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CEDEAO : L’offensive contre le Maroc a commencé. La Tunisie suivra…

L’adhésion du Maroc à la CEDEAO est presque actée. Le royaume chérifien a pris soin de bien bétonner son dossier et d’agiter toutes les carottes qu’il faut sous le nez des dirigeants ouest-africains. Le travail au corps a commencé avec les poids lourds de l’organisation ouest-africaine. D’abord le Sénégal, pays « ami et frère » avec qui le Maroc a déjà d’excellentes rapports, à tous les niveaux et depuis longtemps. Puis la Côte d’Ivoire, avec de solides liens économiques que le roi Mohammed VI et Alassane Ouattara ont tissés au fil du temps. Il y a également le Ghana, avec qui Rabat vient de réchauffer les relations, et les contrats ont tout de suite suivi ! Enfin il y a le Nigeria, avec qui le Maroc va construire un gazoduc, l’un des projets les plus importants du continent. Muhammadu Buhari, à la tête de la première économie du continent, va en fait échanger le gaz contre de l’engrais marocain (le royaume sera bientôt 1er producteur mondial, devant les USA), dont il a cruellement besoin pour nourrir ses 190 millions de concitoyens. Tous ces pays sont autant de soutiens, très forts, du dossier marocain à la CEDEAO. Mais pendant que les chefs d’Etat festoient dans la perspective de cette intégration, les experts s’inquiètent des possibles retombées négatives d’un tel projet. Et ils argumentent. La Tunisie, qui a à peu près le même profil économique que le Maroc et qui file aussi vers la CEDEAO, sera sur le gril prochainement.

«Je ne suis pas pour que le Maroc soit admis dans la CEDEAO. C’est un énorme handicap en tout (…). Nous avons énormément de problème avec ce PIB de 100 milliards. Le PIB du Maroc, c’est la somme du PIB de la Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Ghana à la fois. Le Sénégal  n’y gagne rien et nous perdons (…). Beaucoup de secteurs vont péricliter. La clémentine sénégalaise, la tomate, les carottes vont disparaître, parce que le Maroc a de meilleures dotations factorielles et une meilleure politique agricole. Le Maroc a plus de 300 barrages. La petite industrie sénégalaise ne pourra pas soutenir cette compétition (…). La compétitivité de l’économie marocaine est plus grande. Je ne vois pas un seul élément où nous pouvons gagner». Ces mots, qu’on n’a pas l’habitude d’entendre, ont été prononcés dans une radio de grande écoute, Sud FM, par le Pr Moustapha Kassé, un éminent économiste sénégalais, par ailleurs membre de l’académie l’Académie Hassan II des Sciences et Techniques du Maroc. Ces arguments ont été abondamment repris depuis dans des émissions télévisées où des experts ont étalé leur science en la matière, forçant parfois un peu le trait, comme c’est souvent le cas quand il s’agit d’exciter les peurs et flatter la déraison. Cette musique, assurément, va monter à mesure qu’approche l’officialisation de l’adhésion du royaume. Mais il ne faut pas qu’elle nous détourne de la question de fond, à laquelle il faut répondre objectivement : Le Maroc fera-t-il du bien à l’une des communautés économiques les plus structurées et prospères du continent ?

Des enjeux colossaux, pour toutes les parties

Mohammed VI, est parvenu, c’est incontestable, à verrouiller le cadre national – appelez cela protectionnisme si vous voulez – pour laisser le temps aux fleurons locaux d’émerger, grossir et s’imposer dans tous les segments. Au royaume pratiquement dans tous les secteurs clés (BTP, Agroalimentaire, Assurances, Banques, Grande distribution, Hydrocarbures, Transports, etc.), ce sont des sociétés marocaines qui font la loi. A présent les entreprises ont atteint une maturité, un niveau de maitrise, une expertise et une palette d’offres que le marché local de 32 millions de consommateurs n’est plus en mesure d’absorber. Vu que le marché européen s’essouffle, les entreprises du royaume se sont, tout naturellement, tournées vers l’Afrique subsaharienne, avec les succès que l’on sait, adossées sur la puissance financière du ténor continental Attijari Bank. Mais, et là aussi c’est un fait, le Maroc a aussi de gros problèmes, conjoncturels et structurels : Un chômage des jeunes qui monte, notamment dans les villes, des disparités régionales criantes, etc. Le pays a donc besoin de nouveaux marchés pour faire tourner les entreprises, absorber les demandeurs d’emplois et engranger des recettes fiscales pour financer les projets publics.

Le Maroc passera à la vitesse supérieure au niveau de ses exportations, déjà florissantes, une fois membre de la CEDEAO. En effet la disparition des barrières douanières et les accords préférentiels avec les pays ouest-africains permettront à Rabat de damer définitivement le pion à la concurrence : La Chine, la Turquie, la France, l’Italie… Pour le Maroc l’enjeu est donc colossal. Il l’est également pour les nations ouest-africaines…

Un ami qu’il faut surveiller de très près

Si les pays de la CEDEAO ont un tel appétit pour le Maroc, c’est parce qu’ils ont bien perçu le potentiel que représente un plus grand rapprochement avec le royaume. En effet ce sont pour la plupart des pays qui sont dans une belle dynamique de croissance, frôlant très souvent des taux à deux chiffres ; ce sont des pays qui ont des matières premières et ont la confiance des bailleurs de fonds, et donc disposent de capitaux, mais manquent de structures de transformation. Ils ont besoin du coup de main des partenaires, dont le Maroc, pour hausser le niveau de leur industrie, des infrastructures et de leur recherche-développement sans lesquelles aucune économie ne peut véritablement prospérer sur des bases saines. Donc il ne faut pas être effrayé outre mesure par les ambitions marocaines, il faut les voir comme un relais pour le développement de la CEDEAO toute entière. Il faudra juste veiller à ce que le Maroc joue le jeu, sincèrement, pour éviter le syndrome de l’Allemagne au sein de l’Union européenne.

En effet, comme l’Allemagne vis-à-vis de ses partenaires européens, le Maroc est assis sur un gros excédent commercial avec les pays de l’Afrique subsaharienne et est en train de réduire davantage l’espace, déjà minuscule, des produits étrangers sur son marché. Un protectionnisme pour le coup scandaleux sur lequel il va falloir que le Maroc rende des comptes avant d’intégrer la CEDEAO, pour ne pas justement à en arriver à la situation d’une UE dont la croissance est plombée par une Allemagne qui a gigantesques réserves d’argent, du fait des excédents commerciaux, mais qui ne veut pas les injecter dans des méga projets pour relancer la demande dont l’industrie européenne a cruellement besoin. Le Maroc est donc un ami qu’il faut sans doute accueillir dans la famille, mais qu’il faut surveiller de très près…

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