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La Tunisie attend beaucoup de la Turquie. Omar Farouk Dogan s’engage… et donne quelques leçons magistrales!

L’Ambassadeur de la Turquie en Tunisie, Omar Farouk Dogan, a déclaré que son pays est prêt à investir en Tunisie et ce, dans une approche gagnant- gagnant.

Sur un autre plan, il a affirmé que la Tunisie doit choisir son modèle de développement, revoir ses fondamentaux, renforcer la production, la libéralisation et la privatisation, tout en introduisant le système du partenariat public-privé. Interview :

Les autorités tunisiennes s’étaient plaintes du déséquilibre des échanges commerciaux entre les deux pays, et la Turquie avait promis d’apporter des correctifs. Où en est-on ?

Les relations entre la Tunisie et la Turquie ont une longue histoire. Elles ont commencé déjà en 1964, pour s’approfondir et devenir multidimensionnelles en 1956 avec la naissance de la République indépendante.

L’aspect économique et commercial s’est fortement accéléré surtout avec la signature d’un accord de libre-échange en 2004, prévoyant une diminution progressive des droits de douane jusqu’en 2014, date à laquelle ils ont complètement disparu. A noter que la Turquie fait partie d’une union douanière depuis 1996.

Depuis 2014, les produits industriels turcs ont leurs propres droits d’accès au marché tunisien, avec 0 taxe. Les relations entre les deux pays se sont consolidées dans la foulée, surtout que les entrepreneurs tunisiens ont commencé à constater qu’il y a énormément d’opportunités..

Mais pourquoi ?

C’est simple, la Turquie fait la partie d’une union douanière et les produits originaires du pays ont toujours leurs propres droits d’accès aux pays membres de l’Union européenne. Les opérateurs tunisiens, au vu de cet avantage, ont commencé à changer de destination et à s’orienter vers la Turquie, qui a la même position qu’un pays membre de l’Union européenne.

C’est pourquoi les Tunisiens ont commencé à importer depuis notre pays, surtout que les prix sont très avantageux et la qualité est au rendez-vous.

Mais M. l’Ambassadeur, en dépit des avantages offerts par cet accord, un déséquilibre énorme a été constaté au niveau de ces échanges ?

Il est clair qu’un certain déséquilibre a été constaté au niveau des échanges entre la Turquie et la Tunisie et ce, pour multiples raisons.

Depuis 2011, la Tunisie n’a pas malheureusement gardé le même niveau de production, elle a fortement baissé à cause d’un climat social perturbé, marqué par la recrudescence des mouvements sociaux et des sit-in.

Par conséquent, la Turquie n’a pas pu importer de phosphate de la Tunisie car on avait tablé sur une production de 8 millions de tonnes en 2016, à l’arrivée le pays s’est retrouvé avec 2.5 millions de tonnes. Cela a accentué le déséquilibre des échanges entre les deux pays, et surtout pour la Turquie, un pays qui a de gros besoins en phosphate et qui a été obligé de s’orienter vers d’autres marchés pour les satisfaire.

Par ailleurs la Turquie n’a pas pu importer de dattes ou encore des automobiles.

Tout cela a causé un déséquilibre, qui n’a pas plu également à la Turquie. Ce qui nous a obligés à tenir une réunion du conseil économique le 21 juillet dernier pour mieux se pencher sur cette question.

La Turquie a aussi la volonté d’équilibrer ses échanges avec la Tunisie. Comment ?

Nous avons choisi de nous focaliser sur trois secteurs principaux, à commencer par le secteur de l’huile d’olive. A ce niveau, la Turquie a promis de mettre en place un certain quota pour la Tunisie, qui va s’établir entre 5 et 10 mille tonnes pour la première phase.

Le deuxième secteur sera le textile, considéré comme le promoteur de l’économie, en créant d’énormément d’embauches. A ce niveau, des réunions ont eu lieu avec les professionnels turcs afin de les encourager à investir en Tunisie.

Le phosphate est le dernier secteur et la Turquie essaye de trouver les moyens pour créer une usine d’engrais pour que la Tunisie devienne un pays exportateur de ce produit. Chose qui permettrait sans doute d’augmenter la valeur ajoutée de produit tunisien.

De toute façon, le marché tunisien doit monter en gamme pour réduire le déséquilibre dans les échanges commerciaux entre les deux pays.

C’est important, essentiellement pour convaincre davantage l’importateur turc, qui s’est détourné de la Tunisie.

