Désormais contributeur connu par les lecteurs d’Africanmanager, Tarak Arfaoui lance un « coup de gueule ramadanesque » sous la forme d’un appel de détresse qui « pourrait bien s’adresser à plusieurs ministres du gouvernement Bouden tant les problèmes conjoncturels s’amoncellent et paralysent de multiples secteurs de la vie économique du pays depuis belle lurette sans que l’on observe le moindre espoir de résolution. Mon appel urgent concerne particulièrement monsieur le ministre du Transport que je félicite pour sa sérénité qui lui permet d’avoir , la nuit , un sommeil réparateur après une dure journée de labeur après avoir regagné son domicile au volant de sa voiture en mettant certainement une bonne heure pour effectuer quelques kilomètres dans une jungle urbaine à nulle autre pareille où la gabegie engendrée par les bouchons de voitures et l’étranglement dans les carrefours paralysent la capitale .
Il faut dire que les efforts du ministère pour améliorer la circulation automobile en élargissant les voies d’accès à la capitale et en multipliant les échangeurs sont bien réels mais insuffisants vu le nombre des voitures qui circulent, en croissance exponentielle tous les ans ,dépassant largement les capacités de l’infrastructure routière.
Le boom d’importation des voitures particulières est un véritable désastre économique et écologique et dénote la désinvolture ,l’absence de vision, et la démission totale des gouvernements successifs dans le domaine des transports publics .Le parc roulant des autobus est en piteux état constitué pour une bonne partie de bus de seconde main déclassés à l’étranger , bons pour la casse , et nécessitant un entretien coûteux. Les lignes ferroviaires dont certaines datent de l’époque coloniale sont obsolètes , difficiles à gérer, responsables d’accidents récurrents .Les lignes de métro datant des années soixante-dix n’ont pas été mises à jour depuis leur construction et il n’ a jamais été question de leur extension alors qu’on attend avec impatience la mise en service du seul projet digne de ce nom ,celui du réseau ferroviaire rapide dont la décision de mise en œuvre a été prise depuis plus de dix ans.
Devant ces défaillances, le citoyen lambda est obligé d’avoir recours à la voiture particulière pour se déplacer dans une ville où les infrastructures pour la circulation routière sont dépassées . L’Etat navigue à vue en profitant momentanément de ce marasme et en tire largement des dividendes conséquents en multipliant les frais et taxes de douane exorbitants sur les voitures qui n’ont jamais rebuté les Tunisiens dont certains n’hésitent pas à mettre un paquet de 300.000 à 400.000 dinars pour frimer dans des 4×4 . Selon les chiffres officiels, environ 60.000 véhicules neufs sont importés tous les ans et déversés sur les réseaux routiers déjà engorgés et dont environ la moitié circule dans le Grand Tunis .Cela coûte à l’Etat une fortune en devises pour régler leurs achats et surtout pour les entretenir et leur fournir le carburant nécessaire .Il est inadmissible qu’un pays en grave crise économique et énergétique comme le nôtre se permette ce genre de dépenses insensées et il suffit de se balader dans les rues de la capitales pour constater le nombre effarant de grosses cylindrées extrêmement énergivores dans lesquels se pavanent les Tunisiens sans ignorer la pollution qui en découle qui est un problème majeur de salubrité publique .A l’heure où dans tous les pays, les gouvernements ont installé progressivement des garde- fous pour s’adapter à la transition énergétique , que les voitures hybrides ou tout électriques sont devenues une nécessité incontournable en Europe , qu’à terme d’ici 2030, tous les constructeurs automobiles se sont engagés à ne plus construire des moteurs thermiques, notre gouvernement continue toujours à délivrer des quotas d’importation de grosses cylindrées a moteurs énergivores . Devant ces défis économiques je n’ai jamais entendu un responsable soulever le problème de la transition énergétique et l’Etat n’a absolument rien fait pour se préparer à cette échéance en prévoyant d’ores et déjà la logistique électrique adéquate composée de bornes de recharge en réseau organisé , en personnel spécialisé ainsi que la législation y afférente .Que va faire l’Etat lorsque à terme, les kiosques à essence vont disparaître du paysage automobile d’ici une dizaine d’années ? Comment va-t-il supporter le lourd fardeau de la facture énergétique qui se profile à l’horizon ? Comment l’Etat va-t-il gérer le problème des voitures thermiques qui seront obsolètes dans quelques années ? Quel sera le devenir des concessionnaires automobiles en Tunisie ? Autant de questions que tout responsable digne de ce nom doit se poser et se préparer en conséquence pour anticiper et résoudre les problèmes qui paralysent le secteur crucial des transports en Tunisie ; il en va de l’avenir économique du pays.