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Le jeu des chiffres et des lettres, entre INS, BCT et agents du «Soft-Power»

« En février 2024, les prix de l’alimentation augmentent de 10,2% sur un an. Cette hausse provient principalement de l’augmentation des prix du café en poudre de 35%, des viandes ovines de 22,5%, des huiles alimentaires de 21,8%, des condiments de 18,5%, des légumes frais de 15,2%, des prix des viandes bovines de 12,2% et des prix des poissons frais de 11,7% ».

C’est ce que disait le dernier communiqué en date de l’INS (Institut national de la statistique », en parlant des prix des principaux produits du couffin de la ménagère tunisienne, en focalisant sur un « taux d’inflation  sur une tendance baissière  à 7,5% contre 7,8% au mois de janvier ». Et on est presque obligé de croire en une régulière décrue de l’inflation.

  • Baisse de l’inflation : Un effet placebo monétaire

Comment cela serait-il possible alors que personne n’a, un tant soit peu, ressenti l’effet de cette infinitésimale baisse de 0,3 points de base de l’inflation, qui n’est pourtant que l’effet du léger différentiel entre produits libres, ou non encadrés par le ministère du Commerce, et ceux des produits fortement encadrés par le même ministère.

De plus, le taux d’inflation sous-jacente (hors produits alimentaires et énergie) augmente pour s’établir à 7% après 6,8% le mois précédent. Il était ainsi facile pour le ministère du Commerce d’exercer même une toute petite pression sur les prix encadrés, pour (automatiquement ?) impacter l’inflation et la déclarer en tendance vers la baisse, alors que toute la Tunisie sait que le Ramadan est le mois de la surconsommation par excellence. De plus, les produits libres représentent 73,5 % du panier de la ménagère, tel que confectionné par l’INS, alors que la pondération des produits encadrés par le ministère n’est que de 26,5 %.

L’inflation a-t-elle donc réellement baissé, comme le prédisaient économistes et analystes, même ceux de la BCT du temps d’El Abassi ? Ou serait-ce réellement une réussite, inexplicable au vu des 10 % de hausse des prix de l’alimentation, en temps de tambours battants de période pré-électorale ? sinon, serait-ce simplement un effet monétaire, loin des marchés où s’approvisionne le citoyen lambda qui ne ressent guère cette prétendue baisse ? 

  • Un effet de politique monétaire, sans plus chez le marché du coin !

Dans la note de conjoncture de la BCT, pour le mois de novembre 2023, (NDLR : la dernière en date en attendant la première du genre de l’ère du Gouverneur Nouri) il était déjà dit que « les dernières prévisions de la BCT laissent entrevoir une poursuite de la décélération graduelle du rythme de progression des prix à la consommation dans la période à venir. Cette détente serait favorisée par la dissipation continue des effets des hausses antérieures des prix internationaux et par l’atténuation des pressions provenant de la demande ».

Et la BCT de dire que « face à l’accentuation des tensions sur les prix et la nette tendance à la hausse de l’inflation, qui ont caractérisé la fin de l’année 2021 et toute l’année 2022, la BCT a entamé, dès 2022, un cycle de resserrement monétaire. Les hausses décidées sur le taux directeur visent à réduire les tensions provenant de la demande sur les prix ».

Ce qu’il fallait, à cet égard, préciser, c’est que  c’est là la politique monétaire conduite par la BCT  en chef de file,  mais aussi par les ministères concernés par le dossier. De ce fait, c’est un échange entre experts qui a engendré, notamment, les politiques à suivre. Et parmi elles, celles relatives à la politique monétaire et précisément le resserrement monétaire. Les tergiversations qui se sont suivies sont dues,  par corrélation, à la « rupture » avec le FMI.

Et la BCT d’ajouter dans la même note précitée que c’est « l’écart de production (ou output gap), qui est par essence la mesure des pressions inflationnistes d’origine qui s’est atténué pour passer au-dessous de la barre de 1% depuis le 2ème trimestre 2023. Selon les dernières prévisions de la BCT, l’output gap devrait se refermer au dernier trimestre 2023, avant de passer en territoire négatif à partir du premier trimestre 2024, ce qui favoriserait une décélération continue de l’inflation en 2024 ». L’explication est ainsi faite de ce qu’on appelle baisse de l’inflation !

La BCT l’avait ensuite déjà (pré)dit : « sur une base annuelle, le taux d’inflation s’établirait au voisinage de 9,4% en 2023, avant de s’atténuer à 7,7% en 2024 ». Mais, ce n’était là qu’un effet induit de la politique monétaire qui, si elle change, changera tout.

  • A qui profiterait le « crime » ?

Un de ces experts nous réveillait tôt le matin du mercredi 6 mars 2024 pour nous annoncer qu’un DG par intérim d’une banque publique allait pouvoir s’envoler pour une réunion à l’étranger d’une autre banque très mal en point, malgré l’interdiction dans une des listes « S », car il paraît qu’il en existerait plusieurs. Notre expert présentait cela comme un indice sur le changement de posture par rapport aux personnalités publiques en relation avec le monde des finances et ou des affaires, du pouvoir en place.

Ensuite, et plus important, pour nous parler de l’infinitésimale baisse de l’inflation comme un indicateur d’une éventuelle baisse du taux directeur (TD) de la BCT, et même un improbable passage au Fixing pour la détermination du taux de change. Et le lien entre les deux « infox » est clair d’intention politique populiste !

On vérifie donc de notre côté, et on découvre que, pour l’instant, il n’y a pas de réunion prévue du CA de la BCT, et que les travaux de préparation, notamment le Comité de la Politique Monétaire ou CPM, ne sont même pas encore envisagés, comme d’ailleurs pour le très improbable passage au Fixing, et ce n’est pas ainsi que se décrètent les choses à la BCT.

Notre source affirme que c’est un travail d’expertise aussi minutieux que de longue haleine qui débouche sur les propositions relatives à la conduite de la politique monétaire dont la partie émergente de l’iceberg est celle qui concerne le taux directeur. Ensuite, les différents scénarios sont étudiés et scrutés pour être présentés aux membres du Conseil d’Administration. Notre source, rappelle encore, que parmi les membres du CA, siègent un représentant du ministère des Finances ainsi que du ministère de l’Economie et de la Planification aux côtés de membres indépendants !

Quant au marché de change, la BCT veille au grain pour le bon fonctionnement de ce marché qui est surveillé, mais pas téléguidé. Et à voir la courbe de la variation des taux de change, l’on comprend vite que c’est la dualité euro-dollar qui prime. A qui profiterait donc une baisse du TD dans une place sur-liquide (BMCE à 21.219 MDT), et qui use de ses agents de « Soft-Power » pour le baisser, sans se soucier du pouvoir d’achat du citoyen ?

  • Nouri et le chant des sirènes

Force est de rappeler que l’ère Marouane El Abassi à la BCT avec sa politique monétaire qui favorisait la lutte contre l’inflation par le levier du TD, au développement à crédit, n’a jamais été aimée par les opérateurs économique du pays qui n’aiment pas un TD élevé, et qui évolue en fonction d’une inflation qui fait les affaires de leurs prix.

Et comme partout dans le monde des affaires, ces opérateurs ont leurs propres agents de « Soft-Power », voire même de lobbying, pour créer les anticipations nécessaires et espérer donc forcer certaines décisions économiques qui arrangent leurs affaires. Et ce « Soft-Power » s’active à plein régime depuis l’entrée en fonction du nouveau Gouverneur de la BCT.

Fethi Zouhair Nouri,  qui fut conseiller de l’UTICA et longtemps membre du Conseil Economique et Social, saisit mieux que quiconque l’importance de cette première décision qui donnera le la à son mandat. Conscient de la situation des opérateurs économiques mais aussi des dimensions sociales dans un contexte de manque de visibilité, le Gouverneur de la BCT et son Conseil d’Administration devront en principe rester hermétiques à ce chant des sirènes.

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