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Les conseils du « blessé de guerre » Chahed au nouveau martyr consentant Fakhfakh

Youssef Chahed revient sur ses débuts à la Kasbah, la conjoncture où il y était entré, les défis qu’il y avait rencontrés, financiers et sécuritaires surtout, avec les attentats terroristes du Bardo, de l’avenue Mohamed 5, Sousse, et la tentative de Daech d’installer un émirat à Ben Guerdane, pour finir par dire que « les Tunisiens peuvent être fiers. A la fin de notre mandat, le pays commence à gagner sa guerre contre le terrorisme », remettant la responsabilité de la continuer et de la gagner sur les épaules de son remplaçant.

Il encense ensuite Elyes Fakhfakh et se dit heureux de passer le témoin « à quelqu’un qui croit en un Etat national, ma génération et qui consacre le principe d’un renouvellement de la classe politique, entouré d’un groupe de cadres, qui croient en la démocratie et qui ont les mains propres », répétant à deux reprises la dernière phrase.

« Mon cœur est avec toi, car je sais d’expérience, que si vous combattez la corruption, vous serez accusé de mener une guerre sélective et de règlement de comptes. Et si vous ne le faites pas, vous serez accusé de complicité. Si vous vous entendez avec le chef de l’État, vous deviendrez premier ministre, et si vous appliquez la constitution, vous deviendrez rebelle. Et si vous inaugurez un projet ou visitez une région, ils diront que vous redorez votre blason et servez votre image. Et si vous vous orientez vers la réforme, chacun vous dira de commencer d’abord par réformer chez les autres ». Ainsi parlait l’ancien chef de gouvernement au nouveau chef de gouvernement, dans une scène surréaliste à laquelle personne des personnalités et députés, présents à la cérémonie de passation, n’a applaudi. Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre !

Youssef Chahed l’avait dit plusieurs fois. La cabale politique le visant avait commencé à la première étincelle de sa guerre contre la corruption. Précisément, lorsqu’il avait mis Chafik Jarraya aux arrêts. Les liens de ce dernier avec le monde politique tunisien n’étaient un secret pour personne, et son arrestation pouvait être perçue comme une menace pour beaucoup dans un pays où la politique était financée par le monde des affaires. L’ancien chef du gouvernement n’avait, certes et certainement pas, fait tout ce qu’il fallait et peut-être même tout ce qu’il pouvait, en matière de guerre contre la corruption, la prévarication, les dessous de tables et les passe-droits.

Mais il savait, en arrêtant Jarraya, qu’il faisait un gros coup. Il n’était, cependant, peut-être pas conscient de l’étendue de l’ouverture de la boîte de Pandore qu’il ouvrait, juste par cette seule arrestation, et il le paiera de son poste. « Je veux vous alerter que si vous décidez de lutter contre la corruption, ils exigeront que votre gouvernement soit changé, après 3 ou 4 mois tout au plus », a-t-il dit à l’adresse du nouveau chef de gouvernement, dont le nom, rappelons-le, a été proposé au chef de l’Etat par le propre parti du même Youssef. On découvrira par la suite qu’ils se connaissaient, lorsque Fakhfakh révèlera qu’il avait à deux reprises, avant la révolution, pris un café à Paris avec Youssef Chahed. Et ce dernier d’ajouter à son adresse, comme une mise en garde, que « j‘ai payé un prix politique élevé dans ma lutte contre la corruption ».

Ou Fakhfakh était un fanfaron et voulait donner de lui l’image du « Zorro est arrivé », ou il était réellement l’homme averti qu’il se disait, en lui répondant, lors de la même cérémonie de passation, que « je ne suis pas arrivé pour partir et m’y suis préparé », ajoutant en politiquement correct, que « je ne suis pas arrivé au gouvernement par amour de la fonction et du fauteuil, mais parce que la Tunisie est fatiguée de changer les gouvernements ».

On ne sait pas si l’ex d’Ettakattol et ancien candidat malheureux aux présidentielles qu’est l’actuel chef de gouvernement, s’était préparé aussi bien à la confrontation avec l’UGTT. Youssef Chahed ne lui en a pas parlé aujourd’hui, mais c’est à ce partenaire social aussi que l’ancien chef de gouvernement doit beaucoup de ses blessures de guerre.

