AccueilLa UNETunisie : Jihad Azour, du FMI, défendrait presque Youssef Chahed !

Tunisie : Jihad Azour, du FMI, défendrait presque Youssef Chahed !

Le raccourci du titre est certainement discutable. Il n’en reste pas moins vrai, même s’il pourrait aussi s’appliquer dans le cas de la Tunisie, à tout autre chef du gouvernement d’un pays devenu ingouvernable. Les dernières manifestations, en Tunisie, contre la loi de finances 2018, ne sont d’ailleurs pas passées inaperçues chez son principal bailleur de fond qu’est le FMI.

Directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, Jihad Azour n’a pas manqué de réagir à ces manifestations. «La montée des tensions sociales et des manifestations (…) montrent clairement que le désir de prospérité, d’équité et d’avenir des habitants de la région reste insatisfait. Leur frustration est compréhensible», a-t-il écrit dans un article publié sur le site de l’institution internationale. Il dit même, toujours aussi compréhensif, que «sans surprise, les habitants n’ont pas envie de payer davantage s’ils estiment que le système favorise les plus nantis».

Et Azour, qui connait certainement les reproches que font les politiciens au FMI, à chaque fois qu’un pays commence à appliquer le «remède de cheval» qu’il conseille à chaque fois, défendait en fait l’ordonnance médicamenteuse de l’institution financière, dont l’objectif selon lui est d’aider le pays à retrouver la croissance économique et l’équité, commence par dire que «il serait regrettable que le processus de réforme économique en cours fasse marche arrière». Il tempère ensuite, en conseillant aux gouvernements, et il ne parlait pas que de la Tunisie, de «s’efforcer de mener les réformes en veillant à l’équilibre social, de façon progressive, et surtout, ils doivent tenir la promesse d’une vie meilleure pour tous, et plus particulièrement pour les personnes pauvres et vulnérables».

Les réformes à mener en priorité sont les suivantes, selon le «FMIste», docteur en finances internationales et ancien ministre du Liban. «D’abord, la réduction de la corruption, la promotion d’une concurrence loyale grâce au commerce extérieur et à une meilleure réglementation, et améliorer l’accès au crédit pour permettre aux PME et aux nouvelles entreprises de se développer. Ensuite, investir dans les compétences nécessaires pour la nouvelle économie, en particulier chez les jeunes travailleurs, en modernisant l’enseignement et la formation, et les aider à trouver un emploi. Mais aussi offrir des perspectives à chacun au moyen de politiques budgétaires équitables et porteuses de croissance, ainsi que d’une fiscalité juste. Et enfin, renforcer les droits des femmes et répondre aux besoins des réfugiés en matière d’alimentation, de logement, d’éducation et de travail». Des priorités, qu’on retrouve toutes, en filigrane à travers les mesures initiées par le GUN (Gouvernement d’union nationale) en Tunisie. Mais aussi et surtout des réformes qui auraient dû être initiées dès le 1er gouvernement de transition et qui auraient dû être l’essentiel de la révolution. Ce sont ces retards successifs qui ont rendu la tâche plus ardue et ont surtout alourdi la facture, sociale et financière, poussant le pays dans les bras du FMI, le plus exigeant des bailleurs de fonds, et dans un endettement que la Tunisie a demandé et non le contraire.

Jihad Azour admet cependant que «rien de cela n’est aisé» et estime que «il n’est pas tenable d’accumuler des dettes publiques pour financer des dépenses qui se sont trop souvent révélées improductives. Le remboursement de ces dettes se fait au détriment de dépenses vitales dans les domaines de la santé et de l’éducation, et ce sont les générations futures qui en paieront le prix».

Azour, qui parlait jusque-là de tous les pays de la région, en vient au cas tunisien. Dans les pays «où la dette publique est déjà élevée et augmente encore, comme (…) en Tunisie, le FMI a fourni des financements qui permettront un ajustement budgétaire plus progressif que ce qui aurait été possible autrement, et à un taux d’intérêt plus bas».

Et comme s’il voulait défendre une institution financière, généralement jugée coupable de toutes les incidences sociales, il explique : «nous [au FMI] nous efforçons également d’être attentifs aux circonstances sociales et politiques, comme en Tunisie, où nous avons adouci plusieurs fois l’objectif en matière de déficit budgétaire, malgré les conséquences pour la dette et l’inflation».

Il assure même que «dans les programmes qu’il soutient, le FMI veille également de plus en plus à ce que les personnes les plus vulnérables soient préservées des augmentations d’impôts et des réductions des dépenses. En Tunisie, par exemple, l’administration a élargi le programme de transferts monétaires en faveur des personnes à faible revenu, doublant ainsi le nombre de familles bénéficiaires et triplant le montant moyen des transferts. Les dépenses sociales globales ne peuvent pas tomber en-dessous d’un seuil plancher, conformément au programme soutenu par le FMI». Il défendrait presque le chef du gouvernement tunisien, Youssef Chahed, même si ce dernier a fini par dévoiler, mais avec du retard, les mesures d’accompagnement de la loi de finances 2018.

Plus détaillé dans ses explications des remèdes du FMI aux économies en difficulté, comme la tunisienne, le Directeur au FMI indique que «dans toute la région, le FMI prône la réduction des subventions à l’énergie, qui sont très coûteuses. Pourquoi ? Parce que ces subventions profitent principalement aux classes aisées. Parallèlement, et c’est très important, le FMI déconseille fortement de réduire les subventions alimentaires, par exemple pour l’achat de pain en Jordanie et en Tunisie. Encore une fois, pour être efficaces, les programmes de réforme doivent être adaptés aux circonstances propres à chaque pays, et pleinement assumés par les pouvoirs publics. Le dialogue avec les principaux acteurs concernés, dont la société civile, est un facteur essentiel, et c’est un élément des programmes que le FMI soutient partout dans le monde».

Le chef du gouvernement tunisien participera la semaine prochaine à Marrakech, au Maroc, à une conférence régionale que le FMI organise, en coopération avec le Fonds monétaire arabe, le Fonds arabe pour le développement économique et social notamment. Le débat, avec des décideurs politiques et des représentants du secteur privé et de la société civile, portera sur les façons les meilleures de contribuer davantage à la réalisation d’une croissance inclusive.

Youssef Chahed y parlera certainement du cas tunisien, de la conjoncture dans laquelle se déroulent les réformes qu’il est en train d’appliquer, non sans peine. Il est à espérer que le FMI finira par comprendre, comme le disait son Directeur Jihad Azour, que «rien de cela n’est aisé», pour Youssef Chahed comme pour tout autre responsable à sa place, qu’il montre plus de compréhension face au temps que mettent les réformes à se mettre en place et qu’il continue son soutien financier à la Tunisie, qu’il comprenne son souci de l’impact social des réformes et le soutienne aussi. Amen !

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