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Tunisie : Le scandale des déchets dangereux dont personne ne parle

La Tunisie fait face à trois gros problèmes liés à l’environnement : le casse-tête des sacs en plastique qui défigurent le cadre de vie, les effets du réchauffement climatique (bouleversement des températures, sécheresse, inondations) et l’épée de Damoclès des déchets dangereux déversés allègrement dans la nature. L’un de ces problèmes, les sacs en plastique, est en passe d’être réglé ; du moins le dispositif législatif est en place et les premières mesures dans ce sens ont commencé à tomber, sur le terrain. On verra dans la durée. S’agissant du réchauffement climatique, c’est beaucoup plus compliqué car les solutions dépendent d’une volonté politique à l’échelle de la planète, et de ce point de vue les violons sont loin de s’accorder, notamment du côté d’un des premiers pollueurs du monde, les Etats-Unis. On peut, tout de même, déplorer le fait que la Tunisie, un des pays qui seront les plus impactés par les changements climatiques, ne fasse pas ce qu’il faut et surtout qu’elle ne tienne pas les engagements pris lors du sommet de Paris. Reste le problème des déchets dangereux, pour lesquels il y a urgence du fait de leur capacité de nuisance immédiate, massive et quasiment irrémédiable.

Environ 142 mille tonnes de déchets dangereux sont déversées dans la nature chaque année en Tunisie, sans se soucier des risques de pollution de l’environnement et de contamination des populations. Selon le dernier rapport de la Cour des Comptes (CC), cette pratique de rejet des déchets est due aux dysfonctionnements des systèmes de gestion, au retard dans l’entrée en exploitation des centres de traitement à Gabès et Sfax (pourtant réalisés depuis 2012), le retard des travaux de réalisation du centre de Bizerte et aussi l’absence d’un cadre règlementaire adéquat régissant la gestion de cette catégorie de déchets, très néfaste pour la santé humaine et l’environnement.
« Il n’y a pas de données actualisées et intégrales sur le nombre des sociétés spécialisées dans la gestion des déchets dangereux et sur les quantités qu’elles traitent. La plupart de ces sociétés ne tiennent pas leurs engagements pris dans le cadre des autorisations et des études d’impacts sur l’environnement« , note le 30ème rapport de la CC.
L’Etat n’a pas mis en place des mesures pratiques pour encourager les producteurs de déchets dangereux incapables de traiter et de éliminer leurs déchets, de les exporter, notamment, après la fermeture du centre de traitement des déchets spéciaux de Jradou.

Le classement des déchets dangereux n’est pas très clair et précis comparé aux directives européennes. Les degrés de concentration des composants nocifs des déchets dangereux fixés par le Décret n° 2000-2339 du 10 octobre 2000 ne sont pas mentionnés, ce qui peut mener à des confusions et des fautes d’évaluation des degrés de nocivité, constate le rapport.
La production des déchets dangereux en Tunisie s’élève à environ 8 mille tonnes par an de déchets de soin et 6 millions et 150 mille tonnes de déchets industriels dangereux dont 6 millions de tonnes de phosphogypse.
Le rapport de 34 pages de la Cour des Comptes a pointé la faiblesse du système de gestion de ces ordures, depuis la production jusqu’à la collecte, et l’inefficacité des mécanismes d’appui et de supervision.
Il fait état aussi de l’absence d’une stratégie nationale, d’objectifs et d’indicateurs relatifs à la gestion des déchets dangereux. Les structures concernées n’assurent pas le suivi des statistiques concernant la gestion des DD ni leur évaluation pour connaitre les dysfonctionnements et trouver les solutions pour promouvoir la valorisation, finaliser et mettre à jour le cadre règlementaire et l’adapter aux normes internationales.

Et il y a de la fraude en plus !

Seulement la moitié de la production des déchets d’activités de soin (DAS), classés déchets dangereux, des établissements sanitaires du secteur public, sont gérés dans le cadre des programmes et projets nationaux, alors qu’une quantité estimée à 2400 tonnes est gérée par les services municipaux, comme étant des déchets ménagers. Encore, plus de 2000 tonnes de déchets des centres de transfusion sanguine en Tunisie sont éliminées anarchiquement. « On en ignore le sort« , note le rapport de la CC.

Pour la Cour des Comptes, la STEG et le ministère de la Santé publique, pourtant partenaires et adhérents au Projet de promotion des bonnes techniques et pratiques de gestion de Polychlorure de vinyle en Tunisie et signataires de conventions avec l’ANGED, ne tiennent pas leurs engagements, sachant que la convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants qui vise à interdire certains produits polluants stipule l’élimination définitive de ce type de déchets avant 2025.
Le PVC libère, au contact de la chaleur, des toxines nocives présentent dans les nombreux additifs nécessaires à sa stabilisation. Ces toxines se propagent dans l’atmosphère, c’est ce que l’on appelle le COV (Composé Organique Volatil). Les particules qui se libèrent forment de la dioxine et de l’acide chlorhydrique, à l’origine des pluies d’acides. L’industrie du PVC est très polluante pour l’environnement et la concentration de ces substances chimiques est toxique pour l’homme.

Que du lourd, du très dangereux, mais dont personne ne parle, ou presque. C’est un fait : l’environnement et la santé publique sont les parents pauvres des politiques publiques. Alors que tout ce qui est en train d’être fait par ailleurs, et qui obsède tant nos dirigeants (la politique, la quête du pouvoir, l’économie, le chômage…) n’a de sens que si on vit assez longtemps, et en bonne santé, pour en voir les fruits. Et pour cela il n’y a pas 10 mille solutions : Il faut s’attaquer aux maux qui rongent notre cadre de vie, et sans tarder, car du retard il y en a eu déjà trop…

TAP

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