*Dialogues imaginairement réalistes
*Dialogues imaginairement réalistes

Ils enseignent aux autres et on connaît la qualité de leur travail, supposé les élever presqu’au niveau des prophètes, comme ils aiment à s’en gargariser. L’explosion du nombre d’institutions privées d’enseignement en dit assez long sur cette qualité. Une caste de privilégiés qui travaillent moins de 6 mois l’année, qui voudraient inscrire leur profession sur la liste des métiers pénibles, qui s’échinent à longueur d’année à vendre des cours particuliers pour gagner toujours plus et refusent de faire des heures supplémentaires payées par l’Etat. Des enseignants qui se félicitent de la «large» réussite d’une action contre l’intérêt même de leurs élèves, cela n’existe qu’en Tunisie où c’est un Nobel de la paix qui fait la guerre aux intérêts des élèves et de ceux de leurs parents.

Avec eux, l’enseignement public, des dix dernières années au moins, a perdu sa vocation d’enseignement gratuit, et les inégalités entre riches et pauvres se creusent un peu plus chaque jour. Une qualité de l’enseignement public, que le taux effarant d’abandon scolaire met très à mal et fait perdre chaque année 1,159 MDT à l’Etat selon des chiffres de 2016, contrairement au slogan brandi de bonne foi par cet enseignant sur la photo (Voir les photos ci-dessous). Une capacité à fabriquer des esprits sains et des générations d’instruits pour le pays, que met tout aussi facilement à mal cette dernière étude sur la hausse du taux de criminalité et qui touche tout le monde, y compris les enseignants, comme le disait, le 29 novembre sur Mosaïque, la directrice de la coordination régionale de la sécurité publique Najet Jawadi.

Un enseignement public qui n’arrive toujours pas à bien nantir les demandeurs d’emploi de l’outil primaire qu’est la langue, avec à la clé des chômeurs qui ne savent bien écrire, ni en langue arabe, ni en langue française et encore moins dans d’autres langues. Or, la base en matière de langue qui est le véhicule de toute acquisition de connaissances s’acquiert au primaire et au secondaire. Il n’y a pour cela que de parcourir les demandes d’emploi et les tests des employeurs en matière d’idiolecte et de culture générale. Avec un chiffre tel que celui de 72 % des élèves qui décrochent avant le Bac, comme l’annonçait en novembre 2018, l’actuel ministre de l’Education en mettant en cause le boycott des examens.

Les enseignants pourraient-ils se dérober à cette responsabilité et se placer au-dessus de la réaction, primaire et primitive, de porter plainte contre toute critique ? Peu sûr !

Tous les enseignants et professeurs du secondaire ne sont certes pas pareils et généraliser serait un crime contre ceux qui font leur métier, avec abnégation, le sens du devoir accompli envers ceux qui formeront les élites de demain et sans prendre en otage l’avenir d’une génération entière pour en faire un outil de chantage pour des questions salariales.

Notons alors que la revendication principale de Lassaad Yaacoubi est l’augmentation salariale, que la masse salariale pour les enseignants du préparatoire et du secondaire représentait, en 2018, plus de 2,768 milliards DT et qu’elle sera de plus de 2,958 milliards DT l’année prochaine, en hausse 6,9 % par rapport à l’exercice précédent. Mais de tout cela, les enseignants du secondaire sont mécontents et veulent toujours plus, en estimant qu’ils «ne demandent pas la lune» pour un pays dont le volume de la masse salariale est déjà une première mondiale !

On se demande ce que ces rémunérations deviendraient si le ministère se décidait à payer au prorata des résultats, selon des critères aux standards internationaux et après corrections des examens par des enseignants «indépendants».

  • 65ème sur 70, selon PISA. Quid de l’enseignant et de sa rémunération !

L’enquête PISA est un outil de l’OCDE qui évalue dans quelle mesure les élèves qui approchent du terme de leur scolarité obligatoire possèdent certaines des connaissances et compétences essentielles pour participer pleinement à la vie de nos sociétés modernes. L’enquête se concentre sur des matières clés des programmes scolaires, à savoir les sciences, la compréhension de l’écrit et les mathématiques. Les compétences des élèves sont également évaluées dans un domaine novateur (la résolution collaborative de problèmes, en 2015).

Au niveau du classement général, la Tunisie occupe la 65ème position (avec le Liban) sur 70 pays (dont 35 pays membres de l’OCDE) concernés par le programme PISA. Globalement, les performances des élèves tunisiens demeurent faibles et ne présentent pas d’évolutions particulières et notables par rapport aux résultats de l’enquête PISA de 2006. Qui mettrait, dans ce cas, le lien entre enseignant et élève ?

La synthèse des résultats de l’enquête PISA 2015 fait ressortir trois constats forts inquiétants. D’abord, le système éducatif tunisien est peu performant. Un système à la réforme duquel les syndicats tunisiens restent rétifs. Le pourcentage d’élèves peu performants simultanément dans l’ensemble des trois domaines d’évaluation est de 57%. Un des facteurs explicatifs de cette performance se trouve au sein même des résultats de l’enquête PISA. En effet, la plus forte dégradation a été enregistrée au niveau de la compréhension de l’écrit, avec une baisse de 21 points au niveau du score moyen y afférent. Avec des défaillances majeures au niveau de la compréhension de l’écrit, l’élève tunisien est de facto incapable de réaliser des performances positives au niveau des disciplines scientifiques et mathématiques. Le système éducatif tunisien est aussi incapable de favoriser l’excellence chez les élèves prédisposés ou présentant un potentiel important. Le pourcentage d’élèves très performants dans au moins un domaine d’évaluation n’est que de 0.6%, alors que la moyenne des pays de l’OCDE est de 15%. Dégradation, enfin, du niveau de la résilience, toujours selon PISA. Le pourcentage d’élèves résilients a enregistré une baisse significative en 2015 comparativement à 2006. L’acceptation selon laquelle le système éducatif est un ascenseur social n’est plus désormais vérifiée. Quid donc, encore une fois, de la qualité de l’enseignement dispensé par des enseignants qui se prennent toujours pour des Prophètes !

Eussé-je été décideur, j’aurais lié toute augmentation salariale ou toute autre indemnité aux enseignants à l’amélioration du classement PISA de la Tunisie.

Khaled Boumiza

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