ordonnent aux gens, sur un ton atrabilaire, de rentrer chez eux. En outre, le 4 avril, le Parlement a mis en oeuvre  l’article 70 de la Constitution par un vote majoritaire, déléguant certains de ses pouvoirs au cef du gouvernement.

Quelques côtés positifs , quand même

Il y a cependant lieu de relever  un côté positif. Les  policiers sont peu enclins à utiliser la force contre les citoyens, sauf dans des cas exceptionnels, comme lorsque les policiers ont dispersé physiquement une foule attendant d’être payée. Et les  critiques adressées au  gouvernement, en général, se poursuit sur les sites des médias traditionnels et des médias sociaux sans aucune restriction, les citoyens se plaignant de la pénurie de denrées de consommation ou de la médiocrité des infrastructures de santé publique. La  propagation de rumeurs dévastatrices a même été un problème.Par exemple, tout récemment, lorsqu’une interprétation malencontreuse  d’un post sur les médias sociaux concernant une décision du gouvernement de distribuer de l’aide aux personnes dans le besoin a provoqué   le déferlement  de  foules massives, brisant ainsi l’exigence de distanciation sociale.

Autre signe positif: un groupe  parlementaire a voulu faire passer une loi punissant les  propagateurs  de fausses  nouvelles tout en leur  assurant  une immunité supplémentaire. La réaction populaire a été si vive que de nombreux membres de ce groupe ont dû se rétracter.
Quant aux nouveaux pouvoirs du chef du gouvernement, ils sont limités à deux mois et sont soumis à plusieurs conditions, dont la moindre n’est pas le contrôle parlementaire sur tout décret-loi.

Des signes inquiétants

Néanmoins,  note Carnegie, il y a des signes inquiétants pour l’avenir de la démocratie naissante en Tunisie. Par exemple, lorsqu’un membre du Parlement connu pour ses opinions islamistes conservatrices a été tabassé  en public par un dirigeant local du syndicat national, très peu de gens se sont exprimés. Le Parlement, auquel seule une minorité des personnes interrogées fait confiance et qu’elle apprécie en temps normal, est désormais considéré comme encore plus inutile.

Sur les médias sociaux et traditionnels, les internautes  demandent aux forces de sécurité d’être plus agressives envers ceux qui enfreignent le confinement et leu couvre-feu. Un vieil adage, « Ne parlez pas des droits de l’homme quand il s’agit de lutter contre le terrorisme », s’invite dans le débat public, le « coronavirus » remplaçant le « terrorisme ». « Les policiers et les militaires sont partout, et le pouvoir donné aux forces de sécurité et aux forces armées pourrait facilement augmenter par mandat populaire. Les partisans de l’État policier qui s’est effondré en 2011 tentent depuis de le rétablir, et la pandémie leur offre une nouvelle occasion de tirer parti des niveaux élevés d’inquiétude , qui sont ressentis encore plus largement par le public », souligne le think tank.

Même si le taux de criminalité est resté invariable jusqu’à présent pendant cette crise, un pays à revenu intermédiaire comme la Tunisie ne peut pas supporter le confinement pendant une longue période : la colère populaire et les besoins des familles pourraient se traduire par une augmentation des  protestations violentes, des agressions et les attaques contre les bâtiments publics et les agents. Et les effets sociaux, économiques et sécuritaires de cette pandémie détourneront de plus en plus l’attention de la Tunisie de la consolidation démocratique et des réformes à long terme, et réduiront le contrôle de la société civile sur les affaires publiques. Plus cette situation durera longtemps, plus il est probable que des habitudes autoritaires et martiales s’installeront. Et il pourrait s’avérer très difficile de les supplanter, même après le retour à la « normale », conclut Carnegie.

Traduction & synthèse: AM

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