  • Chahed, victime aussi de l’UGTT

Lors des discussions sur le vote de confiance pour le gouvernement d’Elyes Fakhfakh, un des députés a mis en exergue, dans la liste des « conseils » qu’il s’était proposé de lui donner, la nécessité d’une trêve sociale de quelques années. Avec l’UGTT, « qui s’y frotte s’y pique ». Il suffirait de dire non à l’une de ses demandes pour s’attirer ses ires. Rares sont les médias qui la critiqueraient. Rares ont été les chefs de gouvernement tunisiens ayant essayé de tenir tête à ce mastodonte syndical qui dispose du plus grand budget parmi les organisations syndicales tunisiennes.

Son budget, ce sont les patrons eux-mêmes qui en fournissent une partie, à partir d’un fonds financé par le patronat et géré par le gouvernement. L’autre, c’est le gouvernement qui lui en fait collecte, sous forme de cotisation des salaires des fonctionnaires.

Syndicat unique, dans un pays qui se targue de démocratie, elle est courtisée par tous les partis politiques, de gauche comme de droite, centristes et islamistes, qui pliaient dès 2011 à ses pressions pour constitutionnaliser le droit de grève, oubliaient de le cadrer, et refusaient les demandes du patronat de constitutionnaliser la liberté et le droit de travailler. Conséquence, grèves et sit-in deviennent monnaie courante, et si la direction faisait mine de dire non, elle permettait à ses unions régionales de casser allègrement ses décisions, au nez et à la barbe des gouvernants.

3ème chef de gouvernement de l’après-révolution, Mehdi Jomaa avait tenté de lui tenir tête, et refusé, contrairement à Habib Essid, de signer les augmentations salariales et autres rappels et pendants de convention, qu’elle demandait. Il n’a dû son maintien à son poste qu’au fait que sa mission était de courte durée et étroitement liée à l’organisation des élections.

Deux autres chefs de gouvernement plus tard, Youssef Chahed tenta de s’y frotter, en acceptant la principale condition du FMI, de maîtriser la masse salariale publique qui gonflait comme une baudruche. L’UGTT en fera de suite un pestiféré, et tentera tout au long de l’ère Béji Caïed Essebssi et même après, de le déboulonner.

Une fois candidat aux présidentielles de 2019, l’UGTT fera presque campagne contre le candidat de Tahya Tounes. Sous divers alibis syndicaux, les manifestations syndicales suivaient presque au pas les meetings du candidat-chef de gouvernement. Pourtant vaincu, Youssef Chahed n’en restera pas moins dans la mire de l’organisation syndicale ouvrière.

Maintenu en chef de gouvernement de gestion des affaires courantes par un chef d’Etat qui attendait la constitution de son propre gouvernement, le syndicat s’attaque aux effets politiques de ses activités officielles pour dénigrer son bilan et rendre encore plus urgent son départ. Le syndicat ira jusqu’à envoyer un fax, dès le 22 novembre 2019, annonçant que « Nawara n’entrera pas en production, malgré les annonces du chef de gouvernement des affaires courantes ». L’UGTT finira par déclarer une grève sur le champ, le jour même de son entrée officielle en production, comme pour se rappeler au bon souvenir de Youssef Chahed.

Lors de l’un des derniers CM du mandat de Youssef Chahed, l’ancien chef de gouvernement aurait passé en revue avec ses ministres une demande introduite par l’UGTT, pour l’acquisition du siège de l’union des syndicats du Maghreb. Le CIM ayant refusé, croyons-nous savoir, l’UGTT avait relancé sa guerre médiatique contre lui.

L’UGTT s’est d’ailleurs illustrée aujourd’hui, par son absence de la cérémonie de passation. Pour Africanmanager, son porte-parole expliquera l’absence par l’invitation arrivée en retard [ar]. Est-ce cela uniquement ? Est-ce le signe d’une tension naissante entre UGTT et Fakhfakh, ou simplement les restes de sa brouille avec Youssef Chahed ?

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