Le rééquilibrage des échanges commerciaux prendra assurément du temps. Avez-vous une idée sur les échéances ?

Dans le concept de libre-échange, les autorités ne peuvent pas contrôler la demande du marché intérieur. Cela veut dire que le gouvernement turc ne peut pas forcer le secteur privé à aller dans un sens, et c’est pareil pour la partie tunisienne.

La Tunisie doit encourager l’investissement étranger et tirer profit de la Turquie, qui a injecté plus 5.5 milliards de dollars en Egypte, 2.5 milliards de dollars en Algérie, 3 milliards de dollars au Kenya et en Ethiopie

Avez-vous élaboré une stratégie afin de dépasser les défaillances ?

Les autorités tunisiennes doivent faciliter les procédures et l’accès des investisseurs. Partant de ce constat, elles sont appelées à mettre en place une réglementation qui sera en harmonie totale avec la nouvelle loi de l’investissement.

Les institutions et les ministres doivent s’adapter avec ce nouveau texte réglementaire.

Cette démarche est stratégique dans la mesure où plus de 180 projets de développement ont été lancés à l’occasion de la tenue de « Tunisia 2020 », mais voila leur réalisation dépend encore de l’adaptation à la nouvelle loi de l’investissement.

Y a-t-il une volonté turque pour investir davantage en Tunisie ?

Exemple simple : Nous sommes un pays agricole et nous importons annuellement 600 millions de dollars d’engrais et de phosphate. Qu’est-ce qui empêche à la Tunisie de répondre à nos besoins, sachant qu’elle dispose d’un potentiel énorme ?.

Si les conditions deviennent plus favorables, rien n’empêchera l’investisseur turc de miser sur la Tunisie et d’importer les produits dont il a besoin.

Autre chose : la Tunisie peut devenir une base de cargos aériens pour toute l’Afrique. La réalisation de cet objectif est tout à fait possible pour le pays, qui n’a que de bonnes relations avec les 54 pays africains.

Cela serait facilité par la transformation de toute la Tunisie en une zone de libre échange. Chose qui permettrait par la suite d’avoir une réelle base logistique.
C’est important surtout qu’il y a un fort mouvement
occidental vers l’Afrique et un e-commerce qui se
développe grâce à des cargos aériens. En Afrique,
1.2 Milliards de personne se nourrissent avec 85% d’importations et
la Tunisie qui a inspiré la civilisation africaine pourrait
bénéficier de cet avantage.

Vos messages pour les autorités tunisiennes afin que notre pays puisse sortir de l’impasse économique ?

C’est simple, il est plus que jamais utile de libéraliser l’économie et introduire les conditions de la libre concurrence.

Libéraliser aussi les institutions pour augmenter la concurrence, la compétence et aussi la qualité, ce qui permettrait certainement de baisser les coûts de production et de faire évoluer l’exportation.

Il faut encore trouver les moyens d’accélérer l’économie de la Tunisie, considérée comme la seule stable sur la bande maghrébine.

Et pour ce faire, la Tunisie doit bénéficier de ces avantages, protéger son unicité, renforcer la stabilité et la solidarité, et revenir tout de suite à la production, tout en introduisant de nouvelles politiques pour encourager la production destinée à l’exportation.

Ces étapes vont certainement améliorer la position de la Tunisie à l’échelle internationale et en faire un pays aussi bien exportateur qu’importateur.

Un mot sur les projets et initiatives de votre pays pour aider la Tunisie à passer le cap des difficultés économiques postrévolutionnaires

Nous avons vécu cette expérience dans le passé. Nous avons traversé les mêmes étapes et on a eu de grands débats avec la Banque Mondiale, qui a limité les activités de notre pays. A présent la Turquie est classée 6ème économie mondiale.

Pour y parvenir, il faut revoir les fondamentaux du pays, renforcer la production, la libéralisation et la privatisation, tout en introduisant le système du partenariat public-privé.

La Tunisie a encore besoin d’encourager et stimuler sa diaspora estimée à plus de 2 millions de personnes.

Et pour le soutien de la Turquie ?

Nous avons échangé les expériences et nous sommes prêts à investir dans une approche gagnant- gagnant, sachant que le tiers des citoyens tunisiens est effrayée par cette approche.

Partant de tout cela, la Tunisie doit choisir son modèle de développement et bien se positionner par rapport à ses multiples partenaires.

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