Le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a voulu jouer le jeu de l’entretien libre avec la chaîne américaine CBS, pour l’émission d’informations « 60 minutes », mal lui en a pris. Bon au départ al-Sissi a quand même tenté de mettre la main à l’avance sur les questions, afin d’éviter les pièges du fameux intervieweur Scott Pelley, ou éventuellement censurer les passages qui lui semblent problématiques. La CBS a dit « niet« , le chef de l’Etat égyptien a alors dit qu’il acceptait le défi, histoire de soigner sa cote – lui qui est présenté par beaucoup comme l’artisan du retour de la dictature au pays des pharaons- en apparaissant dans un programme qui a un large écho international, rapporte Franceinfo.

« J’essayais de lui poser des questions qu’on ne lui pose pas en général chez lui« , a confié Scott Pelley.
« C’est un homme qui est accusé des plus horribles violations des droits de l’Homme depuis plusieurs années. Dans son propre pays, nul ne s’en préoccupe ni ne dit mot sur cela« , a-t-il indiqué dans un entretien avec sa propre chaîne intitulé « Comment l’Egypte a essayé de tuer une interview de 60 minutes ».
Le président égyptien a donc dû faire face à des questions très délicates du genre quel est le nombre des prisonniers politiques dans les prisons du pays. Et là, avec un aplomb rarement vu, al-Sissi répond : « Nous n’avons pas de prisonniers politiques ou d’opinion. Nous essayons de contrer des extrémistes qui imposent leur idéologie à la population« .
Et même quand on lui met sous le nez le chiffre de 60 000 détenus politiques communiqué par Human Rights Watch (HRW), il persiste : « je ne sais pas d’où ils tiennent ce chiffre« , réaffirmant sa volonté d’exterminer les extrémistes, aussi nombreux soient-ils.

« Monsieur le président j’ai parlé à plusieurs personnes de votre pays qui refusent de vous appeler président parce que, disent-ils, vous êtes un dictateur militaire« , lui dit alors le journaliste de CBS. « Je ne sais pas à qui vous avez parlé, a répondu al-Sissi avec un rire quelque peu forcé, mais 30 millions d’Egyptiens étaient dans la rue pour s’opposer au régime à l’époque. Je me devais de répondre à leur souhait« , a relaté l’intervieweur.
Un autre sujet brûlant : le massacre de près de 800 membres de la communauté des Frères Musulmans, à la Place Rabaa el-Adaouïa, au Caire, en 2013, un carnage qu’on a collé al-Sissi, à l’époque ministre de la Défense. « En avez-vous donné l’ordre ?« , lui a demandé Scott Pelley, sans prendre de gant. « Laissez-moi vous poser cette question, est-ce que vous suivez de près la situation en Egypte ? D’où vous procurez-vous vos informations ?« , a répliqué le président égyptien, qui ne cachait plus sa mauvaise humeur.

Par ailleurs al-Sissi « a confirmé que son armée travaillait avec Israël contre les terroristes dans le Nord-Sinaï« , a précisé CBS. Et quand on lui demande si ce partenariat avec l’ancien ennemi était le plus solide dans l’histoire des deux nations, il affirme sans hésiter : « C’est exact« , a précisé la chaîne, avant d’ajouter : « Nous avons un large éventail de coopération avec les Israéliens« .

Quelques minutes après cet échange dans un hôtel de New York, en marge de sa participation à l’Assemblée générale des Nations unies, le président égyptien a semble-t-il recouvré ses esprits et s’est rendu compte des déflagrations de tels propos auprès des citoyens égyptiens et dans le monde arabe, il tente alors de rectifier le tir.
« L’entretien a eu lieu à 20 heures et, en route pour mon domicile, mon contact à l’ambassade d’Egypte m’a envoyé un mail me demandant formellement de ne pas diffuser l’émission« , a déclaré Rachael Morehouse, productrice de l’émission. CBS ne plie pas et maintient la date de la diffusion de l’entretien, le dimanche 6 janvier 2019.

D’après le correspondant de RFI au Caire, « ce qui pourrait déplaire aux autorités égyptiennes, ce sont les commentaires de la chaîne accompagnant l’interview« . La chaine n’a pas hésité en effet à balancer que selon le département d’Etat, « assassinats et torture sont pratiqués dans les prisons de Sissi aujourd’hui« . Ce que les autorités égyptiennes contestent énergiquement…

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