On avait entendu le même discours populiste, lors des premières pénuries de sucre et de café notamment, et on avait vu des arrestations de personnalités, politiques ou politiciennes. Les réseaux sociaux, dont dénonçait l’action il y a un jour le chef de tout l’Etat en recevant Nizar Néji et en parlait comme « des outils utilisés par des cercles bien connus dans le pays et à l’étranger pour porter atteinte à la sécurité nationale de la Tunisie, violer l’honneur, menacer de tuer et jurer de se venger n’ont rien à voir avec la liberté d’expression », faisaient alors le lien direct entre pénuries et arrestations.
- Un Pdg sans moyens dans l’œil du cyclone présidentiel
Ces personnalités croupissent, depuis des mois en prison, et les pénuries continuent pourtant. Ces pénuries, qui continuent, sont même confirmées par le chef de tout l’Etat lui-même, en convoquant à Carthage, il y a deux jours, les Pdg de la Steg et de la Sonede. Avec Hichem Anene (A gauche dans la photo) de la Steg, et Mosbah Hlali, Kais Saïed parlait des dernières coupures d’eau et de l’électricité, comme si elles auraient été le fait de personnes malveillantes et peut-être même orchestrées par elles. Pour l’eau, la Sonede avait depuis plusieurs mois publié un communiqué officiel sur les coupures, les régions concernées et celles qui ne le sont pas. Le chef de tout l’Etat n’avait alors pas réagi au communiqué du ministère de l’Agriculture depuis mars 2023 qui annonçait déjà ces restrictions (ar), ni même convoqué le ministre chargé de l’Agriculture, qui est le véritable propriétaire des ressources hydrauliques et la Sonede un simple distributeur des quantités décidées par le ministère. Ses indicateurs, par ailleurs publics, comme celui d’un du gap de plus de 100 millions de m3 entre ce qui est produit et ce qui est distribué, ou encore le taux de rendement de distribution de seulement 76,3 %, donnent en plus une idée claire des causes de la pénurie d’eau, sans oublier l’état du remplissage des différents barrages.
Kais Saïed ne le savait-il pas ? Ses conseillers, si tant est qu’il en ait, ne l’en avaient-ils pas informés ? Pourquoi ces remarques n’avaient pas été faites au Pdg de la Sonede depuis ce communiqué, publié bien avant le début de la saison estivale ? Pourquoi ces deux Pdg n’étaient-ils pas accompagnés des ministres concernés, le Général Belati pour l’eau pour le questionner sur les raisons de la non-application des décisions de mars 2023, et la ministre qui n’existe plus depuis des mois, pour l’énergie ? Quelque chose ne va manifestement pas bien dans la gestion du chef de tout l’Etat des affaires publiques !
- Les chiffres de la Steg donnaient l’alerte depuis 2021. Où était Kais Saïed ?
Pour la Steg, ses états financiers de 2021 annonçaient déjà un déficit de plus de 60,170 MDT, un endettement de presque SEPT MILLIARDS DT (6.995.835.634 DT et 12,683 Mds DT selon le MTF) pour un total de capitaux propres après affectation, négatif de plus de DEUX MILLIARDS DT (-2.279.099.383 DT). Faire face à la pénurie d’électricité, cela ne peut se faire que par la production de plus d’électricité. Dans son rapport d’activité de 2021, la Steg annonçait déjà qu’elle « manquait de réserve de puissance, des contraintes d’approvisionnement en gaz naturel (Ndlr : combustible de production de l’électricité) et les contraintes financières ». Ni le chef de tout l’Etat, ni ses conseillers, ni ses ministres, n’avaient apparemment lu la page 5 de ce rapport (Pdf) vieux de deux ans déjà. Sur le site du ministère des Finances, le rapport sur l’état des lieux des entreprises publiques, on découvre (chiffres 2021) que la production de la Steg avait diminué de 530 gigawatts par rapport à 2019, alors que le nombre de ses clients passait de 926.020 à 995.780. Et c’était à ce moment-là qu’il aurait fallu poser la question des coupures, manifestement dues au manque de moyens financiers pour faire mieux. Et là encore, quelque chose ne va pas à Carthage dans la gestion de la chose publique !
- Le populisme ne nourrit pas son homme et n’éclaire pas son foyer
Force est d’estimer ainsi que de nouveau, le chef de tout l’Etat tunisien a recours au populisme pour essayer de faire face à des problèmes réels et récurrents qui rendent chaque jour plus difficile au citoyen tunisien. Un discours, où tout est faute aux autres, à « des personnes ou cercles que tout le monde connaît », pour expliquer les défaillances de l’Etat qui ne peut plus assurer les besoins essentiels de ses citoyens. Un discours complotiste qui alimente un climat de défiance qui dresse les uns contre les autres et ne donne aucune solution aux problèmes quotidiens des Tunisiens !