Le couperet de la Loi de finances 2019 n’est pas tombé sur le secteur de la grande distribution. Les députés ont fait une fleur aux super et hyper marchés en les soustrayant à l’impôt sur les sociétés (IS) de 35%, au motif que toute hausse des prélèvements se répercuterait automatiquement sur les prix, et donc sur le portefeuille des ménages déjà malmenés par l’inflation. Par contre les concessionnaires automobiles, qui étaient pourtant logés à la même enseigne que les grandes surfaces, eux ont reçu le bâton fiscal en pleine poire, ce qui a provoqué des protestations énergiques. La Chambre syndicale des grandes surfaces aimerait bien que cet état de grâce dure encore, et que l’impôt de 35% saute pour de bon. « Le report de l’augmentation de l’impôt de 35% appliqué sur les grandes surfaces commerciales à partir de l’année 2020 ne suffit pas. Il faut annuler cette imposition et appliquer aux grandes surfaces un taux de 13,5% à l’instar des autres secteurs« , a déclaré, mercredi 26 décembre 2018, le président de la Chambre syndicale des grandes surfaces relevant de l’UTICA, Hédi Baccour, droit dans ses bottes. Bon, pour le moment ça reste une demande, mais ce qui est sûr c’est que les autres secteurs surveillent cette affaire comme du lait sur le feu, et tout favoritisme en direction des grandes surfaces provoquerait des remous, et à juste titre.
« Cette imposition impliquera automatiquement une augmentation des prix des produits de consommation, ce qui impactera le pouvoir d’achat du citoyen. Elle est en plus de nature à compromettre l’investissement et la création d’emplois« , a ajouté Baccour lors d’un atelier de réflexion sur « l’évolution des grandes et moyennes surfaces en Tunisie », organisé par l’INC (institut national de la consommation), à Tunis.
Baccour a, par ailleurs, affirmé que « les bénéfices nets des grandes surfaces sont aux alentours de 1%. Imposer ce 1% risque de mettre ces enseignes dans l’incapacité de réaliser leurs plans d’investissement et de distribuer leurs dividendes« .
Il a souligné que « les données sur les marges bénéficiaires des grandes surfaces sont des données publiques qui pourraient être consultées sur le site de la Bourse, notamment pour les enseignes cotées« .
L’ODC et l’INC apportent de l’eau au moulin de Baccour
Pour sa part, le président de l’Organisation pour la Défense du Consommateur (ODC), Slim Saadallah, a précisé que « l’ODC n’adhère pas aux appels au boycott des grandes surfaces formulés par certaines parties. De tels appels peuvent menacer 13500 emplois« .
Et de déclarer que « le rôle de son organisation consiste à soulever les dépassements enregistrés dans les grandes surfaces qui concernent essentiellement le non-affichage des prix, l’absence d’agents pour prodiguer des conseils aux consommateurs« .
Il a, à cet égard, formulé la volonté de l’ODC de conclure des conventions avec les grandes surfaces pour un meilleur suivi des besoins et réclamations des consommateurs.
Saadallah a, en outre, plaidé pour « une ouverture du marché de distribution à d’autres enseignes de grande et moyenne distribution pour favoriser la concurrence loyale entre les opérateurs du marché, ce qui permettra une meilleure maitrise des prix« .
Intervenant, le directeur général de l’INC, Tarek Ben Jazia, a précisé que « la part de la grande distribution dans le commerce de distribution en Tunisie est passée de 15% en 2006 à 25% en 2017. Cette part devrait atteindre 40% durant la prochaine décennie. Le CA (chiffe d’affaires global) des grandes surfaces est passé de 800 millions de dinars en 2006 à 3000 MD en 2017. La Tunisie compte 430 points de vente appartenant aux enseignes de grandes surfaces. Ce secteur offre 13500 postes d’emplois« .
Se référant à une étude élaborée par l’INC sur » La modernisation du commerce de distribution et son influence sur le comportement du consommateur et ses dépenses « , il a fait savoir que « 60% des habitants du Grand Tunis font leurs courses dans les grandes surfaces, dont 40% d’une manière hebdomadaire. 76% des clients des grandes surfaces avouent avoir fait des achats non programmés sous l’influence des offres commerciales, de la publicité... ».
L’étude de l’INC estime, ainsi que l’impact des grandes surfaces sur l’évolution des dépenses de consommation est de l’ordre de 20%.
S’agissant de l’impôt de 35% sur les grandes surfaces prévu à partir de 2020, Ben Jazia a considéré que » les marges bénéficiaires des grandes surfaces ne sont pas aussi grandes qu’on pourrait le croire, et que les 3 MD que générera cette imposition ne seront pas d’un grand apport pour le budget de l’Etat « .
Il a qualifié de « folkloriques » les appels au boycott des grandes surfaces, considérant que ces surfaces font partie des habitudes de consommation du Tunisien. La résolution des problématiques qui peuvent surgir avec ces enseignes doit, selon lui, se faire dans le cadre du dialogue.
Voilà, deux soutiens de poids pour une cause qui est presque entendue auprès des autorités, parce qu’elle impacte directement, nous dit-on, le couffin du citoyens, lequel fait l’objet de toutes les attentions en ce moment. Reste à savoir si le chef du gouvernement, Youssef Chahed, ou son successeur à la Kasbah, ira jusqu’à mettre dans ses petits papiers la requête de la Chambre syndicale des grandes surfaces. Mais ce qui est certain c’est qu’une telle disposition ne manquera pas de faire grincer des dents…
SL/TAP