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Tunisie : Ghannouchi à Carthage, grâce à BCE, c’est pas de la politique-fiction !

Si on a appris une chose dans cette Tunisie de tous les possibles depuis le fameux 14 janvier 2011, c’est qu’il ne faut jamais dire jamais. Rached Ghannouchi, le chef de file des islamistes, sur le fauteuil de Habib Bourguiba en 2019, c’était un scénario ubuesque et surréaliste il y a peu, à cause justement du peu d’appétit des électeurs pour sa personne que presque tous les sondages d’opinions ont attesté. Mais voilà, plus que jamais, ‘Au royaume des aveugles les borgnes sont rois‘. Le combat de l’an prochain pourrait ne pas avoir lieu faute de combattants. Dans un paysage politique sinistré, où aucune alternative sérieuse ne se présente à quelques mois des élections, où aucune personnalité ne sort du lot, où le vieux lion de Carthage, Béji Caïd Essebsi, a bien des envies d’en découdre à la prochaine présidentielle mais à 91 ans il est beaucoup moins fringuant qu’à son dernier triomphe en 2014, Ghannouchi président ce n’est plus un gag ou de la politique-fiction, mais une probabilité qu’il faut regarder en face et analyser. L’écurie islamiste est déjà en branle, après le ballon d’essai lancé par le gendre Rafik Abdessalem Bouchlaka et la sortie d’un « aficionado » de premier plan : Le porte-parole du mouvement Ennahdha. L’affaire est donc sur les rails, dans un contexte incroyablement favorable grâce à l’oeuvre du fils du président de la République, ou plutôt la destruction de l’oeuvre du père, son parti, Nidaa Tounes, par le fils, la seule formation qui peut encore torpiller les plans du leader d’Ennahdha. Tout dépendra de l’issue du tout premier Congrès électif de Nidaa. En attendant Ghannouchi peaufine sa stature internationale, reçoit tous les puissants d’ici et d’ailleurs, édulcore son discours pour ceux, encore très nombreux, que tout relent d’islamisme, même infime, effraie.

BCE et la tentation du lâchage

On n’a pas entendu le président de la République depuis un moment, et pour cause : Il n’a pas, n’a plus, grand chose à dire. Il ne maitrise plus rien depuis que sa dernière trouvaille, qu’il pensait révolutionnaire, le Pacte de Carthage, s’est crashé sur la demande insistante du secrétaire général de l’UGTT : Le départ du chef du gouvernement, chose que le chef de l’Etat ne peut, ne serait-ce que constitutionnellement en temps d’état d’urgence, concéder. Et puis il y a le fait qu’acter l’échec de son poulain, Youssef Chahed, au point d’offrir sa tête à son fils, Hafedh Caïd Essebsi et au leader de la centrale syndicale, Noureddine Taboubi, revient à acter son propre échec. Ce serait celui de trop, après la disgrâce de Habib Essid. A son âge, et au crépuscule de sa carrière politique, Essebsi a maintenant le souci de son héritage, de la postérité, de ce qu’on dira de lui après qu’il se sera éclipsé, comme tous les hommes et femmes de son rang. Mais le duel à mort ente Chahed et Taboubi est en train d’impacter cette trajectoire. Ahmed Néjib Chebbi a raison de dire, sur sa page Facebook le 25 juin 2018, que BCE rêve de voir Taboubi dégommer Chahed. Non pas que le départ du chef du gouvernement enchanterait son mentor, mais ce serait une façon de mettre un terme à cette crise et ce blocage politique mortifère, surtout pour le sursaut économique déjà amorcé et les réformes dont le pays ne peut plus faire l’économie. Et ça aussi ça conditionne la consistance de l’héritage que laissera le président de la République.

Essebsi ne peut pas raisonner et encore moins stopper l’UGTT, pour ramener le calme dans le pays, alors l’idéal serait que Chahed s’efface, volontairement, sans faire de bruit, sans régler des comptes, sans tirer dans tous les sens, sans déballer ce qu’il sait. Mais manifestement ça restera un voeu pieux, un rêve pour BCE. Chahed n’a montré aucune disposition à être cet agneau de sacrifice qu’a été Essid.

Les vrais vainqueurs c’est eux !

Paradoxalement, le chef du gouvernement n’a jamais été aussi en forme. On est fin juin 2018 et il est encore là, ce qui en soi est déjà un miracle vu la violence de la tempête qu’il a essuyée il y a peu. Et même mieux : l’UGTT, celui par qui tous les dangers sont arrivés, va lui offrir une chance de jouer une fine partie de poker où Chahed pourra abattre ses cartes. Dans ces négociations sociales qui démarrent ce jeudi 28 juin, il lâchera, très probablement, quelques promesses, même vagues, de revalorisation des salaires, sous l’étroite surveillance du FMI qui a tracé quelques lignes rouges. Ces engagements suffiront pour le moment. D’abord ils permettront à Chahed de gagner un précieux temps, et de désarmer Taboubi. En effet ce dernier ne peut pas continuer, très logiquement, à réclamer la tête de celui avec qui il négocie, et encore moins si Chahed dit ce qu’il veut entendre : Les salaires vont monter, même peu. Il ne faut pas oublier, malgré les grandes phrases et les théories savantes sur l’échec du gouvernement, que le combat contre le chef du gouvernement a gagné en intensité quand Chahed a fermé la porte des augmentations salariales. Il a aggravé son cas en opposant une fin de non-recevoir aux demandes exagérées des profs du secondaire. En réalité  c’est cela qui lui a valu la violence des coups portés par l’UGTT. Toute cette agitation est avant tout une affaire de sous. Si Chahed lâche du lest là-dessus, avec les limites que lui a fixées son principal bailleur, ça lui donnera l’assurance d’être tranquille au moins cet été. Et encore plus s’il saupoudre tout cela avec un remaniement ministériel aux petits oignons, même frugal. A la rentrée on parlera d’autre chose, essentiellement des élections générales de 2019…

Au plus fort de la tempête, quand son parti secouait le cocotier pour le faire tomber, seul Ennahdha a défendu la boutique Chahed. Mais les islamistes ne l’ont pas fait pour ses beaux yeux, mais par pur pragmatisme. En effet Chahed traite plutôt bien les ministres nahdhaouis, malgré la pression d’une frange des nidaïstes pour débarquer les poulains de Ghannouchi. Qui sait ce que ferait d’eux un autre chef de gouvernement. Ne dit-on pas ‘Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras’ ? Par ailleurs un soutien affiché à Chahed, jusqu’au bout, quand les siens le lâchent, a l’avantage de se le mettre dans la poche et de s’assurer qu’il s’effacera le moment venu pour dégager la voie du palais de Carthage à Ghannouchi. Une sorte de renvoi d’ascenseur quoi. Quant à Nidaa Tounes, il pourrait très bien, en cas de déroute aux élections de 2019, accepter de jouer les seconds couteaux, exactement comme le fait Ennahdha présentement, avec une cohabitation bis, histoire de garder une main sur le pouvoir. A moins que le prochain Congrès électif de Nidaa Tounes en décide autrement, en éjectant HCE et ce qu’il faut de poison, en permettant à un vrai candidat à la présidentielle d’émerger, et ça aussi c’est pas de la politique-fiction !